Près de 68 000 personnes, plus de 220 000 selon la CGT, ont défilé mardi dans plusieurs grandes villes de France lors d'une sixième journée de mobilisation contre le projet de loi travail. Des grèves ont paralysé principalement l'ouest du pays. A Paris, un cortège de plusieurs milliers de personnes - entre 11 000 et 12 000 selon la police contre 55 000 pour les syndicats - a défilé sous la surveillance de la police, qui a tiré des gaz lacrymogènes. Sur la place Denfert-Rochereau, des manifestants ont jeté des pavés. "Retrait de cette loi du pognon, c'est la loi des patrons", crachait la sono en tête du défilé. La police a interpellé une douzaine de personnes, surtout pour port d'arme prohibée (petites masses, pavés). Neuf personnes interdites de manifester ont obtenu pour leur part la suspension des arrêtés qui les visaient. Ce sont 53 personnes qui sont désormais interdites de manifester en France, selon le ministère de l'Intérieur. Le service d'ordre (SO) du syndicat CGT, attaqué par des manifestants le 12 mai, était également très visible à Paris où des jeunes criaient "SO collabos". Certains des membres des services d'ordre s'étaient équipés de matraques ou de bâtons. Les manifestations ont aussi rassemblé quelques milliers de personnes à Nantes, où des incidents ont éclaté et la Fnac évacuée après des jets de projectiles. D'autres défilés ont eu lieu à Rennes, Marseille, Toulouse, Lyon et Grenoble. A Marseille, où le service de sécurité a été musclé, huit personnes ont été interpellées.
"Ça suffit", s'écrie Hollande Cette nouvelle journée d'action, lancée à l'initiative de sept syndicats, ainsi que celle annoncée jeudi, sont les sixième et septième en un peu plus de deux mois pour contester le texte de la ministre du Travail Myriam El Khomri, jugé trop favorable aux entreprises. Les casseurs, "ça suffit et ça ne pourra pas rester sans réponse", a prévenu dans la matinée François Hollande sur Europe 1. Le chef de l'Etat a assuré qu'il ne "céderait pas" sur une réforme qui "a été discutée", "concertée" et "corrigée". Le président a "les oreilles bouchées", a regretté le chef de file de la CGT, Philippe Martinez. Quant au secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, il a appelé le gouvernement à "ouvrir les yeux", soulignant qu'il était encore possible de "modifier le texte".
Ports paralysés Des actions lancées dès l'aube par plusieurs fédérations de transports ont également conduit à la paralysie de la zone portuaire et industrielle du Havre, du port de Saint-Nazaire et de la raffinerie de Donges, près de Nantes. Des opérations escargot et des barrages filtrants ont aussi été organisés à Rennes, Calais, Caen, ainsi qu'à l'aéroport de Perpignan ou encore à Fos-sur-Mer. A un mois de l'Euro de football, des grèves reconductibles étaient aussi annoncées chez les dockers, marins et facteurs. Dès mercredi, ce sera au tour de la SNCF de faire grève, où les revendications internes s'ajoutent au rejet de la loi. Jeudi enfin, à l'aéroport parisien d'Orly, 15% des vols seront normalement supprimés.
L'Insee révise à la hausse la croissance 2014 Par ailleurs, l'Insee a annoncé avoir révisé nettement à la hausse le chiffre de la croissance française en 2014, à 0,7% du produit intérieur brut (PIB) contre 0,2% annoncé auparavant, ainsi que le déficit public pour 2015, à 3,6% au lieu de 3,5%. La croissance en 2014 est ainsi rehaussée de 0,5 points en données corrigées des jours ouvrées (CJO) par rapport à la dernière estimation. En volume, la révision est légèrement moins importante, à 0,6% au lieu de 0,2%. Cette correction s'explique principalement par "une contribution comptable plus importante" qu'anticipé "des variations des stocks", a précisé l'Institut statistique dans un communiqué. Les entreprises, soit parce qu'elles pensaient que la demande allait être plus importante qu'elle ne l'a été, soit pour anticiper une future accélération de la consommation, ont ainsi augmenté leur production pour renflouer leurs stocks. "Les variations de stocks sont difficiles à observer en temps réel. Un certain temps est nécessaire pour les mesurer précisément", souligne Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture de l'Insee, pour justifier l'ampleur de la révision. La hausse de la croissance en 2014 s'explique aussi, selon l'Institut statistique, par une demande intérieure plus forte que prévue (+0,6 point au lieu de +0,5 point) et une baisse de l'investissement moins forte qu'estimé (-0,3% contre -1,2%). Le taux de marge des entreprises s'est ainsi redressé, de +0,5 point contre -0,3 point, passant de 29,9% en 2013 à 30,4% en 2014, "du fait d'une croissance plus marquée de leur valeur ajoutée et de rémunérations versées moins dynamiques" qu'anticipé, précise l'Insee. Dans ses "révisions des principaux agrégats" économiques entre 2013 et 2015, l'institut précise par ailleurs avoir revu légèrement à la baisse le chiffre de la croissance pour 2013, à 0,6% en volume comme en CJO, au lieu de 0,7%. La baisse du pouvoir d'achat des ménages, cette année-là, a ainsi été plus forte que prévu (-0,4% au lieu de -0,1%), du fait d'une révision à la baisse des dividendes reçus, ajoute l'Insee. Concernant 2015, la croissance en données corrigées des jours ouvrés (CJO) reste inchangée, à 1,2% du PIB, soit 0,2 point de plus que l'objectif initial fixé par le gouvernement (1%), souligne l'institut. En données brutes, le chiffre de croissance a en revanche légèrement augmenté, à 1,3% du PIB, tandis qu'il a baissé en valeur par rapport à la dernière estimation délivrée le 25 mars. Conséquence de cette baisse: le ratio de déficit public est réévalué par l'Insee à 3,6% du PIB contre 3,5% annoncé fin mars, et celui de la dette publique à 96,1% du PIB contre 95,7%. Le taux de dépenses publiques passe lui de 56,8% à 57% du PIB, tandis que celui des recettes publiques passe de 53,2% à 53,5%. Le taux de prélèvements obligatoires est aussi revu à la hausse, à 44,7% du PIB contre 44,5% annoncé auparavant. Ces révisions auront-elles des effets sur les performances de l'économie française en 2016? "C'est difficile à dire à ce stade", juge Vladimir Passeron, pour qui ces nouveaux chiffres seront analysés plus finement dans la prochaine note de conjoncture de l'Insee, publiée le 16 juin. "Le fait que le chiffre de croissance pour 2015 n'ait pas été fortement révisé fait qu'il n'y aura sans doute pas de gros changement", prévient-t-il toutefois. L'Insee a prévu 0,4% de croissance au deuxième trimestre 2016, après 0,5% au premier trimestre. Sur l'ensemble de l'année, le gouvernement table sur 1,5% de croissance, et un déficit à 3,3% du PIB.
Rebond des créations d'entreprises Le nombre de créations d'entreprises en France a rebondi en avril, augmentant de 1,8% après avoir reculé de 1,1% le mois précédent, a annoncé l'Insee. L'institut statistique a révisé son chiffre pour le mois de mars, qui faisait état initialement d'une hausse de 0,2% des créations d'entreprises, "du fait de l'actualisation annuelle du modèle de correction des variations saisonnières et des jours ouvrables". Sur l'ensemble du mois d'avril, 46.225 entreprises ont été créées, contre 45.396 en mars. "Les immatriculations de micro-entrepreneurs se redressent (+4,1%) et les créations d'entreprises classiques se stabilisent quasiment (+0,3%)", indique l'Insee dans son communiqué. L'Insee emploie le terme de "micro-entrepreneurs" pour désigner les "auto-entrepreneurs". Dans le détail, les créations ont surtout augmenté dans le transport et l'entreposage (+4,9%), dans l'enseignement, la santé et l'action sociale (+3,9%) et dans la construction (+3,4%). Elles ont baissé dans l'industrie (-3%), dans les activités immobilières (-2,4%) ou encore dans les services aux ménages (-1,2%). Le nombre cumulé de créations durant les douze derniers mois, en données brutes, a baissé de 0,9%, en raison du "fort repli des immatriculations de micro-entrepreneurs (-16,6%)", observe l'Insee. Le statut d'auto-entrepreneur, entré en vigueur en 2009, permet aux salariés, chômeurs, retraités ou étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus, avec des démarches simplifiées et un régime fiscal avantageux. Mais la loi Pinel, adoptée en 2014, y a apporté quelques modifications, obligeant notamment les auto-entrepreneurs à s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS) pour les commerçants, ou au répertoire des métiers (RM) pour les artisans, rendant ce statut un peu plus contraignant. "À l'opposé, les créations d'entreprises individuelles hors micro-entrepreneurs augmentent fortement (+23,6%), ainsi que, dans une moindre mesure, celles de sociétés (+8,3%)", selon l'institut.