Près de trois mois après le dépôt auprès du ministère du Travail de sa déclaration de constitution en syndicat, le Forum des chefs d'entreprises (FCE) attend toujours une réponse qui, selon la réglementation encadrant l'exercice du droit syndical, devait intervenir dans un délai maximum d'un mois. Le Forum des chefs d'entreprises (FCE) et son président Ali Haddad font depuis quelque temps profil bas, évitant les médias où la déclaration de constitution de l'organisation en syndicat fait débat à cause du retard accusé pour le traitement de ce dossier par les services du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. Une attitude qui contraste, faut-il le souligner, avec l'assurance affichée en janvier dernier à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire ayant statué sur la transformation du FCE – une association régie par la loi relative aux associations –, en un syndicat. L'enjeu est de siéger dans les conseils d'administration des différentes caisses de sécurité sociale. Ces organismes dans lesquels siègent les représentants des autres organisations patronales jouissent du statut de syndicat, encadré par la loi fixant les modalités d'exercice du droit syndical aussi bien pour les travailleurs que pour les employeurs. A titre d'exemple, trois syndicats de patrons à savoir la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA) et la Confédération algérienne du patronat (CAP) ont sept représentants dans le conseil d'administration de la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (Cnas) aux côtés des représentants des travailleurs (18 représentants l'UGTA) et de la fonction publique (2 représentants). Le FCE, qui est la plus importante organisation patronale du pays et chef de file des organisations patronales qui siègent dans la réunion tripartite où se prennent les décisions politiques régulant les relations de travail et qui réclame la réforme du système de sécurité sociale ainsi que le mode de gestion des caisses le composant, voudrait avoir un droit de regard sur la gestion de ces caisses justement. Et, pour ce faire, il fallait se transformer en syndicat. Même si le FCE dit que cela n'a jamais été la raison motivant sa volonté de se constituer en syndicat. «Le sujet de la transformation du FCE en syndicat occupait les membres de l'organisation depuis plus de dix ans mais, cette question d'intégrer le conseil d'administration de la Caisse de sécurité sociale n'a jamais été évoquée. L'avis prépondérant a toujours été de garder le statut d'association. Son activité était plus proche de celle d'un think tank qu'autre chose. Et, jusqu'ici, la majorité voulait que le FCE reste une association et une force de proposition. Par ailleurs, l'évolution de son statut est devenue une nécessité avec l'ouverture de l'organisation à d'autres chefs d'entreprises et son déploiement à travers le territoire national et à l'étranger. La constitution d'un syndicat s'est ainsi imposée comme la solution la plus adaptée à même d'assurer plus de représentativité à ses adhérents et, cette fois-ci, la majorité a voté pour la transformer en syndicat», nous a expliqué Salah Eddine Abdessemed, vice-président du FCE. Or, un impair administratif a valu le blocage du dossier d'agrément du FCE comme syndicat. Cela intervient dans un contexte politique où le rapport de force est vacillant et où les cartes se redistribuent au gré des alliances qui se nouent en vue de la prochaine présidentielle. D'aucuns estiment que ce blocage ne peut s'expliquer que par le lâchage de Ali Haddad qui bénéficie de sa proximité avec le frère cadet du président Bouteflika et qui faisait que toutes les administrations étaient coopératives avec lui ainsi que son organisation. Et, qu'un tel impair administratif n'aurait pas justifié le blocage de la demande du FCE si ses sponsors politiques n'étaient pas en perte de vitesse. En effet, la demande d'autorisation formulée par le FCE auprès de la Direction de la réglementation et de l'administration générale (DRAG) de la wilaya d'Alger en janvier 2018 pour la tenue de son assemblée générale extraordinaire ne mentionnait pas sa volonté à se constituer en syndicat. C'est ce qui a fait dire au ministre il y a quatre jours à Sidi-Bel-Abbès que la constitution des syndicats était garantie par la loi et que tout le monde devrait se conformer à cette loi. Une déclaration que certains jugent osée au vu de l'envergure politique du ministre. L'on se souvient du sort réservé à l'ancien ministre Abdelmadjid Tebboune pour avoir affronté publiquement Ali Haddad. Cette fois-ci, Haddad et le staff dirigeant son organisation n'ont pas voulu commenter la déclaration du ministre. Aussi, affirme-t-on que la présence du FCE dans les conseils d'administration des caisses de la sécurité sociale serait indésirable aussi bien par le Premier ministre Ahmed Ouyahia que par l'UGTA de Sidi Saïd, qui, jusqu'il y a quelques mois, était un fervent défenseur de Haddad. Quant aux affirmations des dirigeants du FCE justifiant le retard d'agrément de leur syndicat par la période des vacances, elles sont surtout contredites par les délais de rigueur imposés au ministère du Travail par la loi et qui sont de 30 jours. L'organisation et son président reste en tout cas dans l'expectative voir dans une franche inquiétude. Cela fait deux mois et trois semaines depuis le dépôt de la demande d'agrément – le 14 juin dernier selon Mohamed Baïri, vice-président du FCE—. En tout cas, le FCE poursuit ses activités associatives, annonçant une matinée débat pour le 13 septembre prochain à Paris sous le thème : «Les nouvelles dynamiques entrepreneuriales algériennes.» L. H.