Son élection est associée à la corruption politique El Watan, 30 décembre 2009 Le scrutin pour le renouvellement des deux tiers des membres du Conseil de la nation s'est déroulé dans l'indifférence générale. Comme les plénières de ce Sénat à l'algérienne du reste. C'est que pour l'Algérien « basique », le vocable « sénat » ou encore « conseil de la nation » sonnent comme des barbarismes. N'étaient les scandales à répétition d'achat éhontée de voix et le mercato politiques qui fait migrer des militants politiques d'un parti à un autre en violant parfois les frontières idéologiques, cette « élection » n'aurait sans doute pas arraché les manchettes des journaux. Mais ces pratiques sont tellement dégradantes et abjectes qu'elles doivent être servies à l'opinion pour qu'elle mette des visages et des noms sur ces gens qui vont, théoriquement, légiférer pour eux. Cette énième farce de l'électoralisme algérien censé servir de paravent démocratique, décline une image d'un pays peu soucieux de la représentation populaire, réduite à des strapontins mais à très forte valeur ajoutée. Quand on voit, en effet, comment des maires achètent des voix pour se faire adouber sénateurs, quand on assiste à cette Bourse des valeurs – politiquement moins sûre – où la voix d'allégeance est vendue en millions de centimes au nez et à la barbe des autorités, quand on sait le rôle échu au tiers présidentiel composé de thuriféraires du régime, on devine aisément les limites de ce Conseil. Qui mieux qu'un ancien et brillant sénateur – Mokrane Aït Larbi – pour juger du rôle de cette Chambre haute…de compostage des lois ! L'avocat, qui a fini par rendre le tablier à l'ex-président Zeroual, a confié à nos confrères de Liberté tout le bien qu'il pense du Conseil de la nation. « Je dois dire qu'au bout de trois ans, j'ai acquis une grande expérience. Cette fonction m'a permis de voir de près comment un sénateur peut gagner beaucoup d'argent sans travailler, voyager à l'étranger aux frais du contribuable sans apporter aucune contribution à la délégation, comment il peut être pris en charge dans un hôtel 5 étoiles à plus de 10 000 DA par jour même quand il possède une villa à Alger qu'il peut louer à des étrangers à 100 millions de centimes par mois, comment il peut aussi avoir un prêt de 100 millions sans intérêts, voyager par avion en first… ». Il est difficile d'en dire plus… Mais si Aït Larbi a préféré arrêter de jouir de ce confort royal aux frais des Algériens, certains maires sont prêts à mettre un milliard sur la table pour s'offrir une place au Sénat, au soleil naturellement. Le marché des voix de ces derniers jours faisant foi. Parce que, être sénateur ou député en Algérie, équivaut à un changement rapide de statut social, le bagage intellectuel en moins. C'est aussi un sésame qui ouvre grandes les portes aux entrepreneurs en mal de marchés, aux hommes d'affaires douteux et aux personnages à la réputation sulfureuse. Mercato politique Pendant six ans, les apprentis sénateurs apprennent leur « dur » métier qui consiste à lever une fois par mois son bras pour signifier son approbation d'une loi qu'il n'a – pour certains – jamais lue. Mais la vie dans la capitale permet de côtoyer la jet-set algéroise et de s'approcher des ministres et hauts responsables. Messieurs les sénateurs apprennent donc les bonnes habitudes et roulent carrosse pour se mettre à la mode « d'El Assima ». Quant à leur mission théorique, ils n'en ont cure du fait que les raisons ayant présidé à la naissance de ce Conseil ont disparu. La théorie darwinienne de la fonction qui crée l'organe ne se vérifie pas en Algérie. Bien que ce Sénat n'ait pas « pondu » une seule loi en 12 ans d'existence et n'a enquêté sur aucun des nombreux scandales qui ont éclaboussé les institutions et les personnages de l'Etat, cette institution « de crise » trône anachroniquement sur le paysage institutionnel. Un ancien sénateur du parti au pouvoir a même osé la comparaison avec les sénats des pays européens et les Etats-Unis pour appuyer – maladroitement – son maintien en Algérie ! Or, la mission du Sénat dans ces pays est exactement le contraire de celle du nôtre. Si en Europe ou aux Etats-Unis, cette institution sert de chambre d'équilibre qui plus est, peuplée de grands personnages flamboyants, contre « la dictature » de la majorité, chez nous le Sénat fait doublant avec l'Assemblée élue puisque les partis majoritaires y sont également les maîtres des lieux ! Résultat : il n'y a pas de place au débat contradictoire ni aux passes d'armes entre sénateurs politiquement fonctionnarisés. Alors que ce soit le FLN qui gagne cette fois ou le duo RND-PT, les Algériens s'en foutent royalement. Le Sénat en Algérie reste le même : une simple chambre de compostage des lois enregistrées à l'APN. Mais pour les forums étrangers, nos responsables peuvent toujours dire « nous avons un Sénat », histoire de se mettre à la page. Mais quel Sénat !