La crise sans précédent qui secoue l'Assemblée tient en haleine tous les observateurs politiques du pays lesquels demeurent partagés dans leurs analyses sur l'issue probable que pourrait avoir un tel évènement. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Chaque jour qui passe apporte désormais avec lui son lot d'interrogations et de supputations sur les suites possibles du feuilleton en cours à l'APN. Son président, est comme on le sait, au centre d'une grosse vague de contestations émanant de 360 députés qui réclament son départ immédiat. Il lui est notamment reproché une «mauvaise gestion des affaires de l'Assemblée» et des prises de décisions unilatérales entravant le bon fonctionnement de l'hémicycle ». Cinq organisations politiques sont unies au tour du projet de destitution. A leur tête, les deux partis majoritaires, le RND et le FLN. Le secrétaire général de ce parti s'est montré particulièrement virulent à l'égard de Saïd Bouhadja exigeant son départ immédiat et inconditionné «par une porte de sortie honorable ». Une motion comportant l'ensemble des signatures des députés concernés a été adressée au mis en cause jusque-là décidé à ne pas se laisser «abattre» dans les conditions actuelles. Bouhadja surfe depuis sur la vague qui déferle à l'APN. S'il tente de résister de son mieux, ses attitudes et déclarations parfois contradictoires ont au contraire contribué à brouiller toutes les cartes. Jusqu'à hier, la lisibilité était encore nulle. Après avoir annoncé une première fois son intention de démissionner (peu après l'éclatement de l'affaire), il s'est vite rétracté et demeure campé sur une seule position : attendre la décision du président de la République, seul habilité, estime-t-il, à trancher dans une affaire aussi sensible. Plus d'une dizaine de jours ont passé sans que la décision émanant du plus haut sommet de l'Etat ne se fasse connaître. Bouhadja qui a longtemps insisté sur la confiance qu'avait placée en lui Bouteflika au moment de sa nomination refuse de se retirer… lorsque l'exigence provient de Ould-Abbès que l'on dit s'exprimer au nom des centres de décisions les plus restreints. Le président de l'Assemblée nationale n'ignore pas non plus que son affaire fait l'objet d'une large couverture de l'agence de presse gouvernementale (APS) traditionnellement silencieuse sur tous les sujets ayant un lien avec les conflits au sein des institutions de l'Etat. Depuis, les analyses se font plus aiguës et les scénarios se multiplient. Toutes les perspectives se basent naturellement sur la situation prévalant actuellement au sein de l'APN. L'une des premières conséquences est déjà en cours : les députés contestataires ont annoncé leur décision de geler leurs travaux au sein de l'Assemblée. Ce gel est en cours. Lundi, la cérémonie d'installation de la commission d'amitié algéro-zimbabwéenne n'a pu ainsi se dérouler. La moindre initiative ou tentative des députés non concernés par le mouvement est également soumise aux entraves des représentants du FLN qui veillent scrupuleusement à ce que les directives de Ould-Abbès soient bien appliquées. Ce dernier avait annoncé le gel des travaux dans le cas où la démission n'était pas annoncée. C'est le cas aujourd'hui. Les travaux de l'Assemblée sont bloqués. Les projections sont en cours. On s'interroge surtout : le président de l'APN finira-t-il par céder à la pression qui s'exerce et démissionner de son poste ? Dans le cas présent, la situation retrouverait son cours normal avec l'élection d'un nouveau responsable. Hier encore, Bouhadja affirmait publiquement qu'il attendait toujours la décision de la présidence de la République. Une surprise de dernière minute n'est cependant pas écartée. Et puisque dans le monde politique, rien n'est impossible, d'aucuns vont jusqu'à s'interroger sur les capacités du président de l'APN à pouvoir inverser la vapeur en s'attirant la sympathie d'élus pas très convaincus. A Tizi-Ouzou, des responsables du FLN lui ont, en tous les cas, déjà apporté un soutien public. La piste reste cependant vague et incertaine à l'heure actuelle. Tous les éléments militent en effet pour un autre scénario fréquemment évoqué par les acteurs politiques : le blocage total de toutes les structures de l'APN. Une telle paralysie induirait de ce fait une situation sans précédent dans le pays et pourrait mener inéluctablement vers la dissolution du Parlement. Pour le président du MPA (Mouvement populaire algérien), cette dernière possibilité reste la seule possibilité envisageable si Bouhadja (qu'il présente comme un homme sage) refuse de démissionner induisant ainsi un blocage total des travaux de l'hémicycle. Une question se pose cependant aujourd'hui avec insistance : combien de temps durera encore cette crise et jusqu'où pourra aller le bras de fer en cours ? La situation qui perdure depuis plus d'une dizaine de jours n'est pas pour apaiser la situation politique déjà tendue dans le pays. Au-delà de quarante huit heures, la persistance du conflit ne fera qu'accentuer le pourrissement et confirmer l'existence d'une réelle crise à un niveau plus élevé. D'où cette autre interrogation : la persistance du blocage sera-t-elle sans conséquence sur la bonne marche des préparatifs pour l'échéance électorale à venir ? A. C.