Crise économique : l'Algérie dans le rouge TSA 18:53 mardi 8 septembre 2015 | Par Tewfik Abdelbari | Actualité La crise pointe à l'horizon. La dernière note de conjoncture de la Banque d'Algérie (BA), dont nous détenons une copie, est pour le moins inquiétante : déficit budgétaire, réserves de change, Fonds de régulation des recettes (FRR), commerce extérieur, inflation... Presque tous les indicateurs économiques sont au rouge. Fonds de régulation des recettes, comme neige au soleil Nous rapportions aujourd'hui, baisse drastique des réserves de change de l'Algérie à 159,03 milliards de dollars, en recul de 34,24 milliards sur un an, entre fin juin 2014 et juin 2015. Le « choc externe » lié à la baisse de 47,02 % des prix du pétrole se fait sentir. La situation du FRR est également inquiétante. Les ressources du Fonds ont reculé de 1 714,6 milliards de dinars en un an (à fin juin 2015). Ainsi, il ne reste plus que 3 441,3 milliards de disponibles dans le FRR, « soit une réduction de 33,3 % en l'espace de douze mois » indique la Banque d'Algérie. Cette situation est due au creusement du déficit du global du Trésor, donc du déficit budgétaire (902,8 milliards en mai). À ce rythme, le déficit pourrait se chiffre à près de 1100 milliards de dinars. En cause, l'érosion des recettes de la fiscalité pétrolière à 1 255 milliards de dinars au premier semestre 2015 contre 1 518,3 au semestre précédent (-17,3 %), conjuguée au maintien de « dépenses budgétaires toujours élevées », indique l'institution monétaire. Baisse du dinar : toujours surévalué ! Par ailleurs, la Banque d'Algérie assume la dépréciation/dévaluation du dinar. Le cours moyen de la monnaie nationale a connu une baisse de 22 % par rapport au dollar, pour le seul premier semestre de l'année en cours. Le dinar s'est en revanche apprécié de 0,6 % face à l'euro, selon la même source. Cependant, l'institution monétaire affirme que le taux de change effectif réel (TCER) du dinar « reste apprécié par rapport à son niveau d'équilibre de moyen terme ». En somme, la BA veut à tout prix éviter une hausse du dinar, voire souhaite le déprécier davantage. Le but ? « La flexibilité du cours du dinar (...) permet d'absorber, en partie, l'effet de la chute des prix du pétrole », note la même source. Ceci en augmentant les recettes de la fiscalité pétrolière par un effet change. En effet, « les interventions de la Banque d'Algérie sur ce marché [interbancaire, NDLR] s'inscrivent dans cet objectif stratégique », note l'institution. Par ailleurs, la baisse du dinar répond également à l'objectif de freiner les importations en renchérissant les produits étrangers. Commerce extérieur : recul généralisé et déficit de la balance commerciale Dans un contexte de recul des prix du baril du pétrole, les exportations algériennes, constituées à près de 96 % d'hydrocarbures, sont sans surprise en net recul. L'Algérie a vendu pour 18,1 milliards de dollars d'hydrocarbures au premier semestre 2015, selon la Banque d'Algérie, en baisse de 43,1 %. Les quantités exportées connaissent également un repli de 4,59 %. Pour le reste, les exportations hors hydrocarbures se sont établies à 812 millions de dollars, en progression de 164 millions de dollars. Du côté des importations de biens, elles enregistrent également une baisse appréciable de 10,11 % à 27,08 milliards de dollars sur les six premiers mois de l'année en cours, indique la note de la BA. Tous les groupes de biens sont concernés, à l'exception des « biens d'équipements agricoles (...) (+48 millions de dollars) », selon la même source. L'on relève notamment une forte baisse des achats de poudre de lait (-40,77 %), dans un contexte de « baisse des cours internationaux de ce produit », précise l'institution monétaire nationale. Les importations de véhicules de tourisme sont également en forte baisse (-526,28 millions de dollars), tout comme la facture des médicaments (-358,02 millions). Cela dit, ce que le rapport ne précise pas est que cette baisse des importations est à mettre, en partie, au crédit de l'appréciation du dollar face à l'euro. En effet, les importations algériennes se sont ainsi orientées vers la zone euro, pour profiter d'un taux de change favorable. Par ailleurs, le recul des importations n'a pas suffi a compensé la chute des recettes pétrolières du pays, rappelle la BA. Tant s'en faut. La balance commerciale a par conséquent accusé un déficit substantiel de « 8,18 milliards de dollars, contre un excédent de 2,31 milliards de dollars au titre du premier semestre 2014. » C'est le troisième déficit trimestriel consécutif, indique la même source. Déficit dans les services et important transfert de dividendes En incluant le poste des importations de services et les transferts de dividendes, le compte courant de balance des paiements affiche un important déficit de l'ordre de 13,17 milliards de dollars lors du premier semestre 2015, indique la note de la BA. Le déficit en termes de services s'est élevé à 3,35 milliards, en baisse par rapport à la même période de 2014. Par ailleurs, en ajoutant « l'important transfert de dividendes » ainsi que le transfert de 2,34 milliards de dollars pour ce qui semble correspondre au rachat de 51 % de l'opérateur de téléphonie mobile Djezzy par l'Etat algérien, le solde global de la balance des paiements atteint un déficit record de 14,39 milliards de dollars, détaille la Banque d'Algérie. Le déficit n'était que de 1,32 milliard de dollars au premier semestre 2014, toujours selon la même source. Ces éléments contribuent fortement au recul des réserves de change, comme nous l'indiquions plus haut. « Chassez l'inflation, elle revient au galop » Enfin, l'inflation signe un retour marqué. En effet, le taux d'inflation, en moyenne annuelle, « enregistre sa plus forte hausse annuelle depuis 21 mois », indique le document de l'institution monétaire. Elle atteint les 4,97 % en juin 2015, contre 1,6 % en septembre 2014 et 2,92 % en décembre dernier. La hausse des prix à la consommation est quant à elle tirée essentiellement (à 61 %) par le groupe « alimentation et boissons sans alcool ». C'est en particulier le cas pour les produits agricoles frais, qui représentent 72 % de l'inflation alimentaire et 43,92 % de l'inflation globale. Les prix de la pomme de terre sont notamment responsables de 19,1 % de l'inflation globale et 31,31 % de l'inflation alimentaire, détaille la Banque d'Algérie. Réduction des liquidités bancaires et hausse des crédits à l'économie Les banques algériennes sont connues pour disposer d'importantes liquidités. Dans leurs globalités, elles se sont établies à 2 104,96 milliards de dinars à la fin juin 2015, en net recul par rapport à la même période de l'année dernière (2 730,88 milliards). Ceci est lié à la forte réduction des dépôts du secteur des hydrocarbures. Cela dit, la Banque d'Algérie affirme vouloir poursuivre son effort de réduction de « cet excès de liquidité », notamment grâce à des « reprises de liquidités ». Par ailleurs, les crédits à l'économie ont continué de progresser durant le premier semestre 2015, avec une hausse de 8,7 %, selon la Banque d'Algérie. Cette dernière estime que « ce rythme ne semble pas être soutenable sans recours (...) au refinancement auprès de la Banque d'Algérie ». Dans le détail, les crédits à l'économie ont augmenté de 8,55 % en faveur du secteur public contre 8,58 % à destination du secteur privé. * facebook * twitter