Ouf ! Chacun sa vie de Ali Ghanem était dimanche dernier sur les écrans de la salle El Mougar après une décennie d'attente ! Produit par le réalisateur lui-même, ce film a pu voir le jour grâce à l'ultime aide du commissariat d' “Alger, capitale de la culture arabe ”, ainsi qu'à celle du tout début de Hamraoui Habib Chawki, directeur général de l'ENTV. “J'ai vendu l'idée à HHC avant même que je n'écrive le scénario” a confié le cinéaste très soulagé d'avoir bouclé cette œuvre qu'il mijotait depuis 1998. Chacun sa vie peut être classé dans cette catégorie de films qui s'adressent à la communauté maghrébine vivant à l'étranger et, par extrapolation, à la communauté émigrée désireuse du retour au bercail après la mise à la retraite. Au hall de la salle El Mougar, nous avions rencontré un homme en pleurs. “ Je n'ai pas pu me contenir ” raconte ce comédien du Théâtre régional de Annaba confiant que son frère émigré souffre depuis quelques années de solitude. Dans une confidence aveugle nous apprendrons de cet homme que son aîné a divorcé et qu'il est forcé de rester dans le Nord de la France pour ses trois enfants. Le film de Ali Ghanem parle en revanche de cette envie presque mythique de retourner au bercail, de retrouver la terre natale, un pied d'accueil, un éternel point d'attache dans la mère patrie. Se pose alors la question d'une progéniture maghrébine qui est née en France et qui n'a comme idée de “ la mère patrie ” que le discours. Ni œuvre pour grand-public, ni œuvre de grand auteur, Chacun sa vie pourrait cartonner dans ce Minilmontant, où tous les vieux Maghrébins réinventent sur les bancs publics leur histoire passée dans les faubourgs de leur enfance. De par le rythme, le film pousse à l'ennui. Le personnage principal, un Marocain fétiche du réalisateur, était très bien dans son costume d'ancien émigré, pantalon velours et veste large…Son visage à la moustache turque, cache des nuits entières passées dans les bistrots enfumés, dans l'espoir d'oublier ou de se rappeler les solitudes des exils forcés. La plupart des comédiens sont marocains, et on arrivait difficilement à capter le son de ce film défectueux sur le plan du réglage. Chacun sa vie et un film que même Ali Ghanem reconnaît comme n'étant pas un film commercial. Il ne porte pas les ingrédients qui font de lui d'une œuvre à succès. C'est juste un regard d'un homme, Ali Ghanem, lui-même émigré, sur ses compères après des années passées loin des odeurs de l'enfance. Juste un regard sur le temps qui passe, sur celui qui nous rattrape.