Alors que des informations non démenties faisaient part de l'ouverture d'une enquête judiciaire militaire contre cinq généraux-majors, Lahbib Chentouf, chef de la 1re Région militaire (RM), Saïd Bey, commandant de la 2e RM, Abderrazak Cherif, chef de la 4e RM, Boudjemaa Boudouaouar, directeur des finances au ministère de la Défense nationale, et Menad Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale, dimanche soir, des perquisitions ont été opérées aux domiciles de ces derniers sur ordre du procureur près le tribunal militaire de Blida. Hier matin, le général-major Ahcène Tafer, commandant des forces terrestres, le général-major Abdelkader Lounes, commandant des forces aériennes, le général Remili, directeur de la Caisse de sécurité sociale (militaire) ont fait l'objet d'une mise à la retraite et de fin de fonction. Depuis samedi soir, pour ne pas dire depuis un mois avec les changements opérés au niveau du commandement des Régions militaires et des forces armées, la muette fait trop de bruit autour d'elle. Ce qui s'est passé durant cette fin de semaine est surprenant et suscite de lourdes interrogations. Les perquisitions de dimanche soir ont fait l'effet d'un séisme. Il faut dire que les mis en cause pèsent très lourd et certains d'entre eux sont connus pour être des plus fidèles au chef de l'état-major de l'Anp et vice-ministre de la Défense nationale, le général-major de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Leur mise à la retraite a été d'ailleurs une surprise. Tout a commencé il y a quelques jours. «Des informations ont circulé sur une enquête que la Présidence aurait demandée sur l'enrichissement suspect de certains gradés de l'armée. Le chef de l'état-major de l'Anp ne pouvait rester en marge de cette action, d'autant que l'affaire Kamel Chikhi a fait tomber deux généraux-majors, qui lui étaient très proches, et certains noms d'autres gradés étaient sur la liste. De plus, il ne faut surtout pas oublier que l'ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, a porté des accusations très graves et tout le monde sait qu'elles étaient plus dirigées contre Gaïd Salah que contre le patron de la Gendarmerie nationale. Pour le vice-ministre, il fallait qu'il anticipe sur les événements et lance lui-même une opération d'assainissement», expliquent nos interlocuteurs. C'est ainsi que le procureur du tribunal de Blida est saisi et les cinq généraux-majors sont priés de ne pas quitter le territoire national. «Mais vendredi dernier, le général-major Saïd Bey, qui avait en main une prise en charge pour des soins à l'étranger signée par la caisse militaire depuis des semaines, s'est présenté à l'aéroport où tout le monde le connaît. Il est parti sans aucun problème avec ses papiers en règle. D'ailleurs une fois arrivé à destination, il a eu vent des rumeurs sur cette affaire d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national, ndlr), il est revenu le lendemain. Mais les événements se sont accélérés. L'ISTN est devenue effective pour les cinq généraux-majors dès samedi, et le soir même, des perquisitions ont été opérées à leurs domiciles en présence de leurs familles», révèlent nos sources. Vingt-quatre heures plus tard, le responsable de la police des frontières à l'aéroport Houari Boumediène est relevé de son poste et le directeur de la Caisse de sécurité sociale militaire, le général Remili, est radié des rangs de l'armée. La muette reste murée dans un silence de marbre. Hier matin, d'autres changements sont tombés comme un couperet, alimentant davantage les rumeurs. Le CFT (commandant des forces terrestres), le général-major Ahcène Tafer, est admis à la retraite, il est remplacé par le général-major Saïd Chengriha, qui était à la tête de la 3e Région militaire, dont le commandement est confié au général-major Mustapha Smaili. Il faut dire que le poste très convoité de CFT a de tout temps été un tremplin pour l'accession au commandement de l'état-major de l'Anp. Le général-major Abdelkader Lounes, commandant des forces aériennes, connaît lui aussi le même sort et cède son poste au général-major Mohamed Boumaaza. Il en est de même pour le général Zenakhri, secrétaire général au ministère de la Défense, qui se voit remplacé par le général Abdelhamid Ghris. D'autres changements ont touché la direction du matériel et certains départements au ministère de la Défense. Jamais l'institution militaire n'a connu un mouvement aussi large en un laps de temps aussi court. Pour nos sources, «ces changements ne sont pas du seul fait du chef de l'état-major, mais aussi de la Présidence. La liste des gradés à enlever ou à placer ne peut être validée sans l'accord d'El Mouradia, où des retouches et des corrections sont souvent apportées. Mais, depuis l'affaire de Kamel ‘‘le Boucher'', les choses ne sont plus les mêmes et les centres de décision ont bougé. Etant lui-même pointé du doigt par une importante personnalité, comme le patron de la police, le chef de l'état-major se devait de passer à l'action, quitte à sacrifier quelques-uns de ses proches collaborateurs et sans prendrede gants. C'est ce qui s'est passé avec les cinq généraux-majors dont les domiciles ont fait l'objet d'une perquisition n'ayant abouti à aucun résultat pour l'instant», concluent nos interlocuteurs. En tout état de cause, ces nombreux changements à la tête de l'armée, mettent celle-ci au-devant de la scène politique, et augurent probablement l'isolement, voire la fin d'un règne d'un chef d'état-major qui détient, désormais, le record du nombre d'années à ce poste.