La Grèce risque de dominer à nouveau cette année les réunions de printemps à Washington du FMI et de la Banque mondiale, qui démarrent ce jeudi. Athènes fait face à des partenaires plus tendus que jamais, quand la menace d'un défaut rôde. De tous les ministres des Finances et patrons de banques centrales du monde entier, réunis pour trois jours dans la capitale américaine, l'un des plus en vue sera le Grec Yanis Varoufakis. Les inquiétudes sur un défaut de paiement se font de plus en plus vives. M. Varoufakis, qui se rendra à la Maison-Blanche, mais sans rencontre bilatérale prévue avec le président Barack Obama, aura fort à faire pour convaincre ses homologues qu'Athènes reste digne de confiance. Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a indiqué lors d'une conférence de presse qu'il n'y aurait pas de traitement de faveur pour la Grèce, endettée auprès du Fonds, et confrontée à des échéances de remboursement régulières. "Aucun pays développé n'a jamais demandé de délai" pour rembourser et "c'est clairement une voie qui ne serait pas adaptée ni recommandable", a-t-elle affirmé. Doute pour mai Athènes assure être en mesure de régler son dû pour avril, mais le doute persiste pour des paiements dus en mai. D'ici là, le gouvernement dominé par le parti de gauche radicale Syriza doit faire valider par ses partenaires européens une liste de réformes, afin de libérer une aide de plus de 7 milliards d'euros (7,21 milliards de francs). Or la Commission européenne a fait savoir jeudi qu'elle n'était "pas satisfaite du niveau de progrès accompli" par les autorités du pays. Le commissaire aux Affaires économiques et financières Pierre Moscovici, lors d'un débat à Washington, a refusé de "spéculer sur d'autres scénarios" que celui d'un accord avec la Grèce. Mais il a reconnu que les discussions devaient aller "plus vite", ce qui demande à "toutes les parties de négocier sérieusement (...) et avec bonne foi". L'agence de notation Standard and Poor's y est aussi allée de son coup de semonce en abaissant mercredi la note de solvabilité du pays. Mais le sort de la zone euro n'est pas le seul objet de préoccupation lors de ces réunions à Washington.
Lutte contre la pauvreté Le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a ainsi rappelé qu'il s'agissait encore de "tirer de la pauvreté un milliard de personnes" et réclamé des réformes dans les pays émergents. Mme Lagarde a elle repris son nouveau mantra, appelant à éviter une "nouvelle médiocrité" économique, faute de croissance assez vigoureuse. Ce qui, selon le FMI, passe notamment en zone euro par des politiques de "soutien à la demande", un message destiné notamment à l'économe Allemagne. Christine Lagarde n'a par ailleurs pu faire l'économie d'un sermon aux Etats-Unis qui, depuis des années, bloquent une réforme du FMI destinée à donner plus de poids aux grands pays émergents: "Je comprends que certains pays soient frustrés" par ce blocage, a-t-elle dit.
Banque asiatique d'investissement Sans attendre cette réforme hypothétique, la Chine a choisi de lancer une banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB), ralliant plusieurs poids lourds européens. Et causant une désagréable surprise aux Etats-Unis. Dans le même temps, Pékin poursuit sa campagne pour que sa devise soit prise en compte dans le calcul des "Droits de tirage spéciaux", sorte d'embryon de monnaie universelle émise par le FMI. Autre sujet au premier plan des réunions, la crise d'Ebola et les moyens de venir en aide aux trois pays touchés, la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone. Les dirigeants de ces trois pays vont présenter à Washington les détails d'un "plan Marshall", s'accompagnant d'une aide supplémentaire et d'un effacement de leur dette.
Lagarde écarte l'idée de reports de paiement La directrice générale du FMI a écarté l'idée de reports de paiement pour la Grèce qui se trouve dans une situation financière difficile et négocie sur le versement d'une nouvelle tranche d'aide avec ses créanciers. C'est clairement une voie qui ne serait ni adaptée ni recommandable dans la situation actuelle, a affirmé Mme Lagarde lors d'une conférence de presse à l'ouverture des assemblées semi-annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington. Elle était interrogée sur des informations de presse faisant état d'une demande grecque pour obtenir des reports dans les remboursements qu'Athènes doit effectuer auprès de ses créanciers. Christine Lagarde, a souligné que des reports de paiements étaient exceptionnels dans l'histoire du FMI et n'avaient jamais été suivis de résultats productifs. En outre, de tels reports n'ont jamais été accordés à des économies avancées et toujours à des pays en développement, selon Mme Lagarde. Nous n'avons jamais vu une économie développée demander des reports de paiements, a-t-elle souligné, rappelant que de tels reports entraîneraient obligatoirement de nouveaux financements et que ceux-ci signifieraient des contributions additionnelles par la communauté internationale, dont certains membres sont dans une situation beaucoup plus difficile que celui qui demande ces reports. Elle a ensuite précisé que le FMI l'avait rappelé lors d'entretiens avec le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, qui se trouve à Washington pour participer aux réunions du FMI et de la BM. Selon le Financial Times, les responsables grecs ont demandé à ce que les échéances pour les remboursements soient repoussées mais ont été découragés de faire une telle demande de manière officielle. Les autorités grecques doivent repayer un total d'un milliard d'euros à leurs créanciers à partir du 6 mai puis un total de près de 9 milliards d'euros en juillet et août. Le versement de la tranche de 7,2 milliards de dollars allègerait la pression sur Athènes mais la troïka (FMI, Banque centrale européenne et Union européenne) la lie à un engagement de programmes de réformes de la part du gouvernement de gauche grec. Une échéance a été fixée au 24 avril lors d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Riga (Lettonie) pour la présentation de ce programme. La Commission européenne a durci le ton jeudi vis-à-vis de la Grèce, ne s'estimant pas satisfaite du niveau de progrès accompli par les autorités du pays. La Grèce avait remboursé le 9 avril au FMI 459 millions de dollars qu'elle lui devait pour avril.
Moscovici: pas de préparation à une sortie de la Grèce de l'euro Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici a assuré qu'il n'y avait pas de préparation à une sortie de la Grèce de l'euro, malgré de trop faibles progrès de la part d'Athènes. Il n'y a pas de réflexion sur un +Grexit+, il n'y a pas de plan B, il n'y a pas de changement de ce point de vue-là, même si j'ai vu telles ou telles déclarations, notamment d'Olivier Blanchard, le chef-économiste du FMI qui s'est employé récemment à relativiser les conséquences d'une telle sortie de la Grèce, a-t-il déclaré en marge des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. On travaille et on fait des progrès mais ces progrès sont trop lents et à ce stade trop faibles. Le temps commence à presser, a toutefois déploré M. Moscovici. Il manque beaucoup de choses dans la liste de réformes que la Grèce doit présenter à ses partenaires pour toucher le dernier versement du plan d'aide international actuellement en cours, a-t-il indiqué. Le commissaire européen a jugé absolument indispensable que des progrès solides soient enregistrés lors d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro le 24 avril à Riga. La Commission européenne n'entend pas laisser Athènes faire traîner en longueur les discussions, éventuellement jusqu'en juin, quand viendra l'heure de négocier un nouveau et troisième plan d'aide pour la Grèce. Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a lui souligné, également à Washington, que pour bénéficier en mai d'un versement de 7,2 milliards d'euros lié au deuxième plan d'aide et censé éviter un défaut, la Grèce devait convaincre trois institutions, à savoir le FMI, l'Union européenne et la Banque centrale européenne, qu'elle avait rempli en grande partie ses obligations. La décision appartient à la Grèce, a souligné M. Schäuble, partisan depuis le début d'une ligne dure envers Athènes.