Le taux de l'euro face au dollar plombe la facture des importations tout en un effet pervers presque immédiat sur l'envolée des prix et, par ricochet, sur le pouvoir d'achat des ménages. Le taux de l'euro face au dollar plombe la facture des importations tout en un effet pervers presque immédiat sur l'envolée des prix et, par ricochet, sur le pouvoir d'achat des ménages. Vous arrivez d'une ville de l'intérieur, vous descendez à la gare routière du Caroubier et vous voulez prendre un taxi pour aller, disons, à Bab el Oued, ou Chéraga. Le chauffeur vous demande rien moins que 400 dinars ou 500 dinars pour le prix de la course. Un peu à la tête du client mais, en fait, il y a un tarif. Ce dernier, que vous jugerez exorbitant, et qui est presque égal au prix du car pour venir de Sétif ou de Chlef, signifie rien moins que le dinar est une monnaie dévalorisée ; jamais une dévaluation d'une monnaie, comme celle qu'a connue la dinar au début des années 90, n'a eu autant d'effets catastrophiques sur la poche des travailleurs et sur le pouvoir d'achat des ménages. Un rouleau compresseur. Un laminage en règle et dans le détail du niveau de vie des populations. Une dégringolade brutale dans l'échelle sociale. Vous étiez au sommet de la pyramide et vous voilà tout d'un coup tout en bas, presque à patauger dans la fange pour une maigre subsistance. Un phénomène inédit Dans le même temps, de nombreux opérateurs économiques, alléchés par l'ouverture économique promise par le nouveau code des investissements, ont ficelé des projets, et cette soudaine baisse des cours, les avaient obligés à mettre la clé sous le paillasson. Aujourd'hui, la situation est différente. Il y a plus de 90 milliards de dollars de réserve de change. Le hic, c'est qu'on assiste à un phénomène tout à fait inédit : Le cours du pétrole monte, mais celui du dollar descend. Pendant ce temps, la monnaie unique européenne, l'euro, ne fait que se renforcer. L'ex-argentier du pays, Abdelatif Benachenhou, avait été l'un des premiers à attirer l'attention sur ce phénomène des temps modernes. L'Algérie vend des hydrocarbures (sa seule ressource en fait) en dollar, mais presque tous ses achats sont libellés en euro. Et c'est là que le bât blesse. C'est comme si l'Algérie perdait de la main gauche ce qu'elle gagnait de la main droite. Folle est la brebis qui se confesse au loup, n'est-ce pas ? D'après les spécialistes, le prix du pétrole augmente en moyenne de 20%, pendant que les gains de l'euro par rapport au dollar se situent dans une fourchette de 10%. Turbulences sur le marché Premier effet de toutes ces turbulences constatées sur le marché : une flambée des prix qui tourne autour de 5 %, sinon plus. L'autre phénomène, c'est celui du prix de référence de 19 dollars, adopté dans l'élaboration de la loi de finances. Les explications fournies par l'Exécutif sont que ce prix de référence est fait à dessein, en prévision d'une éventuelle chute des cours du brut, comme cela avait été le cas dans le passé, où il avait dégringolé à 9 dollars le baril. Et dans le même temps, nous explique-t-on, l'Etat a mis en place un fonds de péréquation destiné à laisser un matelas aux générations futures. Si on nous le dit, c'est que c'est peut-être vrai. Autre question : comment amortir la baisse du dollar face à l'euro. Certains proposent de faire nos achats en dollar, aux Etats Unis, ou dans certains pays émergents. C'est déjà commencé pour ce qui est des pays émergents comme la Chine ou l'inde. D'autres proposent en plus à la banque d'Algérie de diversifier ses avoirs en plaçant une partie des réserves en euro. Cette dernière est une pratique monétaire et il est fort possible que nos responsables bancaires aient déjà songé. Curieuse synchronisation Toujours est-il que ces jours-ci, le marché parallèle de change s'est affolé. A la bourse du marché noir de Port Saïd, ou d'El Eulma, ou de Barika, les rumeurs vont bon train. Il paraît qu'on propose un euro à 130 dinars, d'autres disent qu'il atteint des pics à 140 dinars. Dans les cercles restreints, il s'échange à 110 ou à 115. Mais c'est vraiment rare. Il y a de quoi attacher sa ceinture avant de songer à grimper dans un avion pour aller ailleurs. Et puis, on a le sentiment qu'il existe un lobby qui tire les ficelles, puisqu'il y a comme une synchronisation : quand l'euro s'échange à un taux donné à Alger, on retrouve le même taux à Tizi Ouzou, Ouargla, ou Maghnia. Au taux officiel déjà, l'euro a dépassé la barre symbolique des 100 dinars. Cette hausse est aggravée par les difficultés d'accès aux devises des opérateurs économiques, qui voient leurs marges bénéficiaires fondre comme neige au soleil, alors que la facture à l'importation, que ce soit pour les inputs ou les équipements, ne fait que s'alourdir. Cela est déjà vrai pour des produits sensibles comme la poudre de lait, le cheddar, le blé dur ou tendre, le sucre raffiné, l'huile de table, mais il l'est également pour des matières premières comme le bois, l'acier, le laiton, les produits de laminage à froid, ou les produits chimiques… L'entreprise est obligée de prendre en charge les coûts induits par ces pertes de change, et cela a un impact sur sa politique managériale, aussi bien pour déterminer la structure des prix de vente que pour ce qui est de la fixation des salaires. Il faut bien que quelqu'un paie la facture. Pendant ce temps, le marché des capitaux continue d'être la chasse gardée du marché noir. Absence de marchés des capitaux Intervenant l'autre jour sur les ondes de la Radio nationale, le directeur de la Bourse d'Alger, M. Sadmi, a expliqué les raisons du marasme actuel. Les entreprises publiques économiques, dit-il, ne sont pas intéressées par la Bourse, puisque elles sont proposées à la privatisation. Donc elles sont dans une autre logique. Quant aux entreprises privées, elles n'ont pas encore une taille suffisante pour affronter une telle situation. Mais surtout, la Bourse suppose une transparence totale dans la gestion et dans la comptabilité des entreprises, ce qui est loin d'être le cas en Algérie. On triche avec le fisc, on triche avec la douane et l'on n'informe pas l'opinion publique, ainsi que les actionnaires (surtout les petits porteurs) des résultats financiers de l'entreprise. Les mêmes remarques et revendications qui étaient formulées en 2004 sont valables aujourd'hui. «Durant l'année 2004, avait expliqué Boualem Mrakach, président de la Confédération algérienne du patronat (CAP), l'euro a augmenté de 25 à 30% par rapport au dinar. La majorité de nos importations proviennent de la zone euro. Et nos exportations se font en dollar. Nous avons demandé au gouvernement, d'abord, de nous tenir informés des fluctuations du dinar et comment se fait la cotation de la monnaie nationale pour nous permettre de prendre des précautions. Et puis de permettre aux opérateurs économiques d'acheter à terme des devises. Le gouvernement s'est engagé à prendre en charge cette question.» Trois ans après, force est de constater que cela n'a pas été le cas, puisque le marché des capitaux n'existe toujours pas et que pour se procurer des devises, l'opérateur est obligé de s'adresser au marché noir. Comme tout un chacun. Dans le temps, c'est surtout l'importation des voitures de moins de trois ans qui dopait l'euro (et avant lui le franc). Depuis la suppression de cette disposition dans la loi de fiances, on avait constaté une certaine accalmie, mais d'autres créneau existent toujours. Il y a d'un côté le pèlerinage aux Lieux Saints sous toutes ses formes (Hadj ou Omra). La période estivale se fait à double sens ; il y a d'un côté des émigrés qui viennent passer leurs vacances au pays, et qui écoulent leurs euros. Mais il y a de plus en plus d'Algériens d'ici qui ont besoin de devises pour aller voyager, en Tunisie ou en France surtout. Cela dit, en toute saison, il y a tous les opérateurs économiques qui doivent s'acquitter de l'importation de containers et qui donc ont un besoin permanent d'euros. Ceux-là connaissent bien les circuits, qui sont bien huilés. Pour toutes ces raisons, il existe des réseaux. Pour les petites sommes, un cousin ou un ami peut faire l'affaire, mais dès que la somme demandée dépasse la barre d'un certain montant, on entre dans un autre engrenage. Les taux se négocient entre spécialistes et habitués qui se connaissent et ont leur code et leur langage. Du côté des concessionnaires automobiles, la bataille est rude. Si les marques asiatiques se frottent les mains, puisqu'elles peuvent proposer des véhicules à des prix accessibles, les firmes européennes sont plutôt inquiètes. Toute nouvelle hausse de l'euro les pénalise quelque peu. Vous arrivez d'une ville de l'intérieur, vous descendez à la gare routière du Caroubier et vous voulez prendre un taxi pour aller, disons, à Bab el Oued, ou Chéraga. Le chauffeur vous demande rien moins que 400 dinars ou 500 dinars pour le prix de la course. Un peu à la tête du client mais, en fait, il y a un tarif. Ce dernier, que vous jugerez exorbitant, et qui est presque égal au prix du car pour venir de Sétif ou de Chlef, signifie rien moins que le dinar est une monnaie dévalorisée ; jamais une dévaluation d'une monnaie, comme celle qu'a connue la dinar au début des années 90, n'a eu autant d'effets catastrophiques sur la poche des travailleurs et sur le pouvoir d'achat des ménages. Un rouleau compresseur. Un laminage en règle et dans le détail du niveau de vie des populations. Une dégringolade brutale dans l'échelle sociale. Vous étiez au sommet de la pyramide et vous voilà tout d'un coup tout en bas, presque à patauger dans la fange pour une maigre subsistance. Un phénomène inédit Dans le même temps, de nombreux opérateurs économiques, alléchés par l'ouverture économique promise par le nouveau code des investissements, ont ficelé des projets, et cette soudaine baisse des cours, les avaient obligés à mettre la clé sous le paillasson. Aujourd'hui, la situation est différente. Il y a plus de 90 milliards de dollars de réserve de change. Le hic, c'est qu'on assiste à un phénomène tout à fait inédit : Le cours du pétrole monte, mais celui du dollar descend. Pendant ce temps, la monnaie unique européenne, l'euro, ne fait que se renforcer. L'ex-argentier du pays, Abdelatif Benachenhou, avait été l'un des premiers à attirer l'attention sur ce phénomène des temps modernes. L'Algérie vend des hydrocarbures (sa seule ressource en fait) en dollar, mais presque tous ses achats sont libellés en euro. Et c'est là que le bât blesse. C'est comme si l'Algérie perdait de la main gauche ce qu'elle gagnait de la main droite. Folle est la brebis qui se confesse au loup, n'est-ce pas ? D'après les spécialistes, le prix du pétrole augmente en moyenne de 20%, pendant que les gains de l'euro par rapport au dollar se situent dans une fourchette de 10%. Turbulences sur le marché Premier effet de toutes ces turbulences constatées sur le marché : une flambée des prix qui tourne autour de 5 %, sinon plus. L'autre phénomène, c'est celui du prix de référence de 19 dollars, adopté dans l'élaboration de la loi de finances. Les explications fournies par l'Exécutif sont que ce prix de référence est fait à dessein, en prévision d'une éventuelle chute des cours du brut, comme cela avait été le cas dans le passé, où il avait dégringolé à 9 dollars le baril. Et dans le même temps, nous explique-t-on, l'Etat a mis en place un fonds de péréquation destiné à laisser un matelas aux générations futures. Si on nous le dit, c'est que c'est peut-être vrai. Autre question : comment amortir la baisse du dollar face à l'euro. Certains proposent de faire nos achats en dollar, aux Etats Unis, ou dans certains pays émergents. C'est déjà commencé pour ce qui est des pays émergents comme la Chine ou l'inde. D'autres proposent en plus à la banque d'Algérie de diversifier ses avoirs en plaçant une partie des réserves en euro. Cette dernière est une pratique monétaire et il est fort possible que nos responsables bancaires aient déjà songé. Curieuse synchronisation Toujours est-il que ces jours-ci, le marché parallèle de change s'est affolé. A la bourse du marché noir de Port Saïd, ou d'El Eulma, ou de Barika, les rumeurs vont bon train. Il paraît qu'on propose un euro à 130 dinars, d'autres disent qu'il atteint des pics à 140 dinars. Dans les cercles restreints, il s'échange à 110 ou à 115. Mais c'est vraiment rare. Il y a de quoi attacher sa ceinture avant de songer à grimper dans un avion pour aller ailleurs. Et puis, on a le sentiment qu'il existe un lobby qui tire les ficelles, puisqu'il y a comme une synchronisation : quand l'euro s'échange à un taux donné à Alger, on retrouve le même taux à Tizi Ouzou, Ouargla, ou Maghnia. Au taux officiel déjà, l'euro a dépassé la barre symbolique des 100 dinars. Cette hausse est aggravée par les difficultés d'accès aux devises des opérateurs économiques, qui voient leurs marges bénéficiaires fondre comme neige au soleil, alors que la facture à l'importation, que ce soit pour les inputs ou les équipements, ne fait que s'alourdir. Cela est déjà vrai pour des produits sensibles comme la poudre de lait, le cheddar, le blé dur ou tendre, le sucre raffiné, l'huile de table, mais il l'est également pour des matières premières comme le bois, l'acier, le laiton, les produits de laminage à froid, ou les produits chimiques… L'entreprise est obligée de prendre en charge les coûts induits par ces pertes de change, et cela a un impact sur sa politique managériale, aussi bien pour déterminer la structure des prix de vente que pour ce qui est de la fixation des salaires. Il faut bien que quelqu'un paie la facture. Pendant ce temps, le marché des capitaux continue d'être la chasse gardée du marché noir. Absence de marchés des capitaux Intervenant l'autre jour sur les ondes de la Radio nationale, le directeur de la Bourse d'Alger, M. Sadmi, a expliqué les raisons du marasme actuel. Les entreprises publiques économiques, dit-il, ne sont pas intéressées par la Bourse, puisque elles sont proposées à la privatisation. Donc elles sont dans une autre logique. Quant aux entreprises privées, elles n'ont pas encore une taille suffisante pour affronter une telle situation. Mais surtout, la Bourse suppose une transparence totale dans la gestion et dans la comptabilité des entreprises, ce qui est loin d'être le cas en Algérie. On triche avec le fisc, on triche avec la douane et l'on n'informe pas l'opinion publique, ainsi que les actionnaires (surtout les petits porteurs) des résultats financiers de l'entreprise. Les mêmes remarques et revendications qui étaient formulées en 2004 sont valables aujourd'hui. «Durant l'année 2004, avait expliqué Boualem Mrakach, président de la Confédération algérienne du patronat (CAP), l'euro a augmenté de 25 à 30% par rapport au dinar. La majorité de nos importations proviennent de la zone euro. Et nos exportations se font en dollar. Nous avons demandé au gouvernement, d'abord, de nous tenir informés des fluctuations du dinar et comment se fait la cotation de la monnaie nationale pour nous permettre de prendre des précautions. Et puis de permettre aux opérateurs économiques d'acheter à terme des devises. Le gouvernement s'est engagé à prendre en charge cette question.» Trois ans après, force est de constater que cela n'a pas été le cas, puisque le marché des capitaux n'existe toujours pas et que pour se procurer des devises, l'opérateur est obligé de s'adresser au marché noir. Comme tout un chacun. Dans le temps, c'est surtout l'importation des voitures de moins de trois ans qui dopait l'euro (et avant lui le franc). Depuis la suppression de cette disposition dans la loi de fiances, on avait constaté une certaine accalmie, mais d'autres créneau existent toujours. Il y a d'un côté le pèlerinage aux Lieux Saints sous toutes ses formes (Hadj ou Omra). La période estivale se fait à double sens ; il y a d'un côté des émigrés qui viennent passer leurs vacances au pays, et qui écoulent leurs euros. Mais il y a de plus en plus d'Algériens d'ici qui ont besoin de devises pour aller voyager, en Tunisie ou en France surtout. Cela dit, en toute saison, il y a tous les opérateurs économiques qui doivent s'acquitter de l'importation de containers et qui donc ont un besoin permanent d'euros. Ceux-là connaissent bien les circuits, qui sont bien huilés. Pour toutes ces raisons, il existe des réseaux. Pour les petites sommes, un cousin ou un ami peut faire l'affaire, mais dès que la somme demandée dépasse la barre d'un certain montant, on entre dans un autre engrenage. Les taux se négocient entre spécialistes et habitués qui se connaissent et ont leur code et leur langage. Du côté des concessionnaires automobiles, la bataille est rude. Si les marques asiatiques se frottent les mains, puisqu'elles peuvent proposer des véhicules à des prix accessibles, les firmes européennes sont plutôt inquiètes. Toute nouvelle hausse de l'euro les pénalise quelque peu.