Ali Haddad est le premier à avoir été auditionné hier. Son nom ne figure pas dans le dossier des hommes d'affaires incarcérés dans le dossier automobile. Il doit répondre aux questions relatives au financement occulte de la campagne électorale pour le cinquième mandat. Ses révélations sont fracassantes, il cite nommément le frère conseiller de l'ancien président de la République, Saïd Bouteflika. Haddad avance à la barre. Le juge lui pose d'emblée la question : «L'homme d'affaires Ahmed Mazouz a déclaré ici vous avoir remis 39 milliards pour la campagne électorale de 2019. Comment se passait la collecte d'argent ?» Sans sourciller, l'ex-patron de l'ETRHB répond : «Saïd Bouteflika m'a appelé le 7 mars dernier pour me demander de l'aider à financer la campagne électorale, il m'a dit, d'autres ont déjà commencé à ‘'travailler'', il m'a demandé de contacter Abdelmalek Sellal et Benyounès.» «Mazouz vous a remis de l'argent ?» demande à nouveau le juge. Réponse : «Je ne sais pas pour Mazouz, mais Saïd Bouteflika m'a dit que d'autres avaient déjà commencé à contribuer financièrement.» Nouvelle question : «Où se trouvaient établis les comptes où devait être viré cet argent ?» Haddad ne répond pas. Les questions se font plus pressantes : «Vous étiez chargé de collecter l'argent pour financer cette campagne (…) quel était son montant ? Qui sont les hommes d'affaires qui ont remis de l'argent ?» Haddad cite alors deux noms d'hommes d'affaires : Mohamed Baïri, propriétaire du groupe Ival, et reconnaît cette fois l'argent que lui a remis Ahmed Mazouz propriétaire du groupe du même nom. Deux témoins sont appelés à la barre. Ils occupaient des fonctions de cadres au sein de l'ETRHB. Ils amènent un élément important : «Les comptes où était versé l'argent se trouvaient au niveau du CPA, ils ont été établis aux noms de Abdelghani Zaâlane et Abdelmalek Sellal.» Ils fournissent des détails sur les mouvements d'argent opérés. Leurs déclarations confirment celles de Ali Haddad. Ce dernier déclare à son tour : «Les sommes d'argent qui ont été versées ont atteint les 70 ou 89 milliards de DA, mais Saïd Bouteflika m'a appelé pour me dire qu'il avait eu une information selon laquelle il y avait 700 milliards.» Je lui ai dit que c'était faux (…) moi je pensais qu'il y avait 100 milliards, mais en fait il y avait 70 milliards.» Les déclarations suivantes de Ali Haddad et des deux témoins permettent ensuite d'en savoir plus sur le comportement de l'ex-conseiller du Président à ce moment. «Saïd Bouteflika m'a contacté, rapporte l'un des témoins, il m'a demandé de transférer l'argent ailleurs et de le cacher car il avait peur qu'il soit volé, il avait été informé que des évènements pouvaient se produire, c'est une époque à laquelle il était naturellement très informé de la situation.» Le juge : «Où a été transféré cet argent ?» Réponse de Ali Hadj Malek : «Nous avons sorti cet argent en trois fois, le premier montant transféré s'élevait à 120 millions.» Nouvelle question du juge : «Où est cet argent ?» L'ancien cadre de l'ETRHB répond : «Il n'en reste plus rien aujourd'hui ?» Le juge insiste : «58 millions de DA étaient destinés à payer la location du siège de la campagne électorale et 200 millions au mobilier.» «Il manque 6 millions de DA dans ce compte, où sont-ils ?» Puis, s'adressant à nouveau à Haddad, le juge demande : «Pourquoi 19,5 milliards se trouvaient à votre niveau ?» Le prévenu répond : «Nous avions peur que l'argent soit volé alors j'ai gardé cet argent à mon niveau, Saïd Bouteflika m'avait dit qu'un vol pouvait se produire.» Dans son témoignage, Mohamed Baïri avait déclaré que Ali Haddad avait procédé au retrait des dix-neuf milliards deux semaines après le déclenchement du Hirak. Le juge revient alors sur sa première question : «Vous avez été désigné par Saïd Bouteflika pour collecter l'argent du financement de la campagne électorale ?» Le prévenu répond : «Il m'a dit que les ‘'gens'' avaient déjà commencé à ‘'travailler''». Le juge lui adresse une dernière question : «L'homme d'affaires Arbaoui vous a remis 20 véhicules pour les besoins de la campagne ainsi qu'une somme de vingt milliards ?» Haddad : «Je n'ai jamais reçu ces vingt véhicules. Pour les besoins de mon groupe de presse, j'ai acheté quinze véhicules à Arbaoui.» Arbaoui est appelé à la barre : «Je n'ai remis aucun véhicule au profit de cette campagne.» A. C.