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Les mosquées ou les bars : vers où nous pousse l'Algérie ?
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 01 - 12 - 2016

Malheureusement, il est plus que fréquent de rencontrer aujourd'hui, en Algérie, dans toutes les circonstances, des personnes pour qui l'enseignement du savoir-vivre, savoir-être et du savoir-faire a été fort incomplet pour faire face aux vicissitudes imposées par la vie et les tribulations qui en découlent, l'auteur inclus.
Dans un mois, nous serons en 2017. Good to know ! Une nouvelle année, que l'on sait sans grand effort, riche en mauvaises surprises, et qui s'invite avec un fouet dans une main, une corde dans l'autre ; le premier pour flageller tout un chacun qui n'aurait jamais pensé à engraisser sa caisse d'épargne, le second, pour faire la courte échelle aux plus neurasthéniques afin de se donner la mort par strangulation, et ce, de la manière la moins chère qui soit.
Tout le monde l'a donc compris : nous fêterons le 31 décembre prochain le réel début des années de vaches maigres Que faut-il donc faire ? Peupler les mosquées ou les bars ? Les Algériens, découragés par des difficultés sans cesse renaissantes et par des pertes qu'ils ne pourront réparer, seront donc, en quelque sorte, divisés en deux catégories ; ceux qui ont déjà acheté leur Sahih Al Bukhari dans l'espoir d'y trouver les Hadiths qui, une fois récités dix ou cent fois par jour, selon les prédicateurs, convoquent les anges chassant le mauvais sort ; ceux-là risqueront d'épuiser très tôt leurs réserves monétaires en dépensant leur argent sur toutes les éditions existantes sur le marché. Et puis, il y a ces Roger-Bontemps qui s'essaient déjà au mauvais alcool, quoique le prix des boissons spirituelles n'a connu aucune hausse les dernières années.
Qui dit un peuple divisé, dit affrontement. De quelle manière se traduira-t-il sur le terrain ? Les possibilités sont légions, mais il faut d'abord s'attendre à de moult manifestations réclamant la fermeture des bars ou carrément l'interdiction d'importation d'alcool ; chose impossible à concevoir tant l'anthropologie démontre qu'aucune société humaine n'ait existé sans laisser proliférer en son sein le commerce des boissons enivrantes. Pour saisir les véritables rapports qui lieront ces Algériens, il faut réunir ces deux façons de voir et de juger avec le contexte social qui se proposera comme une scène de théâtre ; isolés du contexte, non seulement on réussira à n'expliquer que le superficiel de la chose, mais de plus, l'on dénaturera le phénomène en le présentant sous un angle inadéquat. En réalité, quelque soit le contexte, cet affrontement ne sera que symbolique, car lorsque les manifestants, peuplant les rues, les pochards, quant à eux, seront dans les forêts, dans les périphéries, ou même chez eux si maman et enfants se trouvent être parmi les protestataires : ils ressembleront aux lignes asymptotes qui s'approchent toujours l'une de l'autre sans jamais se réunir ou se confondre.
A mesure que l'on avancera dans l'espace-temps 2017, les faits se multiplieront, les évènements s'offriront environnés de toutes les circonstances qui peuvent les expliquer. Plus on se rapprochera de 2018 plus les rapports qui lient le passé au présent deviennent intimes et nombreux, et l'on saura peut être le pourquoi du comment d'une situation qui aura amené certains à opter pour la bouteille alors que d'autres pour le chapelet. Passe encore, comme dans un temps de famine tout le monde demande : du pain ! Ce genre de clameurs exprime à la fois l'impuissance et le désir, mais aussi le regret. Le regret de n'avoir pas assez travaillé, de n'avoir pas su pour qui voter, et peut-être, comme dans notre cas, de n'avoir pas quitté l'Algérie à un très jeune âge.
Au milieu de ces sentiments, va naître un conflit de reproches et de récriminations les unes plus odieuses que les autres ; les idées vont se confondre, les termes se dénaturer, et plus personne ne se demandera : pourquoi sommes-nous arrivés là ? Toutefois, cette question méritera bel et bien une réponse, car sans verdict indubitable à une telle interrogation, les Algériens seront amenés à condamner les autres sans raison ou exiger d'eux l'impossible.
Bon nombre d'observateurs prévoient une chute enfers, ce qui est logique, mais pas nécessairement inéluctable disent les plus optimistes. Comment donc cette déconfiture va-t-elle impacter les habitudes comportementales des Algériens ? Notez simplement que les expériences du passé ne nous fournissent guère de matière à prédire. Car, contrairement à la physique et à la chimie, où l'on peut reproduire les faits à volonté et tendre vers une exactitude sans faille, le chercheur en sciences sociales s'arme, en étudiant le processus sociétal, d'un dictionnaire exempt du mot certitude. Et un fait peut être lié à d'autres faits comme effet ou cause, et ce, de mille manières différentes. Si, par exemple, dans les années 90' le nombre de barbus et de femmes voilées s'est élevé de façon exponentielle, parallèlement, une bonne partie de la population continua à écouter Serbi Serbi de Khaled, ou Moul Lbar de Cheb Zahouani, sans se voir marginale. Ce qui s'élève donc d'un côté ne s'abaisse pas forcément de l'autre. Quels facteurs détermineront le penchant des uns et des autres ? La marche des passions, les signes caractéristiques des vices et des vertus, la nature du gouvernement, les bons et les mauvais effets des institutions sociales, les tempéraments personnels et l'éducation, etc.
L'école algérienne prépare-t-elle de futurs pochards ou d'éventuels cheikhs ?
Le système scolaire a changé, ainsi que les méthodes employées au sein de l'école. On serait maladroit si l'on essaie d'étudier l'impact de l'école sur les individus qui, en 1990, avait 18 ans, avec les lunettes d'aujourd'hui, sur une jeunesse qui n'était pas encore née en cette date bouleversante. Le contraste est peu révélateur.
Le contenu des manuels scolaires n'est pas aussi crucial qu'on se plait à le croire. Une fois à l'intérieur de l'école, l'élève se trouve dans un univers qui est presque à l'image de la société. Violences verbale, physique et symbolique. La cours de récréation n'est qu'un prolongement d'une rue dont la violence n'épargne personne. Ainsi, l'école est devenue une institution qui produit très exactement l'inverse de ce que l'on est en droit de réclamer. Il est vrai que l'école doit être à l'image de la société pour ne laisser place à aucune forme de ‘schizophrénie' ou de dysfonctionnement résultant d'un choc, fruit d'un creux existant entre deux univers entre lesquels l'enfant doit bourlinguer quotidiennement. Or, la société algérienne est malsaine, et c'est par là que toute réforme doit commencer. De quelle manière ? Personne n'est assez instruit pour le savoir.
Constat : les élèves sont de plus en plus de nature festive. Comme le montrent certaines vidéos sur Youtube présentant des adolescents danser en classe sur des rythmes du Raï, du Chaoui, etc. Ici, il n'y a aucune inquiétude à se faire. Ce n'est que l'effet American Pie. Et d'un côté, c'est rassurant : on sait déjà que, au lieu d'aller au maquis et risquer leurs vies, ils préfèreront rester scotchés à leurs canapés en écoutant Mazal kayen l'espoir en guise de consolation.
Que produit la corruption ?
Ce mot a fait une grande fortune dans les trois dernières décennies. Le terme est devenu une espèce de talisman qui, une fois prononcé, suscite des effets prodigieux. Que fait-on lorsqu'on l'entend ? En sachant que toutes les impressions que nous recevons ou nous modifient ou nous affectent de quelque manière que ce soit. Lorsqu'un Algérien est attablé dans la terrasse d'un café, et que l'on vient lui raconter la toute dernière nouvelle, le Maire, par exemple, aurait accordé un traitement de faveur à une telle personne. Comment cet Algérien va-t-il réagir ? D'abord, très probablement, il terminera son café parce qu'il coûte de plus en plus chère. Et puis, ira-t-il apaiser son irritation dans la mosquée la plus proche ou bien le bar le plus lointain ? De même qu'il est probable qu'il n'opte pour aucune de ces deux options diamétralement opposées, il peut également les adopter toutes les deux : après l'Ichâa, faites tout ce qui vous passe par la tête ! On pulvérise de ce mot tous les raisonnements et les sensations possibles. Certains peuvent se couvrir d'un ridicule ineffaçable en se voyant incapable de faire l'objet d'un acte de corruption compte tenu qu'ils n'ont rien à accorder ou à offrir en échange, certains d'autres, en même situation, donnent à leur propre faiblesse l'honneur de la force, l'égard de la résistance à la triste nécessité de corrompre.
Les Algériens sont devenus sensibles à ce mot, et paradoxalement, tout le monde l'utilise ; politiciens, acteurs de cinéma, anciens footballeurs, chanteurs et citoyens ordinaires. Or, la sensibilité peut séduire, égarer et corrompre la raison. Et là aussi, personne n'est assez clairvoyant pour éclairer la question ou prétendre à poser les bases d'un travail de réflexion précautionneux.
L'unique point commun : la ‘méconnaissance'
Les Algériens ne savent ni prier congrûment, ni picoler décemment. A feuilleter tous les petits livres consacrés à apprendre aux musulmans comment faire la prière, on se rend très vite compte que, selon les auteurs, une majorité écrasante des musulmans n'accomplit pas l'acte de la prière convenablement tant qu'il y a, toujours selon les Oulémas, mille et une chose à apprendre concernant l'ablution, la prosternation, la récitation des textes, etc. De l'autre côté, il y a ces vive-la-joie qui n'ont jamais levé le coude pour un ou deux verres, mais plutôt, qui préfèrent s'inscrire dans une sorte de dualité avec la bouteille jusqu'à la vider et sortir hurler dans les rues comme le faisait autrefois l'échanson d'Abu Nawas. Une question s'impose : que sait-on faire excellemment en Algérie?


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