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Les Etats-Unis taxent l'acier et l'aluminium importés: Les alliés promettent de riposter
Publié dans Le Maghreb le 03 - 06 - 2018

Les Etats-Unis ont mis leur menace à exécution dans la guerre commerciale qui les oppose à leurs partenaires en annonçant jeudi l'application dès vendredi d'importants tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium importés de l'Union européenne, du Mexique et du Canada.

Cette annonce, faite par le secrétaire au commerce de Donald Trump, Wilbur Ross, a été immédiatement suivie d'une volée de réactions des Européens notamment, la Commission européenne en tête, affirmant que des "contre-mesures" allaient être annoncées "dans les prochaines heures".
Les Etats-Unis ont donc décidé de ne pas prolonger l'exemption temporaire accordée à l'Union européenne jusqu'à jeudi minuit et vont mettre en place des taxes de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium au titre de la protection de leur "sécurité nationale".
Le sursis sur ces taxes est également levé pour le Mexique et le Canada, les deux partenaires de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna) dont la renégociation, entamée il y a dix mois, peine à aboutir.
Wilbur Ross, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse téléphonique alors qu'il était à Paris pour une réunion de l'OCDE, a précisé que les Etats-Unis ne voulaient pas accorder aux 28 pays membres de l'Union européenne (UE) "une exemption permanente et inconditionnelle sur les taxes".
"Nous avons eu des discussions avec la Commission européenne et même si nous avons fait des progrès, ils ne sont pas allés jusqu'au point où il aurait été justifié soit de prolonger l'exemption temporaire, soit d'accorder une exemption permanente", a affirmé le ministre de Donald Trump.
Dans un communiqué, la Maison Blanche a assuré que l'imposition des tarifs sur l'acier, déjà en place pour le Japon, la Chine, la Turquie et la Russie notamment, avait "un impact positif majeur sur les emplois".
M. Ross a minimisé les risques de représailles de la part des pays visés estimant que les importations venant de l'Union européenne représentaient "peu de chose" par rapport au déficit commercial américain (moins de 3 milliards de dollars). Il a ajouté qu'il y avait "un potentiel de discussion" avec l'Union européenne.
Mais, a-t-il ajouté, "comme nous ne savons pas quelle va être leur réaction à l'idée de continuer les discussions" malgré l'imposition des droits de douane, "il est un peu prématuré pour savoir quels seront les sujets de ces négociations".
Nul doute que la décision américaine va être au centre des discussions du G7 Finances qui débute jeudi à Whistler au Canada.

"Amérique d'abord" vs "Europe Unie"
Peu après l'annonce de Washington, qui était pressentie ces derniers jours même si certains Européens espéraient encore l'imposition de quotas à l'exportation plutôt que des tarifs douaniers, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a déclaré à Bruxelles: "l'Union européenne ne peut pas rester sans réagir (...) Ce qu'ils peuvent faire, nous sommes capables de faire exactement la même chose".
"Les Etats-Unis ne nous laissent pas d'autre choix que de porter ce conflit devant l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et d'imposer des droits de douane supplémentaires à un nombre de produits en provenance des USA", a expliqué M. Juncker.
Le secrétaire d'Etat français aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, a qualifié les taxes américaines d'"injustifiables et injustifiées" et appelé Bruxelles à répondre en prenant des mesures de sauvegarde et de "rééquilibrage".
"Aujourd'hui, en matière de commerce international, nous dansons au bord du gouffre", a alerté le secrétaire d'Etat.
A Berlin, le gouvernement allemand a immédiatement promis que la réponse à "l'Amérique d'abord" sera "l'Europe unie" avertissant que "les guerres commerciales ne connaissent aucun vainqueur".
Les taxes douanières sont "illégales", a en outre asséné la chancelière allemande Angela Merkel dénonçant "une escalade qui nuira à tout le monde".
Le ministre français de l'économie Bruno Le Maire avait la veille prévenu que le commerce mondial n'était "pas un règlement de compte à OK Corral", se référant à un western classique américain.
"Ce n'est pas chacun attaque l'autre et on voit qui reste debout à la fin", avait-il ajouté.
A propos du Mexique et du Canada, le secrétaire américain au Commerce a souligné que les négociations sur l'Aléna "prenaient plus de temps qu'espéré". "Il n'y a plus de date précise pour la conclusion des négociations, donc (ces pays) ont été ajoutés à la liste de ceux qui vont payer des tarifs", a-t-il déclaré.
Le gouvernement mexicain a condamné "catégoriquement" les mesures américaines et annoncé des représailles.
L'administration américaine a indiqué aussi que la Corée du Sud avait négocié un quota d'acier tandis que l'Argentine, l'Australie et le Brésil ont pris des dispositions pour "limiter le volume qu'ils peuvent expédier aux Etats-Unis au lieu des droits de douane".

L'économie mondiale au bord de la guerre
Les Etats-Unis ont annoncé jeudi des taxes douanières ciblant spécifiquement leurs alliés qui ont commencé à riposter, précipitant l'économie mondiale au bord de la guerre commerciale au moment de la tenue d'un G7 Finances au Canada.
Au nom de la protection de la sécurité nationale, Washington a décidé d'imposer, dès vendredi, des tarifs supplémentaires de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium en provenance de l'Union européenne ainsi que du Canada et du Mexique.
En portant les coups les plus acérés à l'encontre de leurs alliés, les Etats-Unis ont suscité indignation et incompréhension jusqu'au sein du parti républicain du président américain Donald Trump.
"La décision d'aujourd'hui cible les alliés des Etats-Unis alors que nous devrions travailler avec eux pour nous occuper des pratiques commerciales injustes de pays comme la Chine", a tonné le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan.
Ottawa a été un des premiers partenaires à riposter concrètement en annonçant des taxes sur 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 mds USD) de produits américains.

"Une erreur"
Qualifiant ces taxes d'"inacceptables", le premier ministre canadien Justin Trudeau a estimé qu'elles étaient "un affront au partenariat de sécurité existant de longue date entre le Canada et les Etats-Unis, et un affront aux milliers de Canadiens qui ont combattu et péri aux côtés de leurs frères d'armes américains".
"Nous ne pouvons comprendre, que nous, alliés des Etats-Unis, puissions être frappés par les tarifs américains", a réagi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.
Cette décision est "une erreur" et elle est "illégale", a signifié le président français Emmanuel Macron au président américain au cours d'un entretien téléphonique. Il lui a également confirmé l'intention de l'Union européenne de riposter "de manière ferme et proportionnée".
"Le nationalisme économique, c'est la guerre", avait fustigé avant cet entretien le chef de l'Etat français.
La chancelière allemande Angela Merkel s'est pour sa part alarmée d'"une escalade qui nuira à tout le monde".
"Les Etats-Unis ne nous laissent pas d'autre choix que de porter ce conflit devant l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) et d'imposer des droits de douane supplémentaires à des produits en provenance des USA", a par ailleurs réagi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
"Nous avons eu des discussions avec la Commission européenne et même si nous avons fait des progrès, ils ne sont pas allés jusqu'au point où il aurait été justifié, soit de prolonger l'exemption temporaire, soit d'accorder une exemption permanente", avait justifié le secrétaire américain au Commerce Wilbur Ross.

Pas de discussion "sous pression"
"J'ai rencontré ce matin Wilbur Ross et je lui ai clairement signifié que les pays de l'Union européenne n'accepteront jamais de négocier sous la pression", a souligné Bruno Le Maire.
A Berlin, le gouvernement allemand a par ailleurs promis que la réponse à "l'Amérique d'abord" sera "l'Europe unie".
Wilbur Ross a, lui, minimisé les risques de représailles de la part des pays visés estimant que les importations venant de l'Union européenne représentaient "peu de chose" par rapport au déficit commercial américain (moins de 3 milliards de dollars).
Frappé également, parce qu'il ne plie pas assez vite face aux revendications américaines dans la renégociation de l'Aléna, le Mexique a condamné "catégoriquement" les mesures américaines et annoncé "des mesures équivalentes sur divers produits" dont certains aciers, des fruits et des fromages.
Troisième partenaire de l'Aléna, le Canada, qui est l'hôte jusqu'à samedi du G7 Finances, entend profiter de cette réunion des ministres des finances pour tenter de convaincre l'administration Trump de revenir sur leur décision.
Le G7 avait pour objectif de débattre de la manière d'"investir dans la croissance économique qui profite à tout le monde", et "malheureusement nous devons parler de tarifs", a regretté Bill Morneau, le ministre canadien.
"Les taxes douanières ne font aucun sens sur le plan économique. Elles sont nuisibles aux Canadiens, elles sont nuisibles aux Américains", a-t-il ajouté.
Participant à ce G7 Finances qui se déroule à Whistler, une chic station de ski au nord de Vancouver, la patronne du FMI Christine Lagarde a dénoncé une forme "de remise en cause de la manière dont le monde fonctionne" depuis des décennies, basée sur "le principe de la confiance et de la coopération".
Elle a aussi prévenu que ce sont les plus pauvres qui pâtiraient de cette guerre commerciale.

L'OCDE appelle à "sauver le multilatéralisme"
Le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, a appelé jeudi à "sauver le multilatéralisme", après l'annonce par les Etats-Unis de l'entrée en vigueur de taxes sur les importations d'acier et d'aluminium de leurs alliés.
"Nous sommes à un moment critique non seulement pour l'avenir du multilatéralisme, mais aussi pour la planète", a dit avec gravité le secrétaire général au terme de la réunion annuelle de l'OCDE, dont le thème était précisément cette année "la refondation du multilatéralisme" et qui a coïncidé avec l'annonce des taxes unilatérales américaines.
"Nous devons sauver le multilatéralisme parce qu'il s'agit de la seule façon d'avancer", a prévenu M Gurria, regrettant que les 35 pays membres de cette institution, qui a fait du libre-échange son credo, n'aient pu se mettre d'accord sur un communiqué final, en raison des différends entre Washington et les autres pays membres sur le commerce et le changement climatique.
"Le meilleur moyen de défendre le multilatéralisme est de reconnaître que nous devrions peut-être le transformer", a-t-il ajouté, en écho à la proposition lancée la veille à l'OCDE par le président Emmanuel Macron de "refonder" l'Organisation mondiale du commerce (OMC), souvent décriée par les Etats-Unis pour sa lenteur et son inefficacité. M. Gurria a terminé son intervention par un plaidoyer en faveur de son organisation, elle aussi cible des critiques pour ne pas être parvenue à trouver un accord pour régler les problèmes des surcapacités d'acier de la Chine, comme le lui avait demandé le G20 il y a deux ans.
"Quand beaucoup remettent en cause le multilatéralisme, quand certains de nos membres traversent des situations politiques difficiles, quand l'expertise et la vérité sont critiquées et remises en cause, l'OCDE devient plus importante que jamais", a-t-il affirmé.
Le secrétaire général, aux manettes de ce club très sélect des économies les plus riches du monde depuis 12 ans, a terminé son intervention avec un message solennel : "Le monde peut compter sur l'OCDE", a-t-il assuré, sous les applaudissements.


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