Selon l'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International, un lanceur d'alerte est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, révèle ou signale un état de fait mettant en lumière des comportements illicites ou dangereux qui constituent une menace pour l'homme, l'économie, la société, l'Etat ou l'environnement, c'est-à-dire pour le bien commun, l'intérêt général. Un lanceur d'alerte ou «whistleblower» est une personne qui attire l'attention de l'autorité compétente sur des comportements contraires aux règles, des abus ou des actions illégales (comme la corruption, les délits d'initiés, etc.) dont elle a connaissance. Un peu partout dans le monde, en Algérie aussi, les lanceurs d'alerte ont ainsi contribué à une meilleure information des citoyens et permis de prévenir scandales et tragédies, de préserver biens publics comme vies humaines et contribuent de manière plus générale au bon fonctionnement démocratique. Ils sont le dernier recours lorsque les contrôles sont défaillants, ils jouent un rôle fondamental dans la lutte contre la corruption. Ils sont très souvent la cible d'intimidations, de menaces et de représailles : licenciement, procès en diffamation, harcèlement, emprisonnement arbitraire… Ce qui est presque systématiquement le cas en Algérie, et l'actualité de ces dernières semaines en particulier est très parlante à ce sujet. Ils deviennent des personnes à protéger. Et l'alerte ? Mais de quoi s'agit-il plus exactement en matière d'alerte ? Une organisation intergouvernementale — le Conseil de l'Europe —, qui travaille sur cette question, en donne sa définition : «L'alerte concerne la révélation d'informations sur des activités qui constituent une menace ou un préjudice pour l'intérêt général. Les personnes lancent une alerte car elles considèrent qu'il doit être mis fin à ces activités ou que des mesures palliatives doivent être prises. Souvent il s'agit simplement d'informer les employeurs des agissements irréguliers dont ils ignorent l'existence et qu'ils s'empressent de corriger. Dans d'autres cas, les lanceurs d'alertes peuvent estimer nécessaire de contacter les organes réglementaires ou de contrôle, ou les autorités de répression compétentes.» Parfois les lanceurs d'alerte voudront rendre publics ces actes répréhensibles, le plus souvent pas le biais de l'internet et d'autres médias, ou en contactant des groupes de défense de l'intérêt général ou des parlementaires. Ce qu'il n'est pas Contrairement à ce qu'affirment ses détracteurs pour mieux le dénigrer, un lanceur d'alerte n'est pas : un espion, car il n'est pas à la solde d'une organisation et agit de façon désintéressée ; une taupe, qui chercherait chercherait de manière préméditée à nuire à son organisation, car le lanceur d'alerte est désintéressé ; un alarmiste, il ne cherche pas à attirer davantage l'attention sur sa personne que sur sa cause ; un dénonciateur, ni un délateur, ni un traître, ni un cafard ou un mouchard ; termes péjoratifs qui ne prennent pas en compte la notion d'intérêt public qui motivent l'action du lanceur d'alerte. Ce qu'il faut pour les protéger et les défendre Ce qui se fait maintenant depuis plusieurs années, un peu partout dans le monde, il y a nécessité de mettre à la disposition des lanceurs d'alerte une équipe d'experts (juristes, psychologues, avocats…) pour leur offrir un accompagnement personnel juridique, technique, psychologique, médiatique, financier et social et rompre leur isolement. Les lanceurs d'alerte, poursuivis ou licenciés, arbitrairement emprisonnés doivent affronter chômage, besoins sociaux et matériels et frais de justice. Il serait utile aussi de créer une caisse de secours pour pouvoir allouer une aide d'urgence aux lanceurs d'alerte en difficulté financière. Autre solution de fond : c'est aussi œuvrer à amender la loi, en mobilisant l'opinion publique. En matière d'aide juridique : Le conseil aux personnes souhaitant lancer l'alerte, l'accompagnement de ceux-ci dans leurs démarches, la publication de guides pour les lanceurs d'alerte, la rédaction de recours en faveur de ceux qui font d'ores et déjà l'objet de représailles ; En matière d'assistance technique : La mise en place d'une infrastructure sécurisée permettant aux lanceurs d'alerte de communiquer de manière sûre avec leurs «défenseurs » et les journalistes, et un conseil technique pour lancer l'alerte de manière confidentielle, voire anonyme ; En matière d'assistance psychologique : Des ateliers d'accompagnement collectif des personnes victimes de représailles afin de les aider à se réinsérer dans la vie professionnelle et faire face aux pressions ; En matière d'assistance médiatique : La médiatisation, au cas par cas, de lanceurs d'alerte ayant fait l'objet de représailles pour avoir lancé l'alerte ; En matière d'assistance financière : Un fonds de soutien d'urgence, et des campagnes de levée de fonds pour leur permettre de faire face aux coûts induits par les représailles dont ils font l'objet ; En matière d'assistance sociale : Toute action d'accompagnement des lanceurs d'alerte auprès des organismes concourant au service public de l'emploi, des entreprises, des administrations et organismes sociaux. Si les nombreux lanceurs d'alerte en Algérie subissent toutes sortes de représailles, une dynamique intéressante se développe pour les défendre où l'on retrouve des dizaines d'avocats, des journalistes, des internautes sur les réseaux sociaux, des militants de partis politiques, des ONG et des militants des droits de l'homme, etc. Pourquoi ne pas organiser davantage cette démarche citoyenne, voire la structurer, au-delà de la diversité de ses acteurs ? Un projet à construire… Djilali Hadjadj