La Russie a rapidement riposté, hier, à la décision annoncée la veille par les Etats-Unis de se retirer d'un traité bilatéral de désarmement nucléaire, en suspendant à son tour sa participation à cet accord crucial, au risque d'une nouvelle course aux armements. Les deux pays s'accusent de longue date mutuellement de violer ce traité INF signé à la fin de la Guerre froide, en 1987, qui abolit l'usage — par eux seuls — des missiles terrestres nucléaires d'une portée de 500 à 5 500 km. «Hier, les Etats-Unis ont suspendu leurs obligations dans le cadre du traité INF et enclenché le processus de retrait» : celui-ci «sera achevé dans six mois à moins que la Russie ne remplisse ses obligations en détruisant tous ses missiles, lanceurs et équipements qui violent le texte», a déclaré vendredi le Président Donald Trump dans un communiqué. «Nos partenaires américains ont annoncé qu'ils suspendaient leur participation à l'accord et nous la suspendons également», a réagi samedi Vladimir Poutine, ajoutant que Moscou ne prendrait plus l'initiative de négociations sur le désarmement avec Washington. «Nous attendrons que nos partenaires (américains) aient suffisamment mûri pour avoir un dialogue d'égal à égal et significatif avec nous sur cet important sujet», a dit le président russe au cours d'une rencontre retransmise à la télévision avec ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou. Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait quant à lui assuré que les Etats-Unis étaient néanmoins «prêts» à continuer de discuter avec la Russie «au sujet du désarmement», à condition que les résultats puissent être «mis en œuvre et vérifiés». Vladimir Poutine avait déjà menacé de donner son feu vert à la mise au point de nouveaux missiles de portée intermédiaire si les Américains renonçaient au traité INF. Il avait en outre évoqué le 18 décembre l'adaptation d'engins similaires jusqu'alors déployés en mer ou dans les airs -non interdits ceux-là- pour pouvoir être tirés à partir du sol. La décision de Washington permettra aussi aux Etats-Unis de moderniser leur arsenal. En rendant publique en février 2018 leur nouvelle posture nucléaire, ils avaient en effet prévenu qu'ils avaient l'intention de mettre au point deux nouvelles armes : un type de missile nucléaire de faible puissance, qui sera tiré d'un sous-marin, mais aussi un type de missile nucléaire de croisière qui, lui, violerait le traité INF. Fin 2018, le Président russe avait par ailleurs suggéré d'associer de nouveaux Etats à cet accord, s'adressant implicitement en particulier à la Chine qui s'est dotée de missiles dont le traité INF interdit la production. Pékin s'est, à cet égard, dit samedi «opposé au retrait des Etats-Unis» et a exhorté les deux signataires du traité à «régler leurs différends de façon appropriée par le biais d'un dialogue constructif». Début décembre, de Bruxelles et avec le soutien de l'Otan, Mike Pompeo avait donné à la Russie 60 jours, jusqu'au 2 février, pour démanteler ses nouveaux missiles violant l'accord aux yeux des Américains et de l'Alliance atlantique. Faute de quoi, il avait menacé d'entamer la procédure de retrait, qui s'étend sur six mois. La Russie avait pour sa part rejeté ces accusations «sans fondement», reprochant en retour à Washington de ne pas se conformer au traité INF et dénonçant la «stratégie des Etats-Unis» qui consiste selon elle à «s'affranchir de leurs obligations juridiques internationales». Les premières accusations de violations russes avaient été portées sous la présidence de Barack Obama, en 2014, et Donald Trump avait dès octobre évoqué une sortie de cet accord qui avait mis un terme à la crise déclenchée dans les années 1980 par le déploiement des SS-20 soviétiques à têtes nucléaires ciblant les capitales occidentales. Les nombreuses discussions des deux derniers mois n'ont permis aucun progrès et peu d'observateurs envisagent une percée d'ici au retrait définitif de Washington, début août. «La Russie a mis en danger la sécurité» de «millions d'Européens et d'Américains «et nous ne pouvons plus être entravés par un traité pendant que la Russie le viole éhontément», a clamé vendredi Mike Pompeo. Moscou a de son côté accusé vendredi les Etats-Unis de chercher son «épuisement économique», «via une nouvelle course aux armements». «S'il y a une course aux armements, c'est la Russie qui l'a lancée», a répondu un haut responsable américain.