Quant elle rentre du boulot, harassée, Aïcha ne peut s'empêcher de jeter son sac alourdi par les livres aux pieds de Messaoud, où qu'il se trouve : c'est sa façon d'exprimer sa mauvaise humeur, d'autant que Messaoud avait pris une retraite anticipée depuis bientôt huit ans à la faveur des mesures d'Ouyahia de nature à dégraisser les entreprises. Tu as la belle vie, toi ! Tu te roules les pouces, tu regardes la télé, tu joues au freecell ou tu pianotes sur l'ordinateur pendant que moi je dois affronter chaque jour les petits diables, les enfants de riches qui sont tellement gâtés par leurs parents qu'ils sont insupportables ! Et par-dessus le marché, je n'ai pas le temps de souffler : il faut que je fasse les courses, il faut que je cuisine pour que monsieur critique ce que je fais. C'était toujours la même litanie que lui servait Aïcha. C'était sa façon d'évacuer sa fatigue tout en culpabilisant son époux. Messaoud ne répondait pas. Il essayait d'esquiver en la branchant sur un sujet anodin, comme ce soir-là par exemple où la télé exhibait une séquence de signatures de contrats entre Algériens et Français sous l'œil vigilant des deux présidents. « Crois-tu que ces contrats vont servir à quelque chose ? », avait demandé Aïcha en affichant un scepticisme inaccoutumé. «Crois-tu que cela va créer des emplois chez nous ?» ajoute-t-elle en pensant à son fils qui est condamné à être hittiste pendant un certain temps. « Bien sûr que cela va créer des milliers d'emplois avec les nombreux chantiers qui seront ouverts, mais ce sera une goutte d'eau dans l'océan du chômage qui sévit aussi. Ces contrats n'en sont que de bons arrangements pour les deux pays : Sarkozy assure ses approvisionnements en gaz pendant quelques années encore et Bouteflika récupère 5 milliards d'euros en investissements directs. Ce n'est pas Sarkozy qui viendra régler le problème du chômage en Algérie tout comme il ne réglera pas les problèmes de visas. Qu'il règle d'abord les problèmes des banlieues qui s'enflamment de temps en temps. El moumen yesbaq fi nefsou ! » conclut sentencieusement Messaoud. Quant elle rentre du boulot, harassée, Aïcha ne peut s'empêcher de jeter son sac alourdi par les livres aux pieds de Messaoud, où qu'il se trouve : c'est sa façon d'exprimer sa mauvaise humeur, d'autant que Messaoud avait pris une retraite anticipée depuis bientôt huit ans à la faveur des mesures d'Ouyahia de nature à dégraisser les entreprises. Tu as la belle vie, toi ! Tu te roules les pouces, tu regardes la télé, tu joues au freecell ou tu pianotes sur l'ordinateur pendant que moi je dois affronter chaque jour les petits diables, les enfants de riches qui sont tellement gâtés par leurs parents qu'ils sont insupportables ! Et par-dessus le marché, je n'ai pas le temps de souffler : il faut que je fasse les courses, il faut que je cuisine pour que monsieur critique ce que je fais. C'était toujours la même litanie que lui servait Aïcha. C'était sa façon d'évacuer sa fatigue tout en culpabilisant son époux. Messaoud ne répondait pas. Il essayait d'esquiver en la branchant sur un sujet anodin, comme ce soir-là par exemple où la télé exhibait une séquence de signatures de contrats entre Algériens et Français sous l'œil vigilant des deux présidents. « Crois-tu que ces contrats vont servir à quelque chose ? », avait demandé Aïcha en affichant un scepticisme inaccoutumé. «Crois-tu que cela va créer des emplois chez nous ?» ajoute-t-elle en pensant à son fils qui est condamné à être hittiste pendant un certain temps. « Bien sûr que cela va créer des milliers d'emplois avec les nombreux chantiers qui seront ouverts, mais ce sera une goutte d'eau dans l'océan du chômage qui sévit aussi. Ces contrats n'en sont que de bons arrangements pour les deux pays : Sarkozy assure ses approvisionnements en gaz pendant quelques années encore et Bouteflika récupère 5 milliards d'euros en investissements directs. Ce n'est pas Sarkozy qui viendra régler le problème du chômage en Algérie tout comme il ne réglera pas les problèmes de visas. Qu'il règle d'abord les problèmes des banlieues qui s'enflamment de temps en temps. El moumen yesbaq fi nefsou ! » conclut sentencieusement Messaoud.