Mohamed Mokri, le président de l'Association des diabétiques de la wilaya de Boumerdès (ADWB), est hors de lui. Sa glycémie est soudainement montée mardi. «Nous demandons à la Cnas de cesser cette hogra ! » dira-t-il à l'adresse de la Caisse d'assurance. Les motifs de cette colère sont multiples. Animant un point de presse lors de la journée scientifique et éducative qu'il a organisée mardi au Centre culturel islamique de Boumerdès, il a protesté avec véhémence. «La Cnas est en train d'appeler les médecins des malades qui ont pris des bandelettes en 2013, c'est-à-dire avant la décision de 2015, de réduire la prescription à une seule boîte de 50 bandelettes pour les diabétiques de type 2 exigeant de ses assurés de rembourser. Il est question de restituer entre 30 000 et 40 000 dinars. Certains assurés sont menacés de se faire retirer leurs cartes Chiffa s'ils ne payent pas. On applique l'austérité sur le dos des malades et de leur traitement. C'est scandaleux !» La chargée de la cellule d'écoute et de communication de la Cnas de Boumerdès, Lila Nédjari qui tenait un stand de la Cnas durant cette journée, nous a confirmé cette information. Pour défendre son employeur, elle a tenté de justifier cette décision disant que le contrôle médical se fait a posteriori et que la Caisse dispose d'un délai de 4 ans pour effectuer ce contrôle médical. Dans cette affaire de remboursement, la Cnas viole un principe de droit universel stipulant que la loi n'a pas d'effet rétroactif. «De plus, ce n'est pas le malade qui est responsable de la prescription médicale mais le médecin qui a plus de compétences que les administrateurs de la CNAS», pestera Mokri. En fait, la Cnas demande à ses assurés de rembourser le montant des bandelettes dument prescrites et servies bien avant sa décision unilatérale d'en limiter la prescription. De plus, visiblement, elle n'a convoqué aucun malade pour un contrôle médical approprié pour motiver légalement cette exigence de remboursement. Les diabétiques ne sont pas pris en charge à 100% Malheureusement, les reproches des diabétiques ne s'arrêtent pas à ce niveau. Contrairement à ce que proclament les pouvoirs publics et la Cnas, les diabétiques et d'autres assurés qui souffrent de maladies chroniques, généralement des retraités, ne sont pas pris en charge à 100%. «Nous constatons malheureusement le contraire de ce qu'affirme la Cnas», dira une personne malade depuis 20 ans, membre de l'ADWB. Notre interlocuteur ne manque pas d'arguments. «Je vous cite en premier lieu les médicaments. Les tarifs de référence ne correspondent pas aux prix payés. Logiquement, avec la carte Chiffa vous ne payez rien. Ce n'est pas le cas. Souvent, on nous demande de rajouter entre 1 000 et 2 000 dinars. De plus, le diabétique pourrait être atteint au niveau du cœur, des reins, des yeux, des pieds ou devenir hypertendu. Il y a, par conséquent, nécessité de subir d'autres examens chez des spécialistes comme ceux du cardiologue qui ne sont pas remboursés sinon sur des tarifs de références qui datent des années soixante. C'est-à-dire que le remboursement ne vaut pas les dérangements. Pour mon cas, depuis 5 ans je ne me fais rembourser aucune dépense. Je vous informe que dès la semaine prochaine, je dois faire un petit bilan et cela va me coûter 2 800 dinars qui ne seront pas remboursés. Il y a une semaine, j'ai déboursé 2 500 dinars pour une visite chez le cardiologue qui m'a fait un électrocardiogramme.» Toutes ces informations sont vérifiées. On nous cite, par ailleurs, le cas de l'hémoglobine glyquée qui est demandée régulièrement aux malades. Au niveau des laboratoires privés, elle coûte 850 dinars. Les hôpitaux refusent de prendre en charge les analyses des malades externes. Seul un laboratoire public de la ville de Boumerdès la pratique mais sur rendez-vous. A cela s'ajoutent des analyses que demandent les médecins pour surveiller la créatinine, l'acide urique, l'urée, les triglycérides, les trois types du cholestérol et d'autres examens de labo ou de radiologie en cas de complications. Comme les montants remboursés sont minimes et nécessitent des dérangements et des attentes, les malades assurés ne se déplacent pas pour se faire rembourser. Pour les démunis et non assurés, c'est le drame des complications qui les guette. 33 000 personnes atteintes du diabète à Boumerdès Comme à leur habitude, Mokri et les membres de l'ADWB ont réussi leur journée puisqu'ils ont ramené 6 professeurs et 6 médecins dans diverses spécialités qui ont donné des conseils aux malades venus en nombre au centre culturel. « Nous essayons de travailler régulièrement sur les 10 commandements du diabète pour sensibiliser les malades et empêcher les complications dramatiques. Il n'a pas manqué de saluer les efforts de la DSP de Boumerdès qui a ouvert, le 11 décembre 2017, la nouvelle maison du diabétique mais en même temps, il déplore le fait qu'une telle institution de soins, de dépistage, de sensibilisation et d'éducation ne soit pas implantée dans de grandes villes de la wilaya comme Khemis-el-Khechna, Bordj-Menaïel ou Dellys. «Nous saluons également les autorités de la wilaya qui ont facilité l'implantation, du 4 au 13 décembre 2017, du village du diabétique.» Pour rappel, durant cette session, 2 400 diabétiques ont subi gratuitement des examens approfondis. Dans le même sillage, les médecins bénévoles ont découvert 63 malades atteints du diabète. Ce nombre a été découvert sur 1 100 personnes qui ont franchi le pas pour passer à ce village où elles ont subi les tests de dépistage. Selon Mokri, la wilaya de Boumerdès enregistre 33 000 personnes atteintes de diabète et 800 nourrissons et enfants de bas âge ont le diabète. Pour une wilaya qui compte environ 950 000 habitants, ces chiffres sont préoccupants. Abachi L.