Ils l'ont voulu, ils l'ont eu ce mouvement populaire pour exprimer de la plus haute voix le rejet d'un cinquième mandat de Bouteflika à la tête du pays. Mouvement de protestation dont la première manifestation est apparue aux yeux du monde le 22 février, avec les premières marches organisées de manière quasi-simultanée à travers pratiquement tout le pays, mais dont les germes sont apparus au grand jour dès le début du retrait des formulaires de souscription, le 20 janvier dernier, après la convocation du corps électoral deux jours plus tôt, lorsque, sur les réseaux sociaux, les Algériens exprimaient leur mal-être à la vue de la «qualité» des dizaines d'individus qui, sans qu'ils s'en rendent compte pour la plupart, banalisaient un acte de la plus haute importance que celui de prétendre à la présidence de la République. Depuis, c'est le monde entier qui a les yeux rivés sur l'Algérie et sa Révolution 2.0 que porte, notamment, une nouvelle génération à laquelle, sans doute, beaucoup n'accordaient pas autant de génie que celui dont elle fait preuve depuis plusieurs semaines maintenant dans la conduite d'un mouvement aussi «surprenant» comme le qualifient de nombreux titres majeurs de la presse de par le monde. Un mouvement populaire dont voici les faits marquants jusque-là. 20 janvier - Le mouvement Mouwatana, par la voix de Soufiane Djilali, fait état que plusieurs tentatives d'actions de rue, les premières du genre, dénonçant un nouveau mandat de Bouteflika sont bloquées par la police. 16 février - Des centaines de personnes, des jeunes pour la plupart, sortent dans les rues de la ville de Kherrata, à l'est de la wilaya de Béjaïa, pour ce qui sera la première grande manifestation de protestation contre le 5e mandat après des tentatives avortées dans quelques villes du pays dont Alger et quelques sorties de dizaines de jeunes à Sidi-Bel-Abbès et Bordj-Bou-Arréridj notamment. 17 février - Première manifestation de la communauté algérienne en France qui s'est donné rendez-vous à la place de la République à Paris alors qu'à Alger, Biskra et d'autres villes du pays, la fièvre du rejet du 5e mandat gagne les stades de football. 18 février - Des appels non identifiés sont lancés sur les réseaux sociaux, Facebook surtout, pour des marches devant avoir lieu à travers toutes les villes du pays, le 22 février après la prière du vendredi, pour exiger que Bouteflika ne se présente pas pour un nouveau mandat. Beaucoup se disent sceptiques sur cette action en raison du jour et du moment choisi pour la manifestation. La main des islamistes, suggèrent beaucoup de voix sur les réseaux sociaux et à travers la presse. 20 février - Alors que Nouredine Bedoui, à partir de Djelfa, avertissait contre les manifestations de rue, une immense foule prend d'assaut pour un rassemblement le parvis de la mairie de Khenchela afin de s'en prendre au zélé président de l'APC qui voulait interdire sa ville aux opposants au 5e mandat de Bouteflika 22 février - D'immenses rassemblements puis des marches sont tenues simultanément, après la prière hebdomadaire, un peu partout à travers le pays en réponse à l'appel anonyme lancé en début de semaine. Contrairement à ce qui était craint, les activistes islamistes, auteurs soupçonnés de l'appel, les Algériens ne les ont vus nulle part. Partout, c'est le même tableau qui a prévalu : des foules mixtes, bigarrées, entonnant des slogans nouveaux et empruntant d'autres d'une certaine époque sous le regard de policiers, certes rameutés en grand nombre, mais le bâton rangé, sauf en certains endroits dits sensibles de la capitale, à l'instar des quartiers riverains de la présidence de la République où ont été tirées des grenades lacrymogènes. 24 - 27 février - Les étudiants de nombreuses universités du pays se donnent le mot pour investir les rues des grandes villes. Ils sont des milliers un peu partout à rejeter le 5e mandat de Bouteflika et le système qu'il incarne. Des avocats de plusieurs barreaux du pays se rassemblent ou marchent chacun dans sa wilaya pour grossir les rangs des citoyens anti-5e mandat, alors que les acquis à la cause du président de la République ont, comme par enchantement, disparu de la scène qu'ils occupaient jusqu'à il y a à peine trois semaines. 1er mars - Incroyable déversement de flots humains sur les villes du pays. Des marées humaines, de l'avis même de la presse internationale pourtant très pointilleuse sur l'ordre de grandeur des manifestations. La capitale voit ainsi une foule que les anciens disent n'avoir pas vue dans d'aussi incroyables proportions depuis l'indépendance. Des images qui font le tour du monde, étayées par des commentaires soulignant le caractère pacifique des manifestants et leur opposition résolue à Bouteflika et son régime. 3 mars - Les universités du pays sont en ébullition alors que tout le monde a les yeux rivés sur le Conseil constitutionnel pour avoir le fin mot de l'histoire : Bouteflika sera-t-il ou non candidat à sa propre succession ? La réponse au dépôt de sa candidature par son directeur de campagne viendra, encore une fois, de la rue avec des manifestations nocturnes jusqu'à des heures avancées dans de nombreuses villes du pays. 4-5 mars - Les étudiants remettent l'habit des protestataires contre le 5e mandat et l'avènement de la IIe République avec des rassemblements, comme celui d'Alger, et des marches à travers tout le pays pratiquement. Les Etats-Unis, qui «soutiennent le peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement», et l'Union européenne qui a appelé au respect de la liberté d'expression et de réunion, apportent de l'eau au moulin des protestataires tournés, eux, vers le rendez-vous du 8 mars. Azedine Maktour