L'affaire dite des 701 kg de cocaïne a fortement éclaboussé le corps des magistrats. Plusieurs d'entre eux sont en détention préventive, et malgré la présomption d'innocence dont ils bénéficient, la section disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature vient de prononcer des révocations, selon notre confrère El Watan (édition du 10 juillet 2018). Qui juge qui ? Juges des affaires contre affaires des juges... Dans la plupart des Etats, la place et les fonctions de la justice sont définies par la Constitution. De nombreux textes constitutionnels reprennent ainsi les dispositions des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme pour proclamer l'indépendance de la justice, l'égalité de tous devant la loi ainsi que le droit à un procès juste et équitable. Le principe d'indépendance protège les institutions judiciaires des pouvoirs exécutif et législatif et constitue l'essence même du concept de la séparation des pouvoirs. La consécration de ce principe ne s'accompagne pourtant pas toujours de la reconnaissance de la justice en tant que pouvoir distinct par rapport à l'exécutif et au législatif. Certaines Constitutions qualifient la justice «d'autorité judiciaire», tandis que d'autres évoquent seulement la «fonction juridictionnelle» pour éviter les conflits de compétences entre les différents pouvoirs. Toutes s'accordent, cependant, du moins théoriquement, sur la nécessité de protéger sa neutralité, garante de son intégrité, et lui confèrent un rôle essentiel dans la prévention et la sanction de la corruption. Le principe d'indépendance ne se limite pas seulement à protéger les magistrats contre d'éventuelles pressions de l'Exécutif mais s'applique aussi à toutes les autres formes de pressions possibles. Dans beaucoup de pays d'ailleurs, les pressions subies par les juges, volontairement ou à leur corps défendant, sont d'origines diverses et ne proviennent pas seulement du pouvoir politique ou des autres pouvoirs constitutionnels. L'intégrité des magistrats, incompatible avec une quelconque forme d'allégeance au pouvoir politique ou à d'autres forces de pression, est consubstantielle à leur indépendance. Dans la pratique, en dépit de la consécration généralisée du principe d'indépendance du juge, on constate qu'il est possible de porter atteinte à sa neutralité par de nombreux procédés qui sont souvent liés à son statut. Il est donc essentiel que les magistrats, tout en disposant des garanties que la loi confère à tous les fonctionnaires, bénéficient d'un statut adapté à leurs fonctions. Prolifération du clientélisme, du trafic d'influence et de la corruption Les magistrats peuvent faire l'objet de pressions nombreuses pour favoriser une des parties en procès ou éviter l'application des sanctions prévues par la loi. Le juge peut être sollicité par l'autorité gouvernementale sous forme de pressions plus ou moins directes, soit dans des affaires à caractère politique, soit pour avantager des particuliers. Là où la séparation des pouvoirs n'est pas effective et chaque fois que l'Etat est omnipotent, le magistrat est exposé à des pressions qui favorisent le clientélisme, les dénis de justice et l'inégalité devant la loi. Dans la société algérienne encore fortement marquée par les valeurs de solidarité familiale ou tribale, les sollicitations pour éviter la rigueur de la loi sont entrées dans les mœurs. Elles favorisent la prolifération du clientélisme, du trafic d'influence et de la corruption. La corruption dans le système judiciaire mine évidemment la confiance des justiciables et la fiabilité de l'appareil judiciaire et finit par constituer un cadre de légitimation de l'injustice. Elle déstabilise l'Etat de droit, empêche le fonctionnement démocratique des institutions et constitue une menace pour la stabilité sociale et politique d'un pays. La réhabilitation de la justice constitue, par conséquent, une priorité absolue. Cette réhabilitation n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour... Djilali Hadjadj