Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    «Je reviendrai plus fort et meilleur qu'avant»    Un bilan qui promet    Lorsque le stratagème de l'ALN l'emporte face à l'arsenal militaire colonial    Décision de Paris de demander à 12 agents consulaires algériens de quitter le territoire français: Alger prend acte    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA donne rendez-vous au CRB pour une finale passionnante    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA élimine l'USMH (1-0, a.p) et va en finale    Réunion de coordination entre MM. Zitouni et Rezig pour atteindre les objectifs tracés    Diverses activités culturelles en célébration de la Journée du Savoir à Alger    Des partis et organisations affichent leur soutien à la décision de déclarer persona non grata 12 agents de l'ambassade et des consulats de France en Algérie    Jeux scolaires africains 2025 : l'Algérie fin prête à accueillir cet événement continental    Un groupe d'officiers stagiaires de l'Ecole supérieure militaire de l'information et de la communication en visite au Conseil de la nation    La crédibilité de la justice se mesure à l'aune du degré d'exécution des jugements civils et pénaux rendus    Le Secrétaire général du MDN reçoit le vice-président du Comité russe de défense et de sécurité    Le régime putschiste au Mali mène une politique hostile à l'égard de l'Algérie sans égard pour le peuple malien    Poste et télécommunications : M. Zerrouki inaugure et met en service, dans la wilaya de M'sila, plusieurs projets relevant de son secteur    Belmehdi souligne le rôle de la fatwa dans le renforcement du référent religieux et la préservation de l'identité nationale    Accidents de la route : 46 morts et 1943 blessés durant le mois de Ramadhan    Des pluies orageuses sur plusieurs wilayas du pays mardi et mercredi    Début des travaux du forum d'affaires algéro-chinois    L'Algérie obtient avec brio un siège au Conseil de paix et de sécurité de l'UA    Journée d'étude sur la a complémentarité institutionnelle au service du processus législatif    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    L'OPGI relance les retardataires à Relizane    Des demi-finales et une affiche    La corruption est partout dans le royaume    «Une feuille de route inspirante, qui incite au travail et ravive l'esprit national économique»    Participation de 12 œuvres cinématographiques    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    L'exposition "le patrimoine algérien à travers un regard belge", un hommage à Edouard Verschaffelt    Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue impliquant le Maroc    Vers l'installation d'un comité technique restreint, chargé de déterminer la répartition des quotas    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    Tirer les leçons de la crise de 1929 et celle de 2008    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Livre : Jean-Pierre Filiu et les promesses du Hirak algérien
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 05 - 02 - 2020

Dans son essai « Algérie, la nouvelle indépendance », l'historien explore la « guerre d'usure » entre le régime et le mouvement de protestation.
Par Frédéric Bobin Publié lme 04/02/2020 à 19h00, mis à jour à 09h19
https://www.lemonde.fr/afrique
Le titre scintille comme une lueur d'espoir dans le sombre des nuées. Dans Algérie, la nouvelle indépendance, Jean-Pierre Filiu, prolixe pédagogue des soubresauts du monde arabe, veut rompre avec la sinistrose entourant les poussées émancipatrices dans cette région du monde. L'historien avait démonté dans un précédent ouvrage (Généraux, Gangsters et Djihadistes, 2018) les ressorts d'une « contre-révolution » puisant dans l'héritage multiséculaire de l'élite prétorienne des mamelouks. Hors la Tunisie, les fossoyeurs des espérances de 2011 semblaient triompher partout dans l'aire arabo-musulmane (Syrie, Egypte, Yémen, Cyrénaïque libyenne…), où généraux et djihadistes s'étaient de fait ligués contre les aspirations de leur peuple. Aussi M. Filiu, devenu à son corps défendant chroniqueur d'un naufrage régional, n'a-t-il pas boudé son plaisir quand la bonne nouvelle du Hirak (« mouvement ») algérien a éclairci l'année 2019. Il en a tiré dans l'urgence ce nouveau livre, nourri de rencontres avec les protagonistes à Alger, Oran ou Constantine, et surtout d'une solide connaissance de l'histoire contemporaine de l'Algérie.Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Algérie, le mouvement populaire continue de défier le régime en place
Le 22 février 2019, le Hirak a surgi à rebours de tous les pronostics. On disait l'Algérie amorphe, apathique, tétanisée par la mémoire de l'extrême violence des années 1990 (la « décennie noire »). On la présentait comme enchaînée à la fatalité d'une soumission à un pouvoir machiavélique ou ne se rebiffant furtivement qu'à travers des émeutes sans lendemain. Or voilà qu'elle se dresse contre le cinquième mandat d'un président impotent, Abdelaziz Bouteflika – « l'humiliation de trop » –, avant de muer en soulèvement durable, radical mais pacifique, réclamant le démantèlement de l'ensemble du « système » ayant asservi le pays depuis l'indépendance. Un slogan résume la portée de ce mouvement, scandé par les rituelles marches du vendredi : « 1962, territoire libéré. 2019, peuple libéré ». Du « territoire» au « peuple », M. Filiu tente de décrypter cette quête d'une « nouvelle indépendance ».
Afin de rendre intelligible l'événement multiforme, il tire quelques fils, linéaments dont il remonte le cours comme autant d'affluents à explorer. La piste qu'il déchiffre avec insistance est celle de la réappropriation d'un patrimoine historique confisqué, à savoir la primauté du politique – et donc du civil – sur le militaire dans la lutte indépendantiste. Le dévoiement de la révolution se joue dès ce moment-là, dans les purges avant et surtout après l'indépendance de 1962, quand « l'armée des frontières » (Boumediène et Bouteflika) liquide la résistance intérieure. Comparée aux autres pays arabes, observe M. Filiu, « l'Algérie présente la double spécificité d'être le pays où la lutte pour l'indépendance a été la plus longue et la plus meurtrière, d'une part, et celui où le détournement de l'indépendance a été le plus rapide, d'autre part ». Ainsi s'est nouée cette captation du pays par une caste de prétoriens que l'on appellera plus tard les « décideurs » et dont l'obsession a toujours été de masquer sa prééminence derrière des hommes-liges. L'après-Bouteflika s'est conformé à la règle, mais le « replâtrage d'une nouvelle caution civile », écrit M. Filiu, n'a pas fini d'être défié dans la rue.Lire aussi A l'Ecole des beaux-arts d'Alger, le blues du Hirak
Dans leur résistance au changement, les « décideurs », qui ont cru pouvoir « acheter la paix intérieure » avec une rente pétrolière au « coût exorbitant » et aux effets psychologiques « délétères », buttent sur une nouvelle génération d'Algériens qu'ils connaissent si peu. Urbanisation, massification de l'enseignement universitaire, recul de la fécondité bouleversant la cellule familiale… Les attentes d'une jeunesse travaillée par « les aspirations à l'autonomie » heurtent de plein fouet la « pathétique sclérose de la caste dirigeante », selon l'auteur. Parmi les bataillons des marcheurs du Hirak, M. Filiu décrit notamment le rôle décisif des femmes, qui vivent une « réalité contradictoire où les facteurs indéniables d'émancipation [elles forment les deux tiers de la population étudiante] sont contrés par de puissants blocages d'ordre sociétal ». Il s'intéresse aussi à l'empreinte laissée sur le Hirak par les clubs de supporteurs de football, « le courant le mieux structuré » de la contestation et dont l'encadrement des marches n'a pas peu contribué à « maintenir [leur] caractère pacifique ».
Face à un soulèvement à ce point inédit, le pouvoir tente bien d'activer les vieux réflexes du conspirationnisme, « surjouant la confrontation, y compris linguistique [en appelant à promouvoir l'anglais au détriment du français], avec l'ancienne puissance coloniale ». Le Hirak, mû par un « nationalisme sourcilleux » et résolu à « laver le linge sale en famille », se garde pourtant bien de prêter le flanc au moindre soupçon de connivences étrangères. Dès lors, « une guerre d'usure » s'installe entre la rue et un régime « convaincu que le temps joue en [sa] faveur ». Et les « décideurs » n'ont pas encore abattu toutes leurs cartes. Dans un chapitre consacré aux « barbus en embuscade », M. Filiu s'inquiète notamment d'une possible manipulation autour d'un islamisme pourtant frappé de « décomposition idéologique ». « Après avoir joué les Arabes contre les Kabyles, les arabophones contre les francophones, le régime pousserait bien les islamistes contre les progressistes, met-il en garde. Il ne faut pas sous-estimer les risques générés par l'impasse politique dans laquelle les "décideurs" ont cadenassé le pays. » Pour l'heure, l'auteur veut néanmoins rester optimiste : « Jamais la promesse de la libération n'a semblé aussi accessible en Algérie. »
Algérie, la nouvelle indépendance, de Jean-Pierre Filiu, Seuil, 180 pages, 14 euros.
Frédéric Bobin


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.