Le Soir d'Algérie 20 janvier 2010 En Algérie, la mortalité maternelle et périnatale constitue un problème majeur. Malgré les efforts consentis par le gouvernement et le programme national mis en place, le taux de mortalité maternelle et néonatale reste élevé, surtout à l'intérieur du pays. Irane Belkhedim – Alger (Le Soir) – La situation est dramatique et s'explique d'abord par l'état de santé de nos hôpitaux: anarchie, manque de moyens, absence d'hygiène, de spécialistes et de coordination entre les différents services, pour ne citer que ces quelques raisons. Réunies samedi dernier pour discuter de l'élaboration du statut particulier, les sages-femmes représentant différentes wilayas et affiliées au SNSFA (Syndicat national des sages-femmes algériennes) ont fait un constat alarmant : les Algériennes accouchent dans des conditions intolérables, surtout dans l'intérieur du pays. Les difficultés sont quotidiennes et interminables. Lutter contre la mort au quotidien Premières concernées par le suivi de la femme enceinte, de la grossesse à l'accouchement, les sages-femmes affirment que les conditions d'exercice sont inhumaines. «Nous faisons des curetages et des accouchements au forceps, alors que nous n'avons pas le droit de le faire ! Confrontées à des situations urgentes, nous sommes contraintes de réagir, sinon cela serait non-assistance à personne en danger !», témoigne une sage-femme qui travaille à l'hôpital de Chelghoum El Aid. C'est l'urgence du moment qui l'exige. Agir, c'est choisir entre la vie et la mort, même sans aucune couverture juridique. «Nous luttons chaque jour contre la mort. C'est horrible ! Notre établissement ne compte que des médecins généralistes, les deux gynécologues étant fréquemment absentes, pour congé de maternité !» «Elles sont parties toutes les deux pendant 18 jours !» Imaginez un peu les choses!», soutient une autre qui exerce à l'EHS de Bordj Bou Arréridj. Les cas urgents admis dans la soirée sont les plus pénibles car les sagesfemmes se retrouvent seules, sans spécialistes pour les soutenir, surtout que leurs prérogatives sont limitées. Elles doivent souvent faire de la débrouille. «Chaque nuit, les policiers se présentent à l'hôpital pour faire admettre des patientes et leur faire passer une échographie que le concerné refuse de faire !». Dans le sud du pays, la situation est intolérable. Une sage-femme de l'EHS de Ghardaïa raconte que le service maternité manque cruellement de moyens. Il n'y a pas de bloc, pas de gynécologues ni de moyens pour faire de l'échographie ! «Généralement, les femmes enceintes sont évacuées vers d'autres hôpitaux, faute de pouvoir les prendre en charge. Beaucoup d'entre elles meurent en cours de route car le centre le plus proche se trouve à Berriane, soit à 45 kilomètres ! Si elles sont prises en charge à temps, il n' y aura aucune raison pour qu'elles décèdent». Elle ajoute que l'anarchie règne dans l'établissement et que souvent les sages-femmes sont montrées du doigt, car les premières accusées. Pourtant, elles n'ont pas le choix ! «Cela fait mal au cœur mais ce sont des situations que nous vivons quotidiennement !». Pour le SNSFA, l'actuel statut limite l'intervention médicale des sages-femmes. A titre d'exemple, elles n'ont pas le droit de réaliser une échographie. Elles ne peuvent donc faire un bon diagnostic. Beaucoup d'entre elles n'ont pas été formées. L'échographie dépend d'autres services et engage d'autres spécialistes, ce qui réduit le rôle de ces femmes universitaires et les empêche de mener à bien leurs missions.