Par Ali Akika, cinéaste Les nuages s'accumulent et le tonnerre gronde au loin, ici et là, parce que les habituels maîtres du monde acceptent mal que des pays, des peuples leur résistent. Leurs «lignes rouges» faites de menaces guerrières ou bien d'embargo et autres coupures d'aide financière n'ayant plus d'effets, on sort la grosse artillerie de la glaciation nucléaire. On promet de réduire un pays asiatique en désert lunaire. On fourbit des plans pour envahir la Syrie pour cause de fiasco de leurs mercenaires. Ces puissants, ces bonnes âmes, on a envie de leur dire qu'il ne fallait pas miser sur de piètres cavaliers de l'apocalypse, ni sous-estimer un pays, des peuples de l'antique Mésopotamie qui furent à l'origine de l'écriture et de l'agriculture permettant ainsi à l'homme de sortir de l'état animal. Lequel pays, la Syrie d'aujourd'hui a noué des liens avec des alliés un peu plus crédibles et plus solides que vos obligés «amis-émirs» pataugeant dans les sables mouvants de l'ignorance et de l'intolérance. Maintenant que vos bras armés sur les champs de bataille voient le sol s'ouvrir sous leurs pieds, il ne vous reste que cette armée «médiatique» à vos ordres pour sonner les trompettes de Jéricho dans le secret désir de mobiliser l'opinion internationale. Hélas pour vous, comment atteindre un tel objectif quand depuis votre guerre en Irak, vous avez vendu des «armes de destruction massive» issues de votre fertile imagination, vous avez méprisé par votre ignorance l'histoire de la région, bref menti à une opinion qui peut dorénavant s'informer ailleurs par la «magie» de l'internet. Si on ajoute vos bizarres alliances avec des pays féodaux aux idées macabres répandues à l'aide de rayons de leurs ténèbres, vous comprendriez les réticences de l'âme et de la conscience des hommes qu'on ne peut berner tout le temps. Ainsi, avez-vous misé dis-je sur de mauvais chevaux de course qui ont profité du mouvement populaire de mars 2011, révolte nécessaire et légitime pour desserrer la main de fer d'un régime qui n'est pas tant s'en faut un modèle de démocratie... Ces mêmes cavaliers tapis au milieu de ce mouvement ont très rapidement constitué de véritables armées équipées d'armes redoutables et sophistiquées, fournies par qui ? Par vous et financées par ces féodaux qui ne savent quoi faire de leurs pétrodollars. Une armée de «révolutionnaires», de «démocrates» selon le vocable dont vous les affublez alors que les mots ont un sens précis. Difficile de croire à ce genre de baliverne quand on connaît l'histoire des révolutions. Des «révolutionnaires» qui se transforment à la vitesse de la lumière en une armée équipée de pied en cap et capable d'occuper de grandes métropoles ravitaillées en hommes et en armes par des frontières ouvertes à tout vent. Signalons au passage que ces frontières appartiennent à des pays qui déshabillent littéralement leurs citoyens avant de leur permettre de traverser lesdites frontières. Il est évident que ce n'est pas par idéal ou humanisme que vous vouliez aider ces «révolutionnaires» à instaurer la démocratie. L'explication est ailleurs et elle est simple. Une dictature pour vous n'est pas gênante du moment qu'elle vous ouvre les portes d'un commerce lucratif. Dans le cas de la Syrie, le régime ne fait pas l'affaire de beaucoup de ses voisins. Les pays féodaux hantés par la peur d'être contaminés par le «virus» des aspirations de leurs peuples agitent une bannière usée contre tous les mécréants et autres apostats pour maintenir la «pureté» d'une religion, une religion soit dit en passant qui n'a nullement besoin d'eux comme elle le prouve depuis 14 siècles. Cet infantilisme leur permet de créer et de nourrir des antagonismes religieux pour mieux faire oublier leurs sordides intérêts matériels et politiques au détriment des droits de leurs peuples. Quant à l'Etat d'Israël, il veut le démembrement de la Syrie pour garder le Golan après avoir, d'une façon gloutonne, avalé toute la Palestine. Il rêve de partager la Syrie en mini-Etat pour avoir la terre et un traité de paix, bref le beurre et l'argent du beurre, comme dit l'adage. Voilà le tableau peu reluisant du fiasco d'une armada de grands pays qui ont utilisé leurs ressources militaires, diplomatiques et médiatiques pour se retrouver impuissante face aux nouvelles données de la situation. Ces puissances occidentales ont non seulement affaire à d'autres puissances présentes sur le terrain (Russie et Iran) mais doivent gérer des crises à l'intérieur de leur coalition. Que faire entre le Qatar et l'Arabie ? Et la Turquie, la 2e armée de l'OTAN ayant des comptes à régler avec la Syrie datant de l'empire ottoman(1), bien décidée également à se débarrasser des Kurdes ? Et quelle attitude avoir avec Israël sans le froisser qui jure de faire capoter l'accord international sur le nucléaire avec l'Iran ? Les maîtres du monde qui avaient cru régler ses comptes à la «petite» Syrie pour faire plaisir à leurs amis de la région s'aperçoivent qu'ils ont joué à l'arroseur arrosé. C'est cette posture inconfortable pour eux qui risque de les faire glisser sur le champ de l'impensable, la confrontation entre pays détenteurs d'armes atomiques. La fureur des USA menaçant la Syrie d'invasion et de bombardements et les mises en garde de la Russie aux Etats-Unis de ne pas jouer avec le feu en touchant leurs soldats éparpillés dans les centres névralgiques de la défense du territoire syrien sentent l'odeur nauséabonde de bombes nucléaires. Cette tension se densifie jour après jour et Israël, et ce n'est pas un hasard, vient de reconnaître officiellement qu'elle avait détruit un site nucléaire syrien en 2007(2). Nous voyons que la situation se corse, se complexifie. Nous sommes passés d'une «simple guerre civile» pour se retrouver devant les dangers d'une confrontation internationale avec l'épée atomique de Damoclès au-dessus de l'Humanité. Tout ça parce que des nostalgiques de Laurence d'Arabie ne veulent pas reconnaître que les vents de l'Histoire ne soufflent plus selon leur bon plaisir et leur obscène désir. Après le fiasco du «romantisme» de pacotille de «révolutionnaires» en Syrie, ces mêmes cerveaux persistent dans leur erreur. Ils foncent droit dans un mur car ils se bercent d'illusions avec la fameuse théorie de la fin de l'Histoire oubliant que cette Histoire avec un grand H a encore dans sa besace bien de surprises pour à la fois calmer les ardeurs des belliqueux et émerveiller les hommes sur les beautés de la vie. Ils veulent faire croire que leur présence dans cette région est une assurance pour leur sécurité nationale et pour protéger leurs faibles amis. Tout le monde sait que les Etats sont des monstres qui n'ont pas d'amis mais des intérêts. On sait aussi qu'il y a plusieurs façons de garantir la sécurité nationale et l'approvisionnement d'un pays. Par la guerre de prédation des plus forts ou par la sagesse de la coopération et le commerce équitable et pacifique. Tout le reste n'est que bavardage de gens dont la parole envahit l'espace non par sa pertinence mais grâce aux moyens considérables déployés pour entrer dans les chaumières pour vendre des morceaux de cerveau à «Coca-Cola».(3) Oui de simples bavardages qui ont vanté «l'originalité» de «révolutionnaires» pour masquer leur nature idéologique et politique. Et prisonnier de leur philosophie du «Bien et du Mal», ils ont découvert hier des «islamistes modérés» comme «l'Armée de Syrie libre» massacrant aujourd'hui à Afrin aux côtés des Turcs les Kurdes abandonnés à leur sort et présentés comme de redoutables combattants contre Daesh. Il faut avoir un sacré toupet pour oser débiter tant de mensonges ou de naïvetés alors que la complexité des problèmes du monde nécessite à la fois de faire appel à l'intelligence de l'Histoire et à un minimum d'éthique pour éviter aux hommes de subir la loi de la jungle. Après l'Irak et la Syrie, il est temps de laisser les peuples de ces pays régler eux-mêmes les comptes avec leurs dictateurs. «Puisse ces contrées échapper enfin aux nombreuse tragédies qui ont éventré leurs terres, des terres qui sont la mémoire de l'Humanité symbolisée par la beauté des vestiges de villes antiques et des jardins suspendus, merveille des merveilles. A. A. 1) A la chute de l'empire ottoman (1922), la France a «généreusement» offert en 1939 la ville syrienne d'Alexandrette à la Turquie. La Syrie n'a jamais reconnu ce transfert de souveraineté par un pays étranger à un autre pays également étranger. 2) Ce genre d'information drapée du secret militaire est étonnant. Jamais Israël n'a reconnu ses opérations en territoire syrien. Le lendemain de la diffusion de cette info, les médias israéliens, se cachant derrière un institut de recherche stratégique américain, annoncent que des satellites ont révélé un nouveau site nucléaire syrien en construction. Bizarre, vous avez dit bizarre, comme dirait Jouvet répondant à Arletty dans le film Drôle de drame (1937). 3) Déclaration faite par le patron de TF1 reconnaissant explicitement le rôle néfaste de la publicité et la dépendance des médias aux groupes industriels et financiers.