L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a montré jeudi à Vienne un visage plus serein dans un marché en plein redressement, même si elle n'est pas parvenue à s'entendre sur un plafond de production et s'est montrée inquiète du bas niveau d'investissement dans le secteur. "Je crois que cette fois-ci, il y a eu une unité vraiment bonne entre les membres de l'Opep et je n'ai perçu aucune animosité entre ceux-ci pour s'opposer aux autres afin de déstabiliser le marché", a commenté le ministre iranien du Pétrole Bijan Namdar Zanganeh à sa sortie de la réunion semestrielle du cartel. Un peu plus tôt, le nouveau ministre saoudien de l'Energie Khaled al-Faleh avait également assuré que Ryad, accusé d'avoir délibérément laissé couler ses robinets d'or noir depuis 2014 afin de maintenir à tout prix ses parts de marché, serait très "doux" dans son approche et ferait en sorte de ne pas "brusquer le marché". "Le front globalement uni et plutôt positif qui a émergé à la fin de la réunion a rendu le marché confiant sur le fait qu'il n'y a aucun combat interne au sein de l'Opep consistant à utiliser les augmentations de production comme un outil politique ou économique contre les autres membres", a estimé Bjarne Schieldrop, analyste chez Seb Markets. Pour preuve de cette bonne volonté, qui contraste avec l'ambiance tendue du mois de décembre, les treize pays membres du cartel - qui seront rejoints en juillet par le Gabon - sont enfin parvenus à s'entendre sur la nomination d'un nouveau secrétaire général, le Nigérian Mohammed Barkindo, qui succède au Libyen Abdallah el-Badri, en poste depuis 2007. Ainsi, pour M. Schieldrop, même s'il paraît clair que l'Iran va continuer à augmenter sa production, cela ne semble plus signifier automatiquement que l'Arabie saoudite réagira en faisant de même alors que les finances du royaume, qui tire l'essentiel de ses revenus de la manne pétrolière, ne sont pas sorties indemnes de la dégringolade des cours depuis deux ans. "Les prix sont montés trop haut, ils sont descendus trop bas et sont restés trop bas durant trop longtemps selon moi", a estimé Khaled al-Faleh, ajoutant qu'il espérait que les prix du pétrole, actuellement à la hausse, allaient atteindre un point d'équilibre permettant d'encourager l'investissement, mais pas trop afin de ne pas retomber dans un cycle de surabondance d'or noir.
Urgent besoin d'investissements Si l'optimisme affiché par l'Opep s'explique aussi en grande partie par la nette reprise des prix du pétrole depuis le début de l'année, justifiant selon elle qu'aucun plafond de production n'ait été annoncé, le cartel n'a toutefois pas caché sa préoccupation concernant un "niveau très bas" d'investissement prévalant actuellement dans l'industrie pétrolière. "La Conférence a observé que, depuis la dernière réunion de décembre 2015, les prix du pétrole brut ont grimpé de plus de 80%, l'offre et la demande convergent", ce qui prouve que "le marché est engagé dans un processus de rééquilibrage", a fait valoir le cartel. "Nous ne sommes pas en position de discuter de la mise en place d'un plafond car selon nous la stratégie (de l'Opep) fonctionne, le marché réagit vraiment positivement", a abondé le ministre émirati de l'Energie Suhail al-Mazroui, précisant que son pays ne comptait pas non plus augmenter sa production. L'Opep, qui produit environ un tiers du brut mondial, a pompé quelque 32,3 millions de barils par jour (mbj) au premier trimestre 2016, tandis que la production saoudienne a atteint à elle seule 10,13 mbj de janvier à avril (+3,5% sur un an). Mais en dépit de la reprise des cours, le cartel n'a pas manqué de souligner dans son communiqué "le besoin d'une augmentation des investissements en amont afin d'atteindre un équilibre à long terme sur les marchés pétroliers". Selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE), les investissements dans l'exploration-production devraient chuter pour la deuxième année consécutive en 2016: après un recul de 24% l'an passé, ils devraient à nouveau diminuer de 17% cette année, ce qui laisse plusieurs analystes penser que le marché pourrait même être confronté à un déficit d'offre dès l'an prochain. "Les producteurs, que ce soit au sein de l'Opep ou non, et les consommateurs sont convaincus qu'un prix juste est nécessaire pour tout le monde afin d'obtenir un retour sur investissement raisonnable et investir dans l'industrie", a insisté le ministre qatari de l'Energie Mohammed ben Saleh al-Sada, qui présidait la Conférence du cartel. Reste à savoir quel fameux "prix juste" permettrait à la fois d'encourager à nouveau les investissements sans toutefois compromettre une demande en hausse et voir ressurgir en force la concurrence du pétrole de schiste américain.
Moscou prévoit une production de pétrole record en 2016 Le Russie se dirige vers un nouveau record de production de pétrole en 2016, a indiqué vendredi son ministre de l'Energie au lendemain d'un sommet des grands pays exportateurs de l'Opep qui s'est terminé sans engagement sur un plafond chiffré de leur niveau d'extraction. "Si la dynamique actuelle se poursuit, nous aboutirons à une augmentation d'environ 8 millions de tonnes, et donc si on ajoute cela aux 534 millions de l'an dernier, on aboutit à 540 à 542 millions de tonnes", a déclaré Alexandre Novak, cité par les agences russes. Cela correspond à plus de 10,8 millions de barils par jour, soit un nouveau record pour la Russie post-soviétique qui s'est imposée comme l'un des premiers producteurs d'or noir de la planète avec l'Arabie saoudite. Comme d'autres grands pays exportateurs, la Russie a eu tendance à pousser sa production au maximum ces derniers mois pour compenser, avec de plus grands volumes, la baisse des prix. Mais cette hausse de l'offre a contribué à accentuer l'effondrement des cours, tombés en début d'année au plus bas niveau depuis 2003. Malgré l'échec d'une tentative d'accord entre Russie et pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour plafonner leur production, le baril de brut est remonté ces derniers jours autour de 50 dollars. Ce rebond constitue un soulagement pour l'Etat russe qui tire la plus grande partie de ses revenus des hydrocarbures et est confronté à une longue récession. Réunis à Vienne jeudi, les membres de l'Opep ont tenté d'afficher leur unité mais n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un plafond de production. "Il est peu probable que les interventions verbales (des pays producteurs, ndlr) jouent un rôle important, désormais ce sont les facteurs fondamentaux qui sont en marche: nous voyons que l'offre n'augmente plus", notamment car les investissements baissent, a estimé M. Novak. Malgré les records récents, les experts du secteur pétrolier estiment que la hausse de la production de la Russie est due à la réactivation de gisements datant de l'URSS et en fin de vie. Ils craignent désormais une stagnation voire un recul dans les années qui viennent, d'autant que les sanctions imposées par les pays occidentaux à cause de la crise ukrainienne freinent l'exploitation de nouvelles ressources, dans l'Arctique ou le schiste.
Cours en baisse Les cours pétroliers ont baissé vendredi malgré la baisse du dollar, dans un marché refroidi par de mauvais chiffres de l'emploi américain, jugés inquiétants pour les perspectives de la demande alors que l'offre reste excédentaire. Le cours du baril de référence (WTI) pour livraison en juillet a perdu 55 cents à 48,62 dollars sur le New York Mercantile Exchange. A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en août a reculé de 40 cents à 49,64 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE). En Asie, les cours du pétrole continuaient de monter légèrement dans les échanges matinaux, encouragés par l'annonce d'un reflux des stocks américains qui a pris le dessus sur le maintien par l'Opep de ses niveaux de production. Vers 02H30 GMT, le cours du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en juillet prenait deux cents à 49,19 dollars, dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne du brut, pour livraison en août, gagnait quatre cents à 50,08 dollars. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé jeudi à Vienne de maintenir en l'état son niveau de production actuel, s'abstenant à nouveau de mentionner tout plafond chiffré. Les marchés avaient déjà anticipé l'absence d'accord sur un gel concerté de la production d'or noir, a estimé Bernard Aw, analyste chez IG Markets. La réunion n'était pas vraiment une surprise, c'était un non événement, a-t-il dit. Selon M. Aw, les investisseurs ont préféré regarder les données sur les stocks américains. Le ministère américain de l'Energie a annoncé que les stocks de brut avaient une nouvelle fois reculé la semaine dernière, contrairement aux prédictions avancées la veille par la fédération professionnelle API. Les stocks d'essence et de produits distillés aux Etats-Unis ont également diminué, tout comme la production américaine, ce qui est de bon augure pour les investisseurs espérant une réduction des excédents actuels. Le fort ralentissement des créations d'emplois aux Etats-Unis, au plus bas depuis septembre 2010 avec seulement 38 000 embauches nettes en mai au lieu de 155 000 attendues, "soulève sérieusement la question des perspectives de la demande américaine (d'or noir) étant donné que les données sur l'emploi ne montrent aucun signe de confirmation du processus tant attendu d'accélération de la reprise économique au deuxième trimestre", a noté Michael Hewson, analyste chez CMC Markets. Du côté de l'offre, certes "la production américaine continue de baisser", comme l'a confirmé jeudi le ministère de l'Energie, mais "l'excès de production (dans l'ensemble du monde) continue de peser", a noté Gene McGillian, chez Tradition Energy. D'autant que, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a confirmé jeudi que "le cartel va pomper tout le pétrole qu'il peut pour préserver ses parts de marché", a précisé M. McGillian, et que la production des sables bitumineux canadiens va se rétablir après les incendies qui ont ravagé en mai la ville de Fort McMurray (Alberta). Tim Evans, chez Citi, a aussi noté que la compagnie ExxonMobil avait levé son avis de force majeure sur les exportations de brut nigérian, interrompues par des attaques de mouvements rebelles ces dernières semaines. "Si la production nigériane reprend son rypte habituel de 2 million de barils par jours cela pousserait la production totale de l'Opep à 33 millions de barils par jour ou plus, retardant encore le rééquilibrage du marché", notait M. Evans. Olivier Jakob, analyste chez Petromatrix, était toutefois plus circonspect, estimant que "l'offre nigériane devrait être le sujet de conversation au retour des investisseurs lundi" si, comme il s'y attend, de nouvelles attaques ont lieu dans les prochains jours. Enfin, mauvaise nouvelle supplémentaire pour les investisseurs souhaitant voir une meilleure adéquation de l'offre et de la demande, la société de services pétroliers Baker Hughes a annoncé vendredi qu'il y avait 9 puits en activité de plus cette semaine aux Etats-Unis qu'à la fin mai. De quoi donner corps aux avertissements de certains analystes ayant prédit dernièrement que la remontée des cours, qui ont presque doublé depuis la mi-février, pourrait convaincre certains producteurs de relancer le pompage. Dans ce contexte, la chute du dollar, due à ce que les mauvais chiffre de l'emploi ont douché les attentes d'une hausse imminente des taux d'intérêt aux Etats-Unis, est passée presque inaperçue. Elle avantage pourtant les acheteurs de brut munis d'autres devises, puisque les échanges sont libellés en billets verts.