Le marché bancaire maghrébin bouge et les banques maghrébines se livrent à une rude concurrence pour se positionner sur ce vaste marché régional de plus de 81 millions de clients potentiels, qui pèse près de 195 milliards de dollars de PIB. La compétitivité interbancaire et la concentration du secteur dans chaque pays du Maghreb incitent déjà les établissements à s'ouvrir sur l'extérieur, en créant des extensions en Afrique du Nord et subsaharienne, de même qu'en Europe. Une telle offensive engendre l'émergence de puissants groupes bancaires en réponse à l'internationalisation de leur clientèle et à la nécessité de gagner des parts de marché au-delà de leurs frontières naturelles. Attijariwafa Bank et BMCE Bank (Banque marocaine du commerce extérieur), toutes deux du royaume chérifien, illustrent bien cette nouvelle configuration bancaire. Après avoir repris, en novembre 2005, 33,54% du capital de la Banque du Sud, à la suite de sa privatisation par l'Etat tunisien, le groupe Attijariwafa Bank contrôle désormais 53,54% de l'établissement rebaptisé la Banque Attijari de Tunisie. En juillet 2006, il a également inauguré sa première filiale en Afrique de l'Ouest, précisément à Dakar (Sénégal), qui comprend déjà quatre agences. Il vient encore d'annoncer sa décision de racheter 66,67% du capital de la Banque sénégalo-tunisienne (douze agences au Sénégal avec 7% du marché) et étudie avec sérieux certaines opportunités au Gabon et en Guinée Equatoriale. Pour sa part, le groupe BMCE Bank, qui appartient respectivement à 10% et 2,77% aux groupes français CIC et portugais Banco Espirito Santo, a racheté en 2005, via sa banque d'affaires BMCE Capital (une quinzaine de filiales), 50% d'Axis, un groupe tunisien de conseil et d'études financières, devenu la banque d'affaires Axis Capital Tunis en juin 2006 (corporate finance, private banking, trading). Déjà implanté en Afrique subsaharienne, soit au Mali et au Congo-Brazzaville où il contrôle des établissements bancaires de premier ordre, le groupe BMCE Bank a ouvert en 2003 sa banque d'affaires (BMCE Capital) à Dakar au Sénégal et poursuit des visées très précises au Cameroun, au Gabon et en Côte d'Ivoire. Attijariwafa Bank et BMCE Bank ont aussi demandé leur licence bancaire pour exercer en Algérie, car elles y ont des ambitions clairement déclarées. Elles ont également commencé à prospecter le secteur bancaire de la Mauritanie. En une quinzaine d'années, le secteur bancaire du Maroc a été assaini, libéralisé et modernisé grâce à un processus de réformes initié par le gouvernement, en étroite collaboration avec la Banque mondiale et le FMI. Elles ont notamment permis la révision de la loi sur les banques assurant l'autonomie du contrôle bancaire, la mise en place de procédures d'assainissement des établissements de crédit en difficultés ou encore la restructuration des banques étatiques. Le secteur bancaire marocain, désormais plutôt solide et profitable, a enregistré en 2005 un PNB en hausse de 8,5% à plus de 2,3 milliards de dollars. En outre, les créances douteuses ne représentent plus que 9,5% du total des bilans des banques commerciales privées, qui affichent un taux de couverture des risques de 74% (60,7% pour les banques publiques). Le secteur se compose de quinze établissements, dont quatre appartiennent à l'Etat et six sont cotés en bourse. Le système bancaire en Tunisie (3% du PIB en 2005) vit encore à l'heure des assainissements et restructurations, car certains établissements subissent toujours trop le poids des créances douteuses. Les autorités continuent donc à encourager des rapprochements bancaires, comme cela avait été le cas entre l'Union Internationale des Banques et la Société Générale ou l'Union Bancaire pour le Commerce et l'Industrie et BNP Paribas, par exemple, à la plus grande joie des opérateurs français tous deux majoritaires. Avec vingt établissements de dépôts, deux banques d'affaires, huit banques offshore et neufs bureaux de représentation de banques étrangères et de services financiers, le paysage bancaire tunisien est encore sous la coupe de l'Etat qui contrôle 45% des actifs, par le biais de participations majoritaires et minoritaires dans diverses institutions. Si Amen Bank (8,8% des dépôts et 8,4% des créances) est détenue par des capitaux tunisiens, les autres banques privées sont sous contrôle étranger (essentiellement français) avec des actionnaires majoritaires (28,5% des dépôts et 25,5% des créances) et minoritaires (21,5% des dépôts et 19,5% des créances). Le secteur bancaire algérien qui est dominé par six banques d'Etat représentant plus de 90% des parts de marché avec près de 1100 agences, poursuit ses réformes amorcées dès 1990, en vue de sa libéralisation partielle. Les principales réformes du secteur bancaire en matière de gouvernance, de systèmes de comptabilité, d'information et de paiement, etc., sont d'autant plus d'actualité que les établissements étrangers se bousculent pour s'y implanter, visant avec avidité les florissantes recettes pétrolières du pays. Douze banques privées à capitaux français, américains, arabes (Bahrein, Jordanie, Koweït, Liban) y sont d'ailleurs déjà installées avec plus de 130 agences, dont la Société Générale, BNP Paribas, le groupe Natexis Banques Populaires qui mènent des activités de banque universelle et l'américaine Citibank (affaires pétrolières et immobilières). Néanmoins, le concours des banques algériennes au financement de l'économie demeure encore faible, avec moins de 30% du PIB (environ 24 milliards de dollars), même si le volume de crédits augmente de plus de 20% par an (85% concernent le secteur privé). Les établissements regorgent donc de liquidités avec un marché enregistrant un fort taux de croissance des actifs bancaires. Mais les banques, en particulier publiques, doivent encore surmonter les problèmes de la mauvaise qualité des portefeuilles de crédits.