En Algérie, les services du ministère du Commerce et le Conseil de la concurrence ont été investis des pouvoirs nécessaires pour contrôler le respect du droit de la concurrence et le faire appliquer de manière à garantir l'exercice d'une concurrence effective dans le marché intérieur. "Malgré la réactivation du Conseil en 2013, après 10 ans d'hibernation, nous rencontrons des problèmes assez sérieux. Des incohérences du texte législatif régissant la concurrence ont induit un chevauchement dans les prérogatives de régulation et une dispersion des services chargés de relever et de sanctionner les infractions aux règles de la concurrence", a déploré le président du Conseil de la concurrence, Amara Zitouni lors d'une journée d'études sur le rôle de cette institution dans la régulation du marché. Et justement c'est lors de cette journée que les experts en économie ont plaidé pour la nécessité de réactiver le Conseil de la concurrence et la réhabilitation de son rôle et ce, pour le fonctionnement optimum de l'économie nationale. Mais aussi pour la protection des consommateurs. Ainsi, jugée caduque, la loi 03/03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence devra faire l'objet d'une refonte. C'est ce qui ressort de la journée organisée, hier, à Alger sur le rôle du Conseil de la concurrence dans la régulation du marché C'est pourquoi le Conseil de la concurrence qui rencontre de "sérieux problèmes" dans l'exécution de sa mission de régulation, propose l'amendement de l'ordonnance régissant la concurrence. Cette modification de l'ordonnance 03-03 de juillet 2003 relative à la concurrence permettra donc de "corriger ces incohérences". M. Zitouni a tenu à rappeler que ce Conseil avait été placé, depuis sa création en 1995 jusqu'à 2003, auprès du Président de la République puis du Chef du gouvernement "pour lui donner l'autorité morale nécessaire à l'accomplissement de ses missions" avant d'être placé, en 2008, auprès du ministre du Commerce. Ce changement, selon lui, a vidé le Conseil de sa substance et s'est répercuté négativement sur le statut juridique de l'institution, sur son rôle et ses missions. Alors qu'il est censé être le "gendarme des marchés", il n'arrive pas à trouver sa place dans l'édifice institutionnel du pays, a-t-il estimé. En plus, la loi en vigueur "va à l'encontre de la tendance observée à l'échelle mondiale plaçant le Conseil de la concurrence en autorité unique pour traiter les infractions liées à la concurrence de bout en bout: de la détection à l'enquête et à l'instruction avant d'aboutir à la sanction", a-t-il ajouté. Là, il est très important de rappeler que la concurrence correspond à une situation dans laquelle les vendeurs d'un produit ou d'un service, pour augmenter leurs revenus, s'efforcent de proposer à leur clientèle des prix plus intéressants que ceux de leurs concurrents et/ou des produits ou des services d'une meilleure qualité. Dans une situation de concurrence, quand une entreprise élève ses prix sans que cette augmentation ne soit justifiée par une augmentation du prix de revient ou par une amélioration de la qualité ou de la quantité du produit en cause, le consommateur se tourne vers un autre fournisseur dont les prix n'ont pas varié ; et si la première entreprise veut poursuivre son activité, elle doit ramener ses prix au niveau initial. La concurrence permet donc au consommateur de bénéficier de prix qui sont proches des coûts de production supportés par les entreprises, augmentés d'une marge bénéficiaire qui reste raisonnable. Pour que cette concurrence fonctionne bien et bénéficie aux consommateurs, il faut éviter que les entreprises ne se livrent à des pratiques qui leur permettent de protéger ou d'augmenter leur part de marché et leur revenus sans faire les efforts nécessaires pour baisser leurs prix, améliorer la qualité de leurs produits ou de leurs services ou pour améliorer leurs relations avec leurs clients. La concurrence entre les fournisseurs de biens et de services, lorsqu'elle fonctionne de façon efficace, permet donc de réduire les prix, d'améliorer la qualité et la variété des produits et services offerts sur le marché. D'où le rôle très important du conseil de la concurrence. Et comme une éventuelle révision de l'ordonnance de 2003 devrait permettre la mise en œuvre les dispositions de l'article 43 de la Constitution amendée laquelle a consacré les principes de l'interdiction du monopole et de la concurrence déloyale et a conforté les droits du consommateur et la non-discrimination entre les entreprises pour l'aide de l'Etat, a-t-il préconisé. Selon lui, une centaine de décisions a été prise par le Conseil depuis sa création, qui a porté sur des sanctions pécuniaires, des injonctions et des rejets de demandes d'intervention. Intervenant lors de cette rencontre d'études sur le rôle de cette institution dans la régulation du marché, l'économiste Mohamed Cherif Belmihoub a plaidé pour un rôle accru de l'Etat régalien et même pour l'oligopole dans certains secteurs: "Une régulation efficace des marchés par l'Etat est plus que jamais indispensable car dans certains secteurs tels les télécoms, la recherche et développement, la pharmacie et l'énergie, l'oligopole peut s'avérer plus efficace que la concurrence". De son côté, l'économiste et vice-président du CNES, Mustapha Mekidèche, a fortement critiqué l'inefficacité de la régulation commerciale en Algérie en citant notamment à l'expansion continue de la sphère informelle. "De quel marché et de quelle régulation parle-t-on si l'on n'arrive même pas à imposer la facture dans les transactions commerciales?", s'est-il interrogé avant de citer cet exemple : "Dans un pays comme l'Ethiopie, même une caisse dans une cafétéria est reliée au système intranet de l'administration fiscale". Pour lui, le Conseil de la concurrence ainsi que les autorités de régulation sectorielles doivent être des organes entièrement indépendants et non pas une prolongation des ministères, "sinon ils ne serviront à rien". A noter enfin qu'en Algérie, cinq pratiques sont identifiées par l'ordonnance comme des pratiques restrictives à la concurrence. Il s'agit des ententes et des actions concertées lorsqu'elles visent à empêcher ou à restreindre la concurrence (répartition des parts de marchés ou des sources d'approvisionnement, fixation des prix et des marges.), de l'abus d'une position dominante ou monopolistique, de l'exclusivité dans l'exercice d'une activité et de l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance dans lequel se trouve un client ou un fournisseur (refus de vente, vente conditionnée.).