Le rituel de la mobilisation se poursuit, pour le sixième vendredi consécutif. S'il ressemble aux autres par l'ambiance toujours aussi festive et colorée, ce sixième acte de la révolution populaire frappe par la détermination toujours intacte et, surtout, grandissante de la population à maintenir la pression semaine après semaine jusqu'au départ du système et de tous ses symboles. Au lieu d'apaiser la colère, les déclarations faites la veille par les hommes et les partis, les plus farouches défenseurs de « la Bouteflikie », à l'instar d'Ahmed Ouyahia du RND, de Bouchareb du FLN, de Sidi Saïd de l'UGTA qui se sont engouffrés dans la brèche ouverte par l'appel du général Ahmed Gaïd Salah à la destitution de Bouteflika par l'application de l'article 102 de la Constitution que tous se sont évertués à vendre comme étant la panacée et la solution éclairée à la crise, ont boosté la mobilisation du peuple. Un peuple plus que jamais déterminé à rester dans la rue, faisant montre d'une lucidité et d'une vigilance à toute épreuve : le changement, ici et maintenant, est le credo de tous ces marcheurs qui ont rallié, dès les premières heures de la matinée la ville des Genêts venant des quatre coins de la wilaya. Beaucoup sont arrivés à bord de bus affrétés par certaines APC. 8h, Tizi Ouzou s'éveille à la protesta Il était 8h du matin quand les premiers manifestants dont beaucoup de femmes commencent à prendre possession des grands boulevards qui coupent la ville en deux pour rejoindre l'esplanade faisant face au campus Hasnaoua de l'Ummto, lieu d'où s'ébranlera la marche et où se sont déjà installés beaucoup de jeunes qui se sont improvisés en vendeurs de drapeaux aux couleurs nationales et de bannières amazighes. Il était 11h, lorsque les premiers carrés se forment. La foule grossit au rythme du chronomètre. Le centre-ville vers lequel affluent des marcheurs de toutes les ruelles périphériques, ne tardera pas à devenir noir de monde. Du carrefour du 20 Avril situé en face du campus Hasnaoua, jusqu'à l'entrée ouest de la ville, la procession humaine, compacte, donnant même l'impression d'être immobile, se confond avec la rue d'où montent les clameurs et les chants habituels de la foule mélangés aux klaxons des véhicules et les sons stridents des vuvuzelas. Quand l'appel de Gaïd Salah booste la mobilisation et la colère de la rue Aux slogans devenus désormais classiques, s'ajoutent de nouveaux qui enrichissent le glossaire des mots d'ordre et des revendications. Les hommes et les partis qui ont eu leur heure de gloire et leur fortune grâce à leur allégeance et leur soutien à Bouteflika, n'ont pas été épargnés par les mots et les cris de colère des manifestants. « Votre cupidité vous a perdus », « 57 ans de pillage, ça suffit ! », « Vos heures sont comptées ! », « Dégagez tous, vous avez failli ! », « Nous sommes unis, vous êtes finis », scandent les marcheurs qui ont été nombreux à dire leur rejet de l'appel lancé par le chef de corps d'armée, le général-major, Gaïd Salah. « Non à l'article 102, oui à l'article 7 (article de la Constitution qui stipule que le peuple est la seule source de pouvoir) », lit-on sur de nombreuses affiches et banderoles. « Gaïd Salah n'est pas fondé constitutionnellement à agir et à parler au nom de l'armée pour appeler à l'application de l'article 102 de la Constitution. Sa démarche révèle de manière caricaturale la vraie nature du système politique algérien dont l'armée détient la réalité du pouvoir », nous explique l'avocat et ex-député à l'APNHakim Saheb croisé dans la foule des marcheurs. S. A. M.