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Ghardaïa : la psychose sécuritaire et des tentations séparatistes.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 25 - 01 - 2014


Envoyée spéciale : Hadjer Guenanfa
Magasins fermés, les terrasses des rares cafés et gargotes restés encore ouverts sont vides. À l'extérieur, des jeunes montent la garde pour prévenir une éventuelle attaque de « l'ennemi ».
Le soir tombé, les nombreux agents de la police et les gendarmes semblent sur le qui-vive dans une ville qui a basculé depuis des semaines dans des violences entre les membres des deux communautés arabe et mozabite.
« Vous allez à Souk Lahtab (marché de bois, un quartier mixte mais dominé par les Mozabites) ? Pourquoi ? Qu'allez-vous faire là-bas ? C'est impossible ! Ils vont caillasser ma voiture ». D'un air inquiet, Lakhdar, la quarantaine, chauffeur de taxi chaâmbi, ne veut pas se rendre dans le quartier mozabite.
Pourquoi ? L'homme originaire de Metlili tente une explication : « Nous n'avons pas le droit d'accéder à leur quartier, et eux n'ont pas le droit de se rendre chez nous. D'ailleurs, les gendarmes ont récemment arrêté des jeunes mozabites de Guerrara dans un quartier arabe ».
Le calme qui prévaut depuis mercredi et les barrages installés dans plusieurs quartiers ne suffisent pas pour rassurer. Ici, les affrontements peuvent reprendre à n'importe quel moment et surtout pour une quelconque futilité. L'obscurité de la nuit accentue le climat d'insécurité et augmente le sentiment de peur.
Finalement, Lakhdar accepte de se rendre dans le quartier mozabite. À l'entrée de Souk Lahtab, il demande la permission aux gendarmes. Mais il avertit : « Je ne resterai pas ici. Là, je suis chez eux et je suis facilement reconnaissable. En plus, la plupart des chauffeurs de taxi sont des Arabes ».
Vêtus en tenues traditionnelles, des jeunes et des adolescents mozabites discutent. Ils sont à proximité d'une dizaine de véhicules verts (fourgons, camion chasse-neige et 4X4) de la gendarmerie stationnés sur la placette de Souk Lahtab. D'autres montent la garde dans les ruelles qui l'entourent où se trouve notamment le bureau local de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH). « Ils sont là jusqu'au petit matin. Ils surveillent au cas où des Arabes viendraient pour attaquer nos maisons », précise Mahfoud, un jeune du bureau local de la ligue. « Non, le taxi ne risque rien ici. On ne demande que la paix, c'est tout », s'empresse-t-il d'ajouter.
Des violences qui se propagent d'un quartier à un autre
À Ghardaïa, dans les discussions des uns et des autres, différentes histoires d'exactions et d'actes de vengeance nourrissent la colère et la rancœur. Comme celle d'un Mozabite dont on aurait coupé les oreilles et les mains ou encore celle du jeune écolier arabe qu'on aurait kidnappé déshabillé puis relâché. Et dans les confidences des uns et des autres, de terribles préjugés sociaux et religieux accentuent les divisions et les clivages entre les deux communautés. Alors, on se barricade chez soi et on dépose des blocs de pierres à l'entrée de chaque quartier pour se protéger de l'autre. Certains marchés communs étaient vides dans la matinée du vendredi à l'image de Souk Djemaa à Sidi Aabaz. Arabes et Mozabites ont aménagé de petits marchés dans leurs quartiers.
Sur l'étincelle qui a mis le feu aux poudres fin décembre, les versions divergent au sein d'une même communauté, d'un même groupe et parfois au sein d'une même famille. Habitant le Ksar de Ghardaïa, l'une des sept cités du M'Zab mozabite, Moahfoud est affirmatif. « Certains habitants arabes n'ont pas bénéficié de logements. Ils ont commencé à protester en fermant la route et en ordonnant aux commerçants de fermer leurs magasins. On ne fait que réagir à des attaques ». Des attaques comme celle subie par les habitants de Baba Saleh que certains ont quitté momentanément. Des maisons y ont été incendiées et des personnes blessées. Ou celle menée contre le cimetière de Ammi Saïd. « Aujourd'hui, un Mozabite a été agressé parce qu'il était de passage dans leur quartier », affirme Mahfoud.
Au pied de Ksar de Ghardaïa, le quartier arabe Haï El Moudjahidine (Zgag Lihoud) où les habitants ont, eux aussi, fait face à des incendies de maisons et de magasins. Beaucoup d'entre eux ont été également blessés dont Noureddine Bourguine. Ce jeune chômeur de 27 ans y a perdu un œil. Lui est convaincu que ces « violences étaient programmées, depuis longtemps », par la communauté mozabite. « Les commerçants mozabites avaient vidé leurs magasins avant le début (des affrontements). Et puis, regardez les maisons brûlées. Ce sont celles des Arabes, celles des Mozabites n'ont pas été touchées alors qu'elles sont dans notre quartier. Eux, ils sont en haut et ils jetaient des cocktails Molotov sur nos habitations », jure-t-il.
Fekhar, « chef de la sédition ! »
« Je ne cache pas qu'on ripostait à coup de pierres pour nous défendre. Ils préparaient ces événements depuis longtemps. Mais tout ça, c'est Fekhar ! », ajoute Noureddine. Ses amis et voisins présents acquiescent presque en cœur. Dans les quartiers dominés par la communauté arabe et parmi certains Mozabites, l'ancien responsable du FFS à Ghardaïa et défenseur des droits humains est surnommé « Ras El fitna (la chef de la sédition) ». C'est lui qu'on voit à la télévision, dont on lit le nom dans les journaux et dont on partage les communiqués appelant à l'intervention de l'ONU sur les réseaux sociaux. Le concerné est bien conscient de l'animosité qu'on nourrit contre lui. Au premier étage de son « QG », le local de la LADDH, il suit la situation, écrit des communiqués et répond aux journalistes. Une cinquantaine de Mozabites tiennent une réunion au sous-sol où ils débattent de la situation. « Que voulez-vous ? Je suis devenu une vedette ! », ironise Kamel Dine Fekhar.
Puis il persiste et signe : « On a la certitude que les ordres viennent d'en haut, les policiers s'acharnent contre les Mozabites en enchaînant arrestations arbitraires, notamment dans les hôpitaux, et obligation de signer des PV sans aucune accusation directe ». Lui et ses compagnons voient en certains membres de la communauté rivale une milice qui profite de la « guerre menée par le pouvoir contre les Mozabites » dans l'objectif de « manifester leur haine ». « Quand des maisons mozabites sont attaquées, les femmes arabes font des youyous. Vendredi passé, l'imam de la mosquée Hadj Messaoud parlait de djihad contre les kharidjit », ajoute-t-il.
Partialité de la police ?
Kamel Dine Fekhar parle même « d'une harmonie et d'une organisation » dans la répartition des rôles « dans le temps et l'espace entre le pouvoir et ses milices (arabes) ». « Et jusqu'à maintenant, nous n'avons pas entendu parler d'arrestation des assassins de Belhadj Kebayli », ajoute-t-il.
Et la présence en force de la gendarmerie nationale ? « Quand on part leur demander d'intervenir, ils nous disent qu'ils n'ont pas encore reçu d'ordre », répond M. Fekhar. Même s'ils divergent sur la démarche à suivre, Kamel Fekhar Dine et le notable mozabite Dr Brahim Bahaz font le même constat : le parti pris de la police dans le conflit. « Certains éléments de la police étaient du côté de nos frères arabes contre les Mozabites. C'est la confusion totale », avance prudemment M. Bahaz au siège du conseil des notables mozabites ibadites de Kasr Ghardaïa. Devant l'un de ses amis, il poursuit, catégorique : « la complicité de la police était flagrante ! ». Pour remédier à la situation, les notables ont contacté les autorités et sollicité l'intervention de la gendarmerie. Ce qui a été fait. « Depuis, la situation s'est améliorée », se réjouit Brahim Bahaz.
Sur le terrain, une certaine répartition des tâches entre les deux services de sécurité confirme ses propos : la gendarmerie est souvent à proximité des quartiers mozabites et la police à l'intérieur des quartiers arabes. Mais les arguments des Mozabites sont encore battus en brèche par les Arabes. « La police prend le parti de l'agressé et donc de la victime », estime Bouamer Bouhafs, un notable arabe. « Et puis, des véhicules de la police sont stationnés dans les quartiers arabes mais pas dans les quartiers mozabites », dit-il.
Mur de séparation, autonomie ou enquête des autorités
En fait, Ghardaïa est aujourd'hui quadrillée par une armada de policiers et de gendarmes. Leur présence ne fait pourtant pas baisser la tension. Ce vendredi, en fin d'après-midi, des rumeurs sur une nouvelle émeute circulent au Ksar de Ghardaïa. À partir du cimetière Ammi Saïd, quelques jeunes Mozabites surveillent, avec des jumelles, le mouvement du groupe d'Arabes qui se rassemblaient à Bousmara. « Finalement, la gendarmerie est intervenue et a évité un éventuel affrontement », lance, soulagé, l'un d'eux.
Dans la nuit du vendredi à samedi, d'autres affrontements ont éclaté à Berriane où des restaurants et des cafés ont été incendiés. Au fond, les deux communautés savent pertinemment que la solution ne peut être éternellement d'ordre sécuritaire. À Haï El Moudjahidine, les jeunes parlent de la construction d'un grand mur de séparation. « Des paroles d'adolescents », relativise M. Bouhafs.
« Ce qu'on demande aux responsables, c'est qu'ils fassent une enquête pour déterminer les vrais commanditaires. Qu'ils le fassent et dans un délai très court », insiste-t-il. Le notable pense que ceux qui ont mené les attaques avaient un objectif qui est « peut-être d'ordre politique et qui est peut-être aussi partiellement affiché actuellement ».
Kamel Dine Fekhar affirme que l'autonomie n'est pas une solution à écarter. « Il faut faire la différence entre le séparatisme et l'autonomie qui est la gestion des affaires internes de la société », lance-t-il. « Je pense que ça ne pose pas de problème, on a nos spécificités culturelles et religieuses. Et on vit depuis l'indépendance un effacement de notre identité », conclut le militant.


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