Une vingtaine de personnes ont péri dans une frappe attribuée à la coalition arabe au Yémen où les civils payent le prix fort de la guerre qui a provoqué une catastrophe humanitaire décrite comme "horrifique". Ces civils ont trouvé la mort dans un camp de déplacés près de Taëz, la grande ville du sud-ouest du Yémen aux mains des rebelles chiites Houthis, ont indiqué mercredi l'ONU et des témoins. L'attaque a touché mardi des huttes abritant des déplacés dans la région de Mawza, selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Elle est la dernière d'une série d'attaques ayant fait des victimes en nombre parmi les civils depuis que le conflit s'est intensifié en mars 2015 avec l'intervention d'une coalition arabe, menée par l'Arabie saoudite, en soutien au président Abd Rabbo Mansour Hadi, face aux rebelles. Citant un premier bilan, le HCR a fait état d'"au moins 20 morts, dont des femmes et des enfants" dans le raid. "La plupart des victimes appartiendraient à la même famille". Le HCR s'est dit "profondément choqué et attristé" par cette attaque qui a touché des familles originaires de Mokha, la ville portuaire reconquise l'an dernier par les forces gouvernementales aux rebelles. Au moins sept femmes et quatre enfants figurent parmi les victimes, selon les témoins qui ont attribué le raid aérien à la coalition militaire arabe. Les forces progouvernementales contrôlent le centre-ville de la ville de Taëz et y sont assiégées par les rebelles. Selon le HCR, plus de 300 000 habitants de la province de Taëz ont fui leurs villages et ont trouvé refuge ailleurs dans la région, ce qui illustre "la complexité et la gravité de la situation" des civils qui cherchent à se protéger des opérations militaires. "Ce dernier incident démontre le danger extrême auquel s'exposent les civils au Yémen, notamment ceux qui cherchent à fuir les violences", écrit l'organisation.
Mort, choléra, famine Les civils constituent plus de la moitié des 8 000 morts du conflit depuis l'intervention arabe, selon l'ONU. La guerre oppose des forces progouvernementales aux rebelles Houthis, soutenus par l'Iran et alliés à des unités de l'armée restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. La coalition a reconnu des erreurs et promis de modifier les règles d'engagement pour éviter les victimes civiles mais accuse régulièrement les rebelles de se mêler aux civils, voire de les utiliser comme boucliers humains. Certains de ses raids ont suscité de vives condamnations des défenseurs des droits de l'Homme, comme celui qui avait fait 140 morts en octobre 2016 parmi des civils participant à une cérémonie de deuil à Sanaâ. La catastrophe humanitaire, décrite comme la pire de l'histoire du pays par les services de l'ONU, frappe les civils de plein fouet. En raison de l'effondrement du système de santé, une épidémie de choléra frappe le pays où plus de 320 000 cas présumés ont été signalés et au moins 1 740 personnes en sont décédées, selon l'ONU. Le patron des opérations humanitaires de l'ONU Stephen O'Brien a accusé le 12 juillet les belligérants au Yémen et leurs soutiens étrangers d'être responsables de l'épidémie de choléra "fabriquée par l'homme". De son côté, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, envoyé onusien au Yémen, a qualifié la crise humanitaire d'"horrifique", estimant que le pays n'était pas en proie "à une unique urgence mais à plusieurs urgences complexes". Plus de 7 millions de personnes sont menacées de famine, y compris 2,3 millions d'enfants mal nourris âgés de moins de cinq ans. Le Yémen est l'un des plus pauvres pays arabes. Les Houthis, issus de l'importante minorité zaïdite concentrée dans le nord du Yémen, occupent toujours de larges parties du territoire yéménite depuis leur coup de force contre le gouvernement qui leur a permis de s'emparer de la capitale Sanaâ en 2014.
Une équipe de la BBC empêchée de se rendre à Sanaâ Une équipe de trois journalistes de la BBC a été empêchée de se rendre à Sanaa, la capitale du Yémen, contrôlée par les rebelles chiites Houthis, à bord d'un vol de l'ONU en partance de Djibouti, ont indiqué mercredi des sources concordantes. Les vols humanitaires à destination de Sanaâ et des territoires conquis depuis 2014 par les rebelles se font en coordination avec la coalition militaire arabe qui, sous commandement saoudien, impose depuis plus de deux ans un embargo aérien aux insurgés. "La coalition a suspendu le vol de l'ONU en partance mardi de Djibouti pour Sanaâ à cause de la présence à bord de trois journalistes de la BBC", a déclaré un haut responsable du ministère yéménite de l'Information, Saleh al-Humaidi. Le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, basé à Aden (sud) dont il a fait sa capitale provisoire, a, dans un communiqué de son ministère de l'Information, "déploré une tentative de l'ONU d'embarquer des journalistes sur ses vols se rendant au Yémen", disant craindre pour leur sécurité. Un porte-parole du bureau de coordination des affaires humanitaires (Ocha) au Yémen, Ahmed ben Lassoued, a confirmé que le vol "avait été annulé à la dernière minute par la coalition à cause de la présence des trois journalistes de la BBC". "La coalition a affirmé que la sécurité des journalistes ne pouvait être garantie dans les zones contrôlées par les rebelles", a-t-il ajouté. Dans son communiqué, le ministère de l'Information a affirmé craindre pour la sécurité des journalistes étrangers qui risquent d'"être enlevés par des groupes armés, ce qui conduirait au versement de rançons ainsi qu'au financement du terrorisme". Mais le porte-parole de l'ONU a indiqué que les trois journalistes de la BBC avaient "rempli toutes les formalités nécessaires" pour entrer au Yémen, ajoutant qu'ils avaient "obtenu des visas auprès des deux parties (en conflit) et informé la coalition de leur itinéraire". Selon lui, la crise humanitaire au Yémen, l'une des plus graves au monde, est "sous-médiatisée". L'absence des médias n'aide pas les organisations humanitaires à "attirer l'attention de la communauté internationale et des donateurs sur la catastrophe humanitaire que connaît ce pays", a-t-il ajouté.