En dépit des sanctions économiques qui pèsent toujours sur la Russie et du mécontentement que ce déplacement pourrait susciter au sein du G7, le premier ministre japonais Shinzo Abe se rendra prochainement à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine. "La visite de Shinzo Abe en Russie témoigne des succès du Kremlin, qui s'efforce de tirer la Russie de son isolement international", écrit l'agence Bloomberg. Le premier ministre ne se limitera pas aux questions territoriales et présentera un plan pour stimuler l'économie russe prévoyant, entre autres, des projets de développement énergétique et industriel dans l'Extrême-Orient russe. "Ce déplacement prouve une fois de plus que la politique d'isolement d'Obama a échoué. Cette visite cruciale montre que le Japon a décidé de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier", analyse Alexeï Pouchkov, chef de la commission des Affaires étrangères à la Douma (chambre basse du parlement russe). Un chercheur de la Temple University de Tokyo, de son côté, estime que la période actuelle est "la moins propice" à l'assouplissement de la rhétorique vis-à-vis de la Russie. D'après lui, Abe prend un très grand risque car "d'autres membres du G7 ont clairement laissé entendre que ce n'était pas du tout une bonne idée". Shinzo Abe doit rencontrer Vladimir Poutine vendredi à Sotchi, rappelle Bloomberg. Début février, le président américain Barack Obama s'était entretenu par téléphone avec le premier ministre japonais. L'agence de presse japonaise Kyodo avait rapporté qu'Obama avait mis en garde Shinzo Abe contre toute visite en Russie en disant que le moment "n'était pas opportun pour de tels contacts". Le premier ministre avait refusé à l'époque de commenter l'information parue dans la presse.
13e rencontre Poutine-Abe Le 6 mai, le premier ministre japonais Shinzo Abe a rencontré le président russe Vladimir Poutine à Sotchi. Une visite qui montre que les tentatives de Washington d'isoler Moscou ont échoué. Il ne s'agit pas d'une simple visite de politesse, s'accordent les experts. La visite du premier ministre nippon démontre que le Japon fait progresser ses intérêts nationaux et que M. Abe lui-même est persuadé que les relations Tokyo-Moscou sont cruciales sur le long terme. Ce que souhaite le premier ministre, c'est de renforcer les liens avec la Russie, et ce n'est pas par hasard que M. Abe a été le seul membre du G7 présent à la cérémonie d'inauguration des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi. Le moment de la visite n'est pas non plus anodin. M. Abe se tourne vers la Russie alors que les Etats-Unis coopèrent avec cette dernière pour remédier à la crise syrienne et ne peuvent plus exiger du Japon de suivre la stratégie d'endiguement de la Russie. "Ce qui est encore un signe que la politique d'isolement d'Obama a échoué", a déclaré le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma Alekseï Pouchkov à Bloomberg."C'est une visite importante qui atteste du fait que le Japon a décidé de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier", a-t-il souligné. Entre-temps, Washington n'a pas trop apprécié la décision de M. Abe de venir à Sotchi. En février, le président américain avait demandé à M. Abe de suspendre sa visite jusqu'à ce que le sommet du G7 se tienne au Japon les 26 et 27 mai. La Russie et le Japon ont de nombreux intérêts communs.
Pauvre en ressources Alors que Washington brandit l'arme des sanctions contre Moscou, le Japon, son fidèle allié dans la région du Pacifique, cherche à renforcer ses liens avec Moscou. Cette rencontre est déjà le 13e rendez-vous entre les dirigeants, observe le Wall Street Journal, ajoutant que le chiffre dépasse largement le nombre de rencontres entre M. Abe et Barack Obama, alors que Washington est le principal allié du Japon. Ce bref calcul prouve qu'une nouvelle page dans les relations nippo-russes est la priorité diplomatique pour le premier ministre japonais, conclut le quotidien américain. Le moment choisi pour cette rencontre avec M. Poutine n'est toutefois pas particulièrement opportun pour Tokyo, estime le journal. Fin mai, le Japon accueillera le sommet du G7, qui se tiendra sans la Russie, le pays qui a longtemps été membre du "club", en a été exclu en 2014, sur fond de réunification avec la Crimée. Mais le geste de Tokyo prouve que malgré toutes les tentatives de Washington, la Russie est loin d'être isolée. "Le problème pour Shinzo Abe est qu'en cherchant l'amitié de Poutine, il se trouve sous un feu croisé diplomatique entre Washington et Moscou", indique le WSJ. Pour l'instant, Washington préfère garder le silence et n'a pas officiellement manifesté son mécontentement vis-à-vis du rapprochement avec Moscou qu'effectue son allié. La Russie et le Japon ont toutefois de nombreux intérêts communs. Pauvre en ressources énergétiques, le Japon cherche à diversifier ses sources de pétrole et de gaz alors que la Russie a besoin de nouveaux investissements, sur fond de crise mondiale. En outre, M. Abe a clairement laissé entendre qu'il voudrait résoudre l'ancien litige territorial entre la Russie et le Japon autour des îles Kouriles avant de quitter son poste. Cette année, il envisage d'inviter le président russe au Japon et espère arriver à un accord. Un autre problème qui préoccupe le Japon est la situation autour de la mer de Chine méridionale. Tokyo prend une part de plus en plus active dans les discussions autour des eaux contestées de cette région. Tokyo espère qu'un dialogue mené en parallèle avec Moscou et Pékin permettrait de refroidir les ardeurs de la Chine.