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L'amertume contre le coup du sort
Confessions de sinistrés de Ghardaïa
Publié dans Le Midi Libre le 13 - 10 - 2008

Dans la capitale des oasis, la détresse a atteint un seuil intolérable, poussant même de nombreux sinistrés à quitter leur ville tant chérie par le passée, avec le vœu de ne jamais retourner dans cette région souillée par les eaux vaseuses du M'zab.
Dans la capitale des oasis, la détresse a atteint un seuil intolérable, poussant même de nombreux sinistrés à quitter leur ville tant chérie par le passée, avec le vœu de ne jamais retourner dans cette région souillée par les eaux vaseuses du M'zab.
Des lumières chatoyantes de la palmeraie de Ghardaïa, il n'en reste que des souvenirs lointains. De ces ruelles pittoresques où l'ombre et le soleil se conjuguent dans une magnifique symphonie, il n'en reste que des cendres. Aujourd'hui, malheureusement, force est de constater que la Ghardaïa d'après la Catastrophe n'a rien de commun avec la vieille cité millénaire qui a tant nourri l'imaginaire exotique de ces visiteurs, très nombreux ces dernières années. La population locale demeure encore sous le choc. Les cauchemars hantent les nuits des enfants de Ghardaïa dont le seul souvenir des inondations est en soi une expérience angoissante. Sur les visages, comme dans les yeux et les regards, des « Ghardaouis », qu'ils soient mozabites ou arabes, les flots de l'oued n'ont pas fait différence, on ne lit que des signes de consternation.
Dans la capitale des oasis, la détresse a atteint un seuil intolérable, poussant même de nombreux sinistrés à quitter leur ville tant chérie par le passée, avec le vœu de ne jamais retrouver cette région souillée par les eaux vaseuses du M'zab.
A Baba Saad, l'un des faubourgs les plus populaire de la ville, devant les décombres d'une maison et la carcasse d'une R 4 enfoncée dans le sol comme si on l'avait bombardé de missiles, Cheikh Mohamed, un mozabite de 75 ans, n'a que ses larmes pour se remettre de cette matinée maudite de l'Aïd El-Fitr.
«Je ne pense
qu'à une seule chose :
le suicide»
Le visage parcouru par les traits du désespoir, le chagrin scintillant dans son regard, Cheikh Mohamed ne réalise toujours pas que toute sa famille a été emportée par les flots de l'oued M'zab. Ce même oued si sacré par la population de la ville, s'est déchainée comme un monstre de l'enfer contre le quartier de Cheikh Mohamed emmenant ainsi dans ses vagues boueuses tous ses enfants et leur mère.
« J'étais à la mosquée, sise sur l'autre rive de l'oued lorsque tout a commencé. Je remercie Dieu pour cette pluie bénite dont la région avait tant besoin. La sécheresse nous a longtemps assoiffé ici Ghardaïa », nous raconte tout de go le vieil homme avant de nous expliquer que l'espoir a vite tourné au drame. «L'imam nous a hâté de nous enfuite de la mosquée car elle commençait à prendre l'eau. Je me suis accouru sur la colline la plus proche et c'est là où j'ai aperçu d'en haut ma maison submergée par l'eau brunâtre du M'zab. Ma famille s'était refugiée sur la terrasse, mais en à peine quelques minutes, le niveau de l'oued les a noyés dans son ventre. Je les ai tous perdu sous mes yeux. Depuis je ne pense qu'à une seule chose : me suicider », révèle-t-il sans aucun ambage.
La catastrophe de Ghardaïa a fait de Cheikh Mohamed une âme errante qui se cherche dans les entrailles de cet enfer qu'est devenue la vallée du M'zab. Ne trainant derrière lui que des séquelles et des traces d'un traumatisme pesant, notre survivant n'attend plus à rien de l'existence éphémère qui lui reste à assumer. Cheikh Mohamed, transitant d'un refuge un autre, d'un centre d'hébergement à un autre, est devenu, dans l'imaginaire de nombreux sinistrés de Ghardaïa, pour ainsi dire, le symbole vivant de cette terrible tragédie.
Son histoire revient sur toutes les lèvres et les jeunes comme les adultes s'identifient à ce vieil homme à la barbe blanche et à la tunique immaculée. Car eux aussi, ils ont perdu leurs espérances et la foi même en cette vie si injuste.
Et comment y croire lorsque la vie nous dépossède de notre maison, de notre famille, de nos amis et même de tout notre quartier ? Cette lancinante interrogation hante toujours Khoder, 26 ans, dont les nuits se sont transformées en une cure de souffrance à force de ressasser les évènements de cet Aïd de deuil.
« Tous mes projets se sont évaporés. Notre maison s'est écroulée comme un château de carte. Dieu merci, moi et ma famille nous avons survécu, mais nous n'avons rien pu sauver d'autres. Je n'oublierais jamais cette tragédie comme je n'oublierais jamais les cris et les dernièrs soubresauts de mes amis dévorés par les crues de ce foutu oued », témoigne notre interlocuteur. La taille grande, les habits entièrement couverts par des couches de boue, le front et les mains marqués par des égratignures, Khoder a vécu ces inondations à El Ghaba, la zone la plus touchée par les crues de l'oued à Ghardaïa.
«Au fond de moi,
il y a quelque chose
qui s'est éteint et qui ne renaitra jamais»
Rien qu'à Bouchemdjane, la ruelle où vivait paisiblement Khoder et sa famille dans ce bourg situé dans le creux de l'oued, l'on déplore pas moins de 17 morts. A El Ghaba, on respire toujours cette odeur nauséabonde des corps décomposés. Jusqu'à aujourd'hui, les recherches des personnes disparues, menées par les éléments de la protection civile et le Croissant Rouge, se poursuivent dans une ambiance mortifère. En compagnie de Khoder, nous avons pénétré cette zone où les petites maisonnettes, résidences d'été des mozabites, se sont métamorphosées le temps d'une crue, en un musée de la mort. Partout, le regard croise des charpentes de véhicules enfouies dans la boue, des constructions ruinées, des quartiers noyés dans la bourbe, et des vies détruites. A El Ghaba, le niveau de l'eau à dépassé les 12 mètres, et les récits des survivants nous replonge dans un film d'horreur.
« Notre voisine enceinte tenait sa petite fille lorsque on essayait de la sortir de chez elle. Elle la tenait si fort qu'on croyait réellement qu'elle était en sécurité. Mais le courant de l'eau devenait de plus en plus fort. En un clin d'œil, la fille s'échappa des bras de sa maman. Je l'ai vu voguer à une vitesse vertigineuse dans le couloir que l'oued a creusé. Depuis, notre voisine ne veut plus parler à personne et tout le monde s'inquiète sur la santé de son bébé », relate notre jeune interlocuteur.
A El Ghaba, c'est à l'école coranique Aâmi Said que la population sinistrée afflue dans l'espoir de trouver une quelconque aide. Cette école de la foi s'est reconvertie en un lieu de détresse. D'emblée les responsables de l'association locale qui gèrent ce refuge de l'infortune nous révèlent que la population sinistrée manque pratiquement de tout. Pas le moindre lit pour 13 femmes enceintes, les vaccins contre les maladies endémiques arrivent au compte goutte, des aides alimentaires largement insuffisantes, une couverture médicale inexistante, la situation dramatique de ces familles nous révulse, tout bonnement, le cœur. Après la catastrophe naturelle, c'est la bêtise humaine qui assombrit encore plus la vallée la pentapole.
En se rendant à Bougdema, un autre lotissement populaire de Ghardaïa complètement ravagé par les eaux de l'oued M'zab, nous avons rencontré Aâmi Tayeb. Ce retraité, un ancien cadre de Sonelgaz, a vu sa vie chaviré avec la catastrophe de Ghardaïa. Les cheveux blancs, la peau sombre, la mine défaite et le visage dépité, aâmi Tayeb ne comprend pas comment un tel bouleversement puisse se produire en une seule matinée. «J'ai l'impression que je vis toujours un cauchemar. Je me piuce souvent pour me réveiller, mais rien n'y fait. La triste réalité s'impose à moi comme un nuage sombre qui vous arrache aux rayons du soleil. Nous avons tout perdu. C'est Dieu qui l'a voulu ainsi. Certes. Toutefois, l'Etat doit assumer ses responsabilités envers nous. Il n'a pas le droit de nous abandonner comme ça à notre sort », décrète-t-il. Sa maison n'est que ruines. De toute sa vie, il ne lui reste que sa carte d'identité. «C'est tout ce qui prouve que je ne suis pas mort car au fond de moi, il y a bien quelque chose qui s'est éteint et ne renaitra jamais», affirme âami Tayb. Dans son quartier, les histoires et les témoignages se distinguent par leur charge émotionnelle et se ressemblent par une détresse commune. Enfin, une chose est sûre : à Ghardaïa, tout le monde est tourmenté comme ce policier qui a vu sous ses yeux 4 clandestins sub-sahariens se noyer dans les cellules du centre de détention situé juste à côte du commissariat du centre-ville. Leurs gémissements l'ont habité si atrocement qu'il a fini par se suicider en se tirant une balle dans la tête. A Ghardaïa, même si on n'a pas été touché par la catastrophe, l'on se sent forcément sinistré. S. A.
Des lumières chatoyantes de la palmeraie de Ghardaïa, il n'en reste que des souvenirs lointains. De ces ruelles pittoresques où l'ombre et le soleil se conjuguent dans une magnifique symphonie, il n'en reste que des cendres. Aujourd'hui, malheureusement, force est de constater que la Ghardaïa d'après la Catastrophe n'a rien de commun avec la vieille cité millénaire qui a tant nourri l'imaginaire exotique de ces visiteurs, très nombreux ces dernières années. La population locale demeure encore sous le choc. Les cauchemars hantent les nuits des enfants de Ghardaïa dont le seul souvenir des inondations est en soi une expérience angoissante. Sur les visages, comme dans les yeux et les regards, des « Ghardaouis », qu'ils soient mozabites ou arabes, les flots de l'oued n'ont pas fait différence, on ne lit que des signes de consternation.
Dans la capitale des oasis, la détresse a atteint un seuil intolérable, poussant même de nombreux sinistrés à quitter leur ville tant chérie par le passée, avec le vœu de ne jamais retrouver cette région souillée par les eaux vaseuses du M'zab.
A Baba Saad, l'un des faubourgs les plus populaire de la ville, devant les décombres d'une maison et la carcasse d'une R 4 enfoncée dans le sol comme si on l'avait bombardé de missiles, Cheikh Mohamed, un mozabite de 75 ans, n'a que ses larmes pour se remettre de cette matinée maudite de l'Aïd El-Fitr.
«Je ne pense
qu'à une seule chose :
le suicide»
Le visage parcouru par les traits du désespoir, le chagrin scintillant dans son regard, Cheikh Mohamed ne réalise toujours pas que toute sa famille a été emportée par les flots de l'oued M'zab. Ce même oued si sacré par la population de la ville, s'est déchainée comme un monstre de l'enfer contre le quartier de Cheikh Mohamed emmenant ainsi dans ses vagues boueuses tous ses enfants et leur mère.
« J'étais à la mosquée, sise sur l'autre rive de l'oued lorsque tout a commencé. Je remercie Dieu pour cette pluie bénite dont la région avait tant besoin. La sécheresse nous a longtemps assoiffé ici Ghardaïa », nous raconte tout de go le vieil homme avant de nous expliquer que l'espoir a vite tourné au drame. «L'imam nous a hâté de nous enfuite de la mosquée car elle commençait à prendre l'eau. Je me suis accouru sur la colline la plus proche et c'est là où j'ai aperçu d'en haut ma maison submergée par l'eau brunâtre du M'zab. Ma famille s'était refugiée sur la terrasse, mais en à peine quelques minutes, le niveau de l'oued les a noyés dans son ventre. Je les ai tous perdu sous mes yeux. Depuis je ne pense qu'à une seule chose : me suicider », révèle-t-il sans aucun ambage.
La catastrophe de Ghardaïa a fait de Cheikh Mohamed une âme errante qui se cherche dans les entrailles de cet enfer qu'est devenue la vallée du M'zab. Ne trainant derrière lui que des séquelles et des traces d'un traumatisme pesant, notre survivant n'attend plus à rien de l'existence éphémère qui lui reste à assumer. Cheikh Mohamed, transitant d'un refuge un autre, d'un centre d'hébergement à un autre, est devenu, dans l'imaginaire de nombreux sinistrés de Ghardaïa, pour ainsi dire, le symbole vivant de cette terrible tragédie.
Son histoire revient sur toutes les lèvres et les jeunes comme les adultes s'identifient à ce vieil homme à la barbe blanche et à la tunique immaculée. Car eux aussi, ils ont perdu leurs espérances et la foi même en cette vie si injuste.
Et comment y croire lorsque la vie nous dépossède de notre maison, de notre famille, de nos amis et même de tout notre quartier ? Cette lancinante interrogation hante toujours Khoder, 26 ans, dont les nuits se sont transformées en une cure de souffrance à force de ressasser les évènements de cet Aïd de deuil.
« Tous mes projets se sont évaporés. Notre maison s'est écroulée comme un château de carte. Dieu merci, moi et ma famille nous avons survécu, mais nous n'avons rien pu sauver d'autres. Je n'oublierais jamais cette tragédie comme je n'oublierais jamais les cris et les dernièrs soubresauts de mes amis dévorés par les crues de ce foutu oued », témoigne notre interlocuteur. La taille grande, les habits entièrement couverts par des couches de boue, le front et les mains marqués par des égratignures, Khoder a vécu ces inondations à El Ghaba, la zone la plus touchée par les crues de l'oued à Ghardaïa.
«Au fond de moi,
il y a quelque chose
qui s'est éteint et qui ne renaitra jamais»
Rien qu'à Bouchemdjane, la ruelle où vivait paisiblement Khoder et sa famille dans ce bourg situé dans le creux de l'oued, l'on déplore pas moins de 17 morts. A El Ghaba, on respire toujours cette odeur nauséabonde des corps décomposés. Jusqu'à aujourd'hui, les recherches des personnes disparues, menées par les éléments de la protection civile et le Croissant Rouge, se poursuivent dans une ambiance mortifère. En compagnie de Khoder, nous avons pénétré cette zone où les petites maisonnettes, résidences d'été des mozabites, se sont métamorphosées le temps d'une crue, en un musée de la mort. Partout, le regard croise des charpentes de véhicules enfouies dans la boue, des constructions ruinées, des quartiers noyés dans la bourbe, et des vies détruites. A El Ghaba, le niveau de l'eau à dépassé les 12 mètres, et les récits des survivants nous replonge dans un film d'horreur.
« Notre voisine enceinte tenait sa petite fille lorsque on essayait de la sortir de chez elle. Elle la tenait si fort qu'on croyait réellement qu'elle était en sécurité. Mais le courant de l'eau devenait de plus en plus fort. En un clin d'œil, la fille s'échappa des bras de sa maman. Je l'ai vu voguer à une vitesse vertigineuse dans le couloir que l'oued a creusé. Depuis, notre voisine ne veut plus parler à personne et tout le monde s'inquiète sur la santé de son bébé », relate notre jeune interlocuteur.
A El Ghaba, c'est à l'école coranique Aâmi Said que la population sinistrée afflue dans l'espoir de trouver une quelconque aide. Cette école de la foi s'est reconvertie en un lieu de détresse. D'emblée les responsables de l'association locale qui gèrent ce refuge de l'infortune nous révèlent que la population sinistrée manque pratiquement de tout. Pas le moindre lit pour 13 femmes enceintes, les vaccins contre les maladies endémiques arrivent au compte goutte, des aides alimentaires largement insuffisantes, une couverture médicale inexistante, la situation dramatique de ces familles nous révulse, tout bonnement, le cœur. Après la catastrophe naturelle, c'est la bêtise humaine qui assombrit encore plus la vallée la pentapole.
En se rendant à Bougdema, un autre lotissement populaire de Ghardaïa complètement ravagé par les eaux de l'oued M'zab, nous avons rencontré Aâmi Tayeb. Ce retraité, un ancien cadre de Sonelgaz, a vu sa vie chaviré avec la catastrophe de Ghardaïa. Les cheveux blancs, la peau sombre, la mine défaite et le visage dépité, aâmi Tayeb ne comprend pas comment un tel bouleversement puisse se produire en une seule matinée. «J'ai l'impression que je vis toujours un cauchemar. Je me piuce souvent pour me réveiller, mais rien n'y fait. La triste réalité s'impose à moi comme un nuage sombre qui vous arrache aux rayons du soleil. Nous avons tout perdu. C'est Dieu qui l'a voulu ainsi. Certes. Toutefois, l'Etat doit assumer ses responsabilités envers nous. Il n'a pas le droit de nous abandonner comme ça à notre sort », décrète-t-il. Sa maison n'est que ruines. De toute sa vie, il ne lui reste que sa carte d'identité. «C'est tout ce qui prouve que je ne suis pas mort car au fond de moi, il y a bien quelque chose qui s'est éteint et ne renaitra jamais», affirme âami Tayb. Dans son quartier, les histoires et les témoignages se distinguent par leur charge émotionnelle et se ressemblent par une détresse commune. Enfin, une chose est sûre : à Ghardaïa, tout le monde est tourmenté comme ce policier qui a vu sous ses yeux 4 clandestins sub-sahariens se noyer dans les cellules du centre de détention situé juste à côte du commissariat du centre-ville. Leurs gémissements l'ont habité si atrocement qu'il a fini par se suicider en se tirant une balle dans la tête. A Ghardaïa, même si on n'a pas été touché par la catastrophe, l'on se sent forcément sinistré. S. A.


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