Le ministre des Affaires étrangères kosovar Hashim Thaçi a été élu vendredi président du Kosovo par le Parlement. L'opposition a tenté d'empê- cher le déroulement du scrutin avec le lancement des gaz lacrymogènes. Au troisi ème tour de scrutin, la candidature de l'ex-premier ministre a été soutenue par 71 des 120 élus de l'Assemblée kosovare, tandis que dix bulletins ont été invalidés. A l'issue du vote, M. Thaçi, 47 ans, s'est engagé à "construire un nouveau Kosovo, un Kosovo européen, et à approfondir nos relations avec les Etats-Unis". Le vote a été marqué par des incidents. Les partis de l'opposition demandaient un report du vote, accusant Hashim Thaçi de corruption et lui reprochant d'avoir conclu avec Belgrade un accord accordant davantage d'autonomie à la minorité serbe. M. Thaçi, qui s'était réfugié en Suisse au début des années 1990, était pourtant l'un des fondateurs de la guérilla l'Armée de libération nationale (UCK) qui a combattu les forces serbes durant le conflit de 1998-99. JETS DE GAZ LACRYMOGÈNES Avant le vote, des élus de l'opposition ont lancé du gaz lacrymogène dans l'hémicycle. La session avait repris en l'absence des élus de l'opposition, dont certains ont été contraints de quitter la salle, tandis que d'autres ont refusé d'y participer. Parallèlement, un affrontement avait éclaté entre les forces de l'ordre et un groupe d'une centaine de manifestants violents qui ont lancé des cocktails Molotov sur une place devant le Parlement à Tirana, avant d'être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes. Hashim Thaçi sera président, une fonction essentiellement protocolaire, pour une durée de cinq ans. Le quinquennat de la présidente actuelle Atifete Jahjaga se termine le 7 avril. ANCIEN GUERILLERO L'ex-guérillero occupe les devants de la scène politique kosovare depuis près de deux décennies. Né le 24 avril 1968 dans le centre du Kosovo, berceau du séparatisme kosovar albanais, il a participé dès le début des années 1990 à un mouvement de "résistance passive" face aux autorités de Belgrade. Persuadé que cette politique ne donnerait aucun résultat, il décida avec d'autres indépendantistes, de créer un mouvement de guérilla au milieu des années 1990. Condamné par contumace à 22 ans de prison pour terrorisme par un tribunal serbe, il se réfugie en Suisse où il étudie l'histoire à Zurich. En 1997, il retourne au Kosovo et fonde l'UCK avec d'autres leaders indépendantistes l'UCK. Pendant le conflit de 1998-99, M. Thaçi, alias "Le Serpent", devient "Premier ministre" du "gouvernement provisoire" du Kosovo. Il apparaît sur la scène politique internationale en 1999 à la conférence de paix de Rambouillet (France) où il s'affirme comme le chef des négociateurs kosovars albanais. "NORMALISATION" AVEC BELGRADE Reconverti en homme politique après le conflit, M. Thaçi devient premier ministre de 2008 à 2014, puis chef de la diplomatie en décembre 2014. Il a négocié avec ses anciens ennemis serbes et conclu en avril 2013, sous la houlette de l'Union européenne, un accord historique de "normalisation des relations" entre Pristina et Belgrade. Cet accord a notamment permis au Kosovo de signer avec Bruxelles un accord de "stabilisation et d'association", première étape sur le long chemin d'adhé- sion à l'Europe des Vingt-Huit. Sa popularit é a atteint son pic lorsque le Kosovo a proclamé son indépendance en 2008. Mais un coup très fort a ensuite été porté à sa réputation, en 2010, quand un rapport du Conseil de l'Europe a mentionné son nom ainsi que ceux d'autres responsables kosovars, dans une affaire de trafic d'organes. M. Thaçi a fermement réfuté ces accusations portant sur une période où il était chef de la guérilla (UCK). Selon le rapport de l'ancien conseiller aux Etats Dick Marty (PLR/TI), l'UCK avait organis é des camps de détention pour des Serbes et des personnes soupçonnées de collaboration avec Belgrade. Des prisonniers, pour la plupart des Serbes, y auraient été tués et leurs organes auraient été prélevés pour être vendus ensuite au marché noir.