La sonnette de l'entrée résonna brusquement et furieusement, à coups répétés, tirant brusquement Messaoud de la douce torpeur dans laquelle il était plongé : il était devenu frileux et la pluie qui n'avait cessé de tomber toute le journée du dimanche l'avait incité à se réfugier sous la couette et à attendre une accalmie pour mettre le nez dehors. Il parcourut le couloir à grandes enjambées en criant devant l'insistance de la sonnerie : « Attendez ! Il n'y a pas le feu ! ». Il faut dire que Messaoud, depuis qu'il avait emménagé dans ce sombre immeuble dont les peintures extérieures s'écaillaient et dont l'éclairage était défaillant malgré le volontarisme de certains locataires, avait une certaine appréhension en entendant le bruit de la sonnette : il craignait toujours de voir le voisin du dessous venir se plaindre d'une éventuelle fuite d'eau, car cela l'obligerait à essayer de joindre le plombier qui, s'il répondait à son appel désespéré, mettrait quelques jours pour être disponible, mettant ainsi l'infortuné Messaoud à la merci des récriminations de l'angoissant voisin incommodé. Messaoud, pour ne pas subir les affres de la sonnette, avait pourvu depuis longtemps tous les membres de sa famille de clés et maintenant, quand sonnerie il y avait, il fallait s'attendre à un étranger. Mais, heureusement, en regardant par l'œil de bœuf Messaoud put apercevoir le visage furieux de Aïcha à peine visible sous la capuche de son manteau. Messaoud, à peine rassuré, ouvrit et essaya de soulager Aïcha de son lourd sac qui lui servait de cartable et de l'imposant filet qui traînait jusqu'à terre. « Ne fais pas semblant ! » cria-t-elle en le repoussant brutalement. « Monsieur le retraité fait sa sieste tandis que moi, en plus du boulot, je dois me payer toutes les courses ! - Mais c'est toi qui a voulu faire les courses car tu m'as toujours reproché d'être trop dépensier. Et puis, tu aurais dû m'appeler ! Je serais venu jusqu'au marché pour te servir de portefaix ! - Ne me parle plus de ce maudit marché ! » continua Aïcha en ôtant ses bottines boueuses avant de s'engouffrer dans la cuisine pour se jeter sur une chaise et pousser un soupir de lassitude. « Il faut voir dans quel état est le chemin qui mène au marché ! De la boue jusqu'aux genoux ! Et avec cela, « Shab trabendou » qui réduisent le passage, favorisant ainsi les pickpockets qui vous frôlent de partout : on ne sait plus où mettre les pieds ! Les sentiers du bled sont plus fréquentables ! Des vendeurs de fruits, de légumes, de piles, de chiffons… Il y en a même qui vendent de la « chemma » ! Et maintenant à la veille de l'Aïd, il y a en plus les vendeurs de couteaux et les vendeurs de foin. Je me demande où Est l'état dans tout cela ! - Les autorités ont d'autres chats à fouetter : le commissaire du quartier a bien essayé de supprimer le marché informel, Il n'a pas pu. « L'Etat » a peur d'avoir à affronter les manifestations de chômeurs, alors, il laisse faire. Si la loi était appliquée, les trottoirs ne seraient pas encombrés de marchands qui ne paient pas leurs impôts et qui laissent chaque soir des tonnes de détritus sur la chaussée. Si la loi était respectée, il n'y aurait pas trois constructions illicites sur ce même trottoir : une boulangerie, une quincaillerie et une parfumerie. S'il y avait une autorité, il n'y aurait pas de jeunes délinquants, armés de matraques et qui rançonnent des automobilistes. Et puis aucun responsable dans la cité. La cité, c'est « tag aala men tag ! » La sonnette de l'entrée résonna brusquement et furieusement, à coups répétés, tirant brusquement Messaoud de la douce torpeur dans laquelle il était plongé : il était devenu frileux et la pluie qui n'avait cessé de tomber toute le journée du dimanche l'avait incité à se réfugier sous la couette et à attendre une accalmie pour mettre le nez dehors. Il parcourut le couloir à grandes enjambées en criant devant l'insistance de la sonnerie : « Attendez ! Il n'y a pas le feu ! ». Il faut dire que Messaoud, depuis qu'il avait emménagé dans ce sombre immeuble dont les peintures extérieures s'écaillaient et dont l'éclairage était défaillant malgré le volontarisme de certains locataires, avait une certaine appréhension en entendant le bruit de la sonnette : il craignait toujours de voir le voisin du dessous venir se plaindre d'une éventuelle fuite d'eau, car cela l'obligerait à essayer de joindre le plombier qui, s'il répondait à son appel désespéré, mettrait quelques jours pour être disponible, mettant ainsi l'infortuné Messaoud à la merci des récriminations de l'angoissant voisin incommodé. Messaoud, pour ne pas subir les affres de la sonnette, avait pourvu depuis longtemps tous les membres de sa famille de clés et maintenant, quand sonnerie il y avait, il fallait s'attendre à un étranger. Mais, heureusement, en regardant par l'œil de bœuf Messaoud put apercevoir le visage furieux de Aïcha à peine visible sous la capuche de son manteau. Messaoud, à peine rassuré, ouvrit et essaya de soulager Aïcha de son lourd sac qui lui servait de cartable et de l'imposant filet qui traînait jusqu'à terre. « Ne fais pas semblant ! » cria-t-elle en le repoussant brutalement. « Monsieur le retraité fait sa sieste tandis que moi, en plus du boulot, je dois me payer toutes les courses ! - Mais c'est toi qui a voulu faire les courses car tu m'as toujours reproché d'être trop dépensier. Et puis, tu aurais dû m'appeler ! Je serais venu jusqu'au marché pour te servir de portefaix ! - Ne me parle plus de ce maudit marché ! » continua Aïcha en ôtant ses bottines boueuses avant de s'engouffrer dans la cuisine pour se jeter sur une chaise et pousser un soupir de lassitude. « Il faut voir dans quel état est le chemin qui mène au marché ! De la boue jusqu'aux genoux ! Et avec cela, « Shab trabendou » qui réduisent le passage, favorisant ainsi les pickpockets qui vous frôlent de partout : on ne sait plus où mettre les pieds ! Les sentiers du bled sont plus fréquentables ! Des vendeurs de fruits, de légumes, de piles, de chiffons… Il y en a même qui vendent de la « chemma » ! Et maintenant à la veille de l'Aïd, il y a en plus les vendeurs de couteaux et les vendeurs de foin. Je me demande où Est l'état dans tout cela ! - Les autorités ont d'autres chats à fouetter : le commissaire du quartier a bien essayé de supprimer le marché informel, Il n'a pas pu. « L'Etat » a peur d'avoir à affronter les manifestations de chômeurs, alors, il laisse faire. Si la loi était appliquée, les trottoirs ne seraient pas encombrés de marchands qui ne paient pas leurs impôts et qui laissent chaque soir des tonnes de détritus sur la chaussée. Si la loi était respectée, il n'y aurait pas trois constructions illicites sur ce même trottoir : une boulangerie, une quincaillerie et une parfumerie. S'il y avait une autorité, il n'y aurait pas de jeunes délinquants, armés de matraques et qui rançonnent des automobilistes. Et puis aucun responsable dans la cité. La cité, c'est « tag aala men tag ! »