Quelque 53 pays et la Communauté européenne ont entamé des discussions sur la meilleure façon de protéger les espèces de poissons d'eaux profondes et leur habitat fragilisé par des pratiques de pêche irresponsables. Au cours d'une série de réunions parrainées par l'organisation onusienne pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les pays doivent rédiger un ensemble de directives internationales sur la gestion responsable de la pêche en eau profonde et la protection des espèces benthiques sensibles et des écosystèmes hauturiers hors juridictions nationales. Un premier cycle de négociations a été organisé la semaine dernière au siège de la FAO à Rome, sous la présidence de Mme Jane Willing, directrice des Relations internationales au ministère de la Pêche de la Nouvelle-Zélande. Une autre série de discussions se déroulera en août 2008. Activité relativement nouvelle, la pêche en eaux profondes requiert des ressources considérables en termes d'investissement et de technologies, et rares sont les pays qui ont élaboré des politiques et des plans ciblés sur leur gestion, y compris dans les limites de leurs eaux territoriales. La gestion des pêches hauturières en eau profonde hors des zones économiques exclusives (ZEE) des pays est plus complexe encore, car elle demande des solutions multilatérales faisant intervenir non seulement les pays pratiquant ce type de pêche, mais aussi tout autre pays concerné. "Par ces réunions, nous cherchons à aider les pays à travailler individuellement et ensemble pour garantir la viabilité de la pêche en eau profonde, prévenir les impacts négatifs sur les écosystèmes marins vulnérables, et protéger la biodiversité marine", a déclaré Jean-François Pulvenis de Séligny-Maurel, directeur de la division de l'économie et des politiques de la pêche et de l'aquaculture de la FAO. "C'est un problème plutôt compliqué, un champ d'investigation très vaste, mais de gros progrès ont déjà été accomplis", a-t-il ajouté. De nombreuses espèces de poissons des grands fonds ont une croissance lente, parviennent à une maturité sexuelle tardive, et ne se reproduisent pas forcément tous les ans. En conséquence, ils présentent une faible résistance à la pêche intensive, et il faut parfois plusieurs générations pour reconstituer les stocks épuisés par la surpêche. Jusqu'à récemment, les grands fonds étaient difficiles à exploiter du fait de leur profondeur, et l'abondance de stocks pélagiques n'y incitait guère. Mais dès la fin des années 70, la réduction des stocks de pêche côtière associée à l'amélioration des engins de pêche et des instruments de navigation a entraîné l'intensification de la pêche en eaux profondes dans les ZEE et en haute mer. De 1950 à 1977, la pêche en eaux profondes représentait en moyenne moins d'un pour cent de toutes les prises marines; ce chiffre est passé à près de 3 % durant la période 1995-2005 et pour la seule année 2005 il a atteint 4 % de toutes les captures marines, soit 3,3 millions de tonnes. Mais, en réalité, les prises totales d'eaux profondes ont augmenté de près de 75 %, et dans de nombreux cas, la pêche des stocks sensibles d'eaux profondes n'a pas suivi une optique durable. Exemple, l'hoplostète orange dont les premières prises datent de la fin des années 70; elles ont culminé aux alentours de 1990, puis régressé dans toutes les zones d'exploitation. La pêche hauturière en eaux profondes soulève en outre de graves inquiétudes: les espèces vulnérables comme les coraux et les spongiaires vivant en eaux froides; les habitats benthiques fragiles des sources hydrothermales et des suintements froids qui abritent des espèces que l'on ne trouve nulle part ailleurs; et les caractéristiques spécifiques telles que les monts sous-marins, où vivent souvent des espèces sensibles. Les directives en cours d'élaboration sur la pêche en eaux profondes doivent également inclure des mesures visant à identifier et à protéger ces écosystèmes.