Malgré des tentatives de rebond, Wall Street a poursuivi cette semaine un début d'année sinistre entre inquiétudes chinoises et chute du marché pétrolier et cherche à se recentrer sur l'économie américaine. Surtout, comme sur les autres grandes Bourses, la tendance à la baisse se confirme à Wall Street qui s'inscrit en chute de plus de 8% depuis le début de l'année. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir cherché à rebondir, avec notamment une hausse de près de 1,5% jeudi. "C'est un peu le désordre et c'est vraiment très instable", a reconnu Tom Cahill, de Ventura Wealth Management, avant un week-end de trois jours aux Etats-Unis. Pour la majorité des observateurs, les deux coupables de cet affolement ne font guère de doute: la Chine, qui multiplie les indicateurs de mauvais augure avant l'annonce mardi de sa croissance annuelle, et le pétrole, dont les cours tombent régulièrement à de nouveaux plus bas depuis quelque douze ans. "Si l'on y regarde de près, il va y avoir la semaine prochaine beaucoup de chiffres américains importants pour le marché - sur l'immobilier, sur les indicateurs avancés, sur l'inflation - et puis des résultats d'entreprises... Mais je crois que l'on va rester concentrés sur ce qui inquiète actuellement les marchés, comme la Chine, qui reste le plus gros problème avec le pétrole", a jugé M. Cahill. Toutefois, tous les investisseurs ne sont pas d'accord sur la gravité de ces deux éléments, d'ailleurs interdépendants, les inquiétudes sur la Chine pesant sur les cours pétroliers, même s'il y a consensus sur leur prééminence dans l'esprit des investisseurs. "A mon avis, le pétrole, la Chine ou d'autres grosses actualités, cela permet de catalyser, mais le véritable facteur ce sont les valorisations boursières", montées à un niveau élevé l'année précédente, a jugé Jack Ablin, reconnaissant tout de même que le pétrole est "ce qui se rapproche le plus d'un baromètre de l'économie mondiale". "Donc, on ne s'inquiète pas, car cela fait partie d'un processus de rééquilibrage", a-t-il estimé, comparant la situation à l'accès de faiblesse de l'été 2015, déjà lié à la situation chinoise, après lequel les Bourses avait nettement rebondi.
Liquidations Dans le même ordre d'idée, certains commentateurs continuent à s'étonner de la difficulté de Wall Street à suivre un chemin différent des cours pétroliers. "Si la Bourse d'Arabie saoudite baisse à cause du pétrole, d'accord", a argumenté Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services. "Mais si Wall Street baisse de 10 % parce que le pétrole baisse d'autant, ça semble excessif par rapport à l'importance de l'énergie dans l'économie américaine." Il tentait deux explications: l'incapacité des groupes américains à effectuer des rachats d'actions en période de résultats, ainsi que la nécessité des fonds souverains de pays producteurs de pétrole de récupérer des liquidités pour faire face à la chute des cours. "La Norvège a 825 milliards de dollars d'actifs dans son fonds, Abou Dhabi 770 milliards, le Koweït 500 milliards...", a insisté M. Volokhine. "Cela met une pression énorme sur des marchés qui autrement, en tout cas aux Etats-Unis, ne devraient pas être si corrélés aux cours de l'énergie." Dans ce contexte, les investisseurs peuvent commencer à compter sur les résultats d'entreprises à venir pour se recentrer sur l'économie américaine - plus que ceux de la semaine écoulée, plutôt bons mais dominés par un secteur financier aux enjeux particuliers. Même si des banques annonceront encore leurs chiffres la semaine prochaine - Bank of America et Morgan Stanley mardi, Goldman Sachs mercredi -, le marché se fera aussi une idée du transport aérien avec Delta Air Lines - mardi - et de l'industrie avec General Electric - vendredi. "On a besoin que les groupes nous disent + c'est fort possible que l'économie ait ralenti en fin d'année mais on est assez confiants pour 2016+", a conclu M. Volokhine.
Fin de semaine agitée La Bourse de New York a lourdement rechuté vendredi, les investisseurs ne trouvant rien pour les rassurer face à la chute des prix du pétrole, des Bourses européennes et des mauvais indicateurs: le Dow Jones a dégringolé de 2,39% et le Nasdaq de 2,74%. Selon des résultats définitifs, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average a perdu 390,97 points à 15.988,08 points et le Nasdaq, à dominante technologique, 126,59 points à 4 488,42 points, au plus bas depuis la fin octobre 2014. Très surveillé par les investisseurs, l'indice élargi S&P 500 a lâché 41,55 points, soit 2,16%, à 1 880,29 points. "Vous avez la chute des prix du pétrole combinée avec la poursuite de la peur pour les perspectives de la Chine, et pour couronner le tout un weekend de trois jours", avec lundi férié en l'honneur de Martin Luther King: pour David Levy, chez Kenjol Capital Management, tout était réuni pour que les investisseurs évitent la prise de risque et se retirent du marché. "C'est pas joli", a-t-il ajouté, tout en relevant que les indices s'étaient un peu repris après avoir dépassé les -3% à la mi-journée. Le S&P 500 s'est maintenu une douzaine de points au-dessus, après une incursion en-deçà à mi-séance. Déjà minée par le recul du pétrole, au plus bas depuis douze ans, Wall Street s'est laissée entraîner par les Bourses chinoises et européennes, qui ont toutes fini en forte baisse, et les mauvais indicateurs américains ont renforcé le pessimisme.
Les financières attaquées Les résultats des banques Wells Fargo et Citigroup ont révélé des défauts de paiement de leurs clients du secteur de l'énergie, participant de l'inquiétude ambiante. L'ensemble des valeurs financières affiche une chute de 3,42% sur la séance, le secteur le plus attaqué. Citigroup a enregistré en 2015 ses plus gros bénéfices depuis une décennie, avec des frais judiciaire en baisse et grâce à une forte réduction de ses coûts. L'action a quand même perdu 6,41% à 42,47 dollars. La californienne Wells Fargo a légèrement moins souffert, perdant 3,59% à 48,82 dollars, après avoir affiché une stabilité de ses bénéfices annuels et trimestriels. La banque d'affaires Goldman Sachs a perdu 3,58% à 155,61 dollars après avoir soldé pour 5 milliards de dollars des poursuites judiciaires lancées par les autorités, liées à la vente entre 2005 et 2007 de produits financiers adossés à des prêts immobiliers douteux. Jeudi, le géant des semi-conducteurs Intel avait annoncé des chiffres meilleurs que prévu, validant selon lui sa recherche de relais de croissance face à la crise du PC, mais assortis de prévisions prudentes, invoquant l'état de la demande, en particulier en Chine. L'action a dévissé de 9,10% à 29,76 dollars. General Electric a cédé 1,96% à 28,49 dollars malgré l'annonce de la vente pour 5,4 milliards de dollars de son activité d'électro-ménager au chinois Haier. Le géant de la distribution Wal-Mart a perdu 1,79% à 61,93 dollars après l'annonce de la fermeture de 269 magasins dans le monde. Son concurrent en ligne Amazon a reculé de 3,85% à 570,18 dollars malgré l'obtention d'une licence d'opérateur de fret maritime.