L'attentat suicide perpétré dimanche soir dans un jardin public de Lahore, au Pakistan, a fait au moins 70 morts et 340 blessés, selon un nouveau bilan. Les victimes sont en majorité des femmes et des enfants. L'attentat a été revendiqué par les taliban de la faction Jamaat-ul-Ahrar, qui précisent avoir "pris pour cibles des chrétiens" à l'occasion du dimanche de Pâques. Il constitue l'attaque la plus meurtrière au Pakistan depuis le massacre de 134 élèves dans une école à Peshawar en décembre 2014. Vingt-cinq des quelque 340 blessés sont dans un état grave, a déclaré Deeba Shahnaz, porte-parole des services de secours. Selon une autre source, le bilan est de 72 morts, dont 29 enfants.
Près de l'aire de jeu La déflagration s'est produite dans le parc Gulshan-e-Iqbal, proche du centre-ville de cette ville de 10 millions d'habitants. Il était particulièrement fréquenté en ce jour de printemps où la minorité chrétienne célébrait le dimanche de Pâques. Le kamikaze "s'est fait exploser près de l'aire de jeux pour enfants, où ils faisaient de la balançoire", a indiqué un haut responsable administratif de Lahore, Mohammad Usman. Des billes métalliques ont été retrouvées. "Lorsque l'explosion s'est produite, les flammes sont montées si haut qu'elles ont dépassé les arbres et j'ai vu des corps voler dans les airs", a raconté Hassan Imran, un habitant qui s'était rendu dans le jardin pour se promener.
Mares de sang Les images des télévisions locales montrent des femmes et des enfants dans des mares de sang, pleurant et criant à l'extérieur du jardin. Des policiers et des passants évacuaient des blessés en les portants dans leurs bras. Le Pakistan, pays très majoritairement musulman, compte cependant plus de deux millions de chrétiens. "Nous devons traduire en justice les meurtriers de nos frères, sœurs et enfants innocents et nous ne laisserons jamais ces sauvages inhumains submerger notre vie et notre liberté", a déclaré lundi un porte-parole de l'armée, Asim Bajwa. Le Pakistan est la cible d'attentats commis par des islamistes depuis une quinzaine d'années, lorsque Islamabad s'est rallié aux Etats-Unis contre Al Qaïda. Si l'armée, la police, le gouvernement et les intérêts occidentaux sont les cibles principales des taliban pakistanais et de leurs alliés, la petite communauté chrétienne de même que d'autres minorités religieuses ont également été visées.
Minorité chrétienne Au cours des dernières années, des églises ont été la cible d'attaques à Lahore, fief du Premier ministre Nawaz Sharif dans la province du Pendjab. Au Pakistan, des groupes islamistes armés ciblent à l'occasion la minorité chrétienne qui représente environ 2% de la population de ce pays majoritairement musulman sunnite de 200 millions d'habitants. Quelques chrétiens ont aussi été accusés d'avoir offensé l'islam, un crime passible jusqu'à la peine de mort au Pakistan selon une loi controversée sur le blasphème. En novembre 2014, un attentat-suicide des talibans à Wagah, poste frontière avec l'Inde situé à la sortie de Lahore, avait fait plus d'une cinquantaine de morts.
Manifestation à Rawalpindi Par ailleurs, à Rawalpindi, la police a tiré dimanche des gaz lacrymogènes pour disperser environ 25 000 partisans de Mumtaz Qadri. Cet islamiste avait été exécuté le mois dernier pour avoir assassiné en 2011 le gouverneur du Pendjab Salman Taseer. Mumtaz Qadri avait revendiqué ce meurtre affirmant vouloir venger l'islam de Salman Taseer, un homme politique progressiste qui avait pris la défense d'Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème. La manifestation de Rawalpindi n'a pas été retransmise sur les chaînes d'information en continu. Les médias sont l'objet d'une censure croissante par l'Etat qui ne souhaite pas voir ce type de protestation prendre de l'ampleur dans le reste du pays.
Revendication des talibans Une faction du mouvement taliban pakistanais a revendiqué hier l'attentat, affirmant avoir voulu viser ainsi les chrétiens. Nous avons perpétré l'attentat de Lahore car les chrétiens sont notre cible, a déclaré par téléphone Ehsanullah Ehsan, le porte-parole du Jamaat-ul-Ahrar, une faction des talibans. Nous commettrons d'autres attentats de ce type à l'avenir, a-t-il ajouté. Les infrastructures de l'armée et du gouvernement pakistanais, les écoles et les universités figurent aussi parmi nos cibles, a-t-il dit. Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier commis cette année au Pakistan. Des factions talibanes pakistanaises ont déjà revendiqué plusieurs attaques en 2016, dont celle d'une université à Charsadda (nord-ouest) en janvier, et celle d'un tribunal dans la ville de Shabqadar (nord-ouest) début mars. En décembre 2014, ils avaient également revendiqué l'attaque d'une école militaire de Peshawar, qui avait fait plus de 150 morts et choqué le pays.
L'ONU condamne un attentat épouvantable Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a condamné l'attentat-suicide, le qualifiant d'acte de terrorisme épouvantable. Le secrétaire général condamne fermement l'attentat-suicide aujourd'hui (dimanche) dans le parc Gulshan-e-Iqbal, dans la ville pakistanaise de Lahore, indique un communiqué de l'ONU. Le secrétaire général demande que les auteurs de cet acte de terrorisme épouvantable soient amenés rapidement devant la justice, ajoute le document. M. Ban, présentant ses condoléances aux victimes et leurs familles et exprimant sa solidarité avec le peuple et le gouvernement du Pakistan, a appelé les autorités à faire tout leur possible pour mettre en place des mesures de protection permettant d'assurer la sécurité de tous les individus, y compris les minorités religieuses vivant dans le pays. Les autorités s'attendent à ce que le bilan de l'attentat s'aggrave encore. Des billes métalliques se trouvaient dans la bombe actionnée par le kamikaze, augmentant encore son pouvoir de destruction.