Mahmoud Darwish est mort. Un poète immense vient se s'éteindre, loin de sa terre aimée qu'il a chanté et qu'il a pleurée comme nul autre ne l'a fait. Mahmoud Darwish est le chantre de la liberté et de la lutte contre l'oppression barbare. Nous sommes en deuil. Tous les hommes libres et fiers sont en deuil de la perte d'un cœur qui battait le rythme du temps, de l'orage qui tonnait plus fort que les canons et du zéphir qui caressait des roses d'antan, celles d'El Birwah, du pur enfant qui montait au firmament de l'amour… Mahmoud Darwish est mort.. Inscris ! Je suis Arabe Le numéro de ma carte : cinquante mille Nombre d'enfants : huit Et le neuvième… arrivera après l'été ! Et te voilà furieux ! Inscris ! Je suis Arabe Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine Et j'ai huit bambins Leur galette de pain Les vêtements, leur cahier d'écolier Je les tire des rochers… Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais Et te voilà furieux ! Inscris ! Je suis Arabe Sans nom de famille – je suis mon prénom « Patient infiniment » dans un pays où tous Vivent sur les braises de la Colère Mes racines… Avant la naissance du temps elles prirent pied Avant l'effusion de la durée Avant le cyprès et l'olivier …avant l'éclosion de l'herbe Mon père… est d'une famille de laboureurs N'a rien avec messieurs les notables Mon grand-père était paysan – être Sans valeur – ni ascendance. Ma maison, une hutte de gardien En troncs et en roseaux Voilà qui je suis – cela te plaît-il ? Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom. Inscris ! Je suis Arabe Mes cheveux… couleur du charbon Mes yeux… couleur de café Signes particuliers : Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré Et ma paume est dure comme une pierre …elle écorche celui qui la serre La nourriture que je préfère c'est L'huile d'olive et le thym Mon adresse : Je suis d'un village isolé… Où les rues n'ont plus de noms Et tous les hommes… à la carrière comme au champ Aiment bien le communisme Inscris ! Je suis Arabe Et te voilà furieux ! Inscris Que je suis Arabe Que tu as rafflé les vignes de mes pères Et la terre que je cultivais Moi et mes enfants ensemble Tu nous as tout pris hormis Pour la survie de mes petits-fils Les rochers que voici Mais votre gouvernement va les saisir aussi …à ce que l'on dit ! DONC Inscris ! En tête du premier feuillet Que je n'ai pas de haine pour les hommes Que je n'assaille personne mais que Si j'ai faim Je mange la chair de mon Usurpateur Gare ! Gare ! Gare À ma fureur ! Le cheval est tombé du poème. Les Galiléennes étaient trempées de papillons et de rosée, qui dansaient sur les marguerites des près. Les deux absents : toi et moi, moi et toi, les deux absents. Deux blancs époux de mouettes conversent de nuit sur les branches des chênes. Pas d'amour, mais j'aime les poèmes d'amour anciens qui protègent la lune souffrante, de la fumée. Poussées et tirées, tel le violon dans les quatuors, je m'éloigne de mon temps quand je me rapproche Des reliefs du lieu… Plus de place dans la langue moderne pour fêter ce que nous aimons, tout ce qui adviendra… fut. Le cheval est tombé, baignant dans mon poème et moi je suis tombé, baignant dans le sang du cheval… Extrait de Le cheval est tombé du poème dans Ne t'excuse pas, éditions Actes Sud 2006, page 34