Le parcours et l'œuvre de l'anthropologue française Germaine Tillon, décédée il y a quelques mois à l'âge de 100 ans, a été au centre d'un colloque international organisé lundi dernier au siège du Sénat à Paris par l'Association France Algérie (AFA). Des universitaires d'Alger, d'Oran et de Tizi Ouzou, ainsi que leurs confrères des différents centres de recherche français ont débattu tout au long de la journée de trois thèmes : «Germaine Tillon, anthropologue, son temps, son terrain, ses travaux», «Lire Germaine Tillon aujourd'hui» et «Actualités des études des sociétés de proximité en Algérie». Lors de la séance d'ouverture, le président de l'AFA, Pierre Joxe, a expliqué que «ce colloque, dédié à une anthropologue rompue à la connaissance de son terrain en Algérie, est l'illustration de la continuité de la mission de l'AFA qui œuvre à concourir au développement de relations amicales et au progrès de la coopération entre Français et Algériens». «Ce colloque est aussi la reconnaissance du rôle fondamental que joue désormais l'anthropologie non seulement dans la connaissance du fonctionnement des sociétés humaines contemporaines et de leurs liens mais également dans le respect des cultures et de l'humanité toute entière au sens fort du terme», ajoutera-t-il. Des intervenants ont analysé les œuvres maîtresses de Germaine Tillon, comme le Harem et les Cousins, l'Algérie en 57 et Il était une fois l'anthropologie dans lesquelles l'anthropologue française avait «décortiqué» la société algérienne, la situation prévalant dans le pays après le déclenchement de la guerre de libération et ses tentatives de rapprocher les peuples algérien et français. L'accent a été mis sur son travail scientifique et son engagement militant contre les répercussions du fait colonial sur le plan socio-économique, contre la torture, les condamnations à mort. «Je considérais les obligations de ma profession d'ethnologue comparables à celles des avocats, avec la différence qu'elle contraignait à défendre une population au lieu d'une personne», disait Germaine Tillon qui avait pris fait et cause pour l'Algérie dans sa guerre de libération en dénonçant notamment la torture. Ses travaux dans la région des Aurès ont permis une meilleure connaissance de la société algérienne dans les années 1930. L'engagement de Germaine Tillon s'exprimera, lors des premières années du déclenchement de la révolution algérienne, par son travail sur les déportations des populations algériennes et sur l'utilisation du napalm dans les montagnes. Elle a également enquêté sur «les réalités algériennes». Ces réalités découlaient d'un système juridique corollaire du code de l'Indigénat mis en place par la loi du 26 juin 1881 et qui marginalisait les Algériens sur leur propre sol. Mme Tillon, qui avait dénoncé, haut et fort, «la clochardisation» des Algériens, victimes de pratiques inhumaines, a été à l'origine de la création des centres sociaux dont des responsables, comme Mouloud Feraoun, Max Marchand et les autres ont été froidement et délibérément assassinés par l'OAS en 1962. Germaine Tillon a été également l'une des fondatrices et présidente de l'AFA. En 2000, elle signe l'appel lancé pour que soit reconnue et condamnée officiellement la pratique de la torture pendant la guerre de libération nationale. Un hommage à cette scientifique a été rendu récemment par le Centre culturel algérien de Paris. APS