Mdciné, la boîte de distribution privée a proposé, la semaine dernière, à la salle El Mouggar, l'avant- première de Cartouches Gauloises de Mehdi Charef, un film déjà projeté à Cannes 2007, dans la section, “ Algérie parabole”. D'emblée, le réalisateur qui dit avoir quitté le pays à l'âge de neuf ans et demi, pour rejoindre son père, émigré en métropole, avoue avec une pointe de sensiblerie qu'il “ ne connaît pas d'émigré heureux.” Partant de ce constat fortement lié à la terre natale, au déchirement, à l'enracinement des individus de tous bords dans une contrée où ils ont organisé leur vie, le cinéaste, fait un retour en arrière pour pondre, Cartouches Gauloises, un film situé justement au printemps, 1962, soit quelques mois avant l'Indépendance. Mahdi Charef devait quitter l'Algérie cette année là, au même titre que le contingent, les pieds-noirs, les harkis et autres belligérants impliqués de façon ou d'une autre dans la guerre. Ainsi présenté, le film serait ni plus ni moins qu'une autobiographie saisissant justement les dernières images de cette fin de guerre sentimentalisée de façon exacerbée. A travers le regard d'Ali, un enfant de 11 ans qui vend les journaux, porte le couffin jusqu'aux chaumières françaises, le cinéaste tente de retransmettre le climat d'incertitude qui y régnait. Les adultes ne sont pas trop impliqués dans ce film, dont les personnages principaux sont deux copains, Nico, fils de colon, et Ali, “fils de terroriste”. Tous les deux assistent impuissants au démantèlement d'un certain confort construit par les Français dans notre pays, et qu'ils devront quitter pour se réinstaller ailleurs dans une contrée dont ils ne connaissent, parfois, même pas le lieu géographique. C'est le cas du chef de gare, grand ami d'Ali, qui aurait préféré rester qu'être nommé à “ Sarcelles : Une ville dont j'ignorais même le nom ” dit-il. De même, Madame Rachel refusera de partir car préférant “ être tuée par les Arabes qu'humiliée en France.” “ La France, c'est beau” dit Ali à Gino. “ Oui, mais je n'aurai plus mes copains” répond ce dernier. Mahdi Charef nous sert un film sans distance nécessaire qui aurait permis d'approfondir un peu plus le contexte social et politique de l'époque. Sur les derniers jours de la guerre d'Algérie, le cinéaste ne nous dit que ce que voit comme une caméra, le petit cœur d'Ali, qui ne comprend pas grand-chose à l'univers des grands. Cartouches Gauloises, est l'expression d'un déchirement brut de tous ceux qui ont aimé sans doute cette terre qui les a vus naître, et qu'il devront quitter pour une autre qu'il ne connaissent même pas. Incertitude aussi pour les harkis, lâchés par les Français, et poursuivis par les fellagas, incertitude pour Ali qui voit partir ses amis grand et petits, les uns après les autres. Cartouches Gauloises qui sera proposé dans les salles algéroises dans une dizaine de jours, est, ni plus ni moins, un zoom sentimental sur une période charnière de notre histoire. Mahdi Charef aurait pu fouiner davantage dans les cœurs des politiques et des humains ordinaires, pour plus d'approche et d'objectivité.