L'Algérie aura vécu, ce jeudi, l'une des étapes les plus cruciales de son histoire et, incontestablement, un tournant décisif qu'elle ne devait rater sous aucun prétexte, au risque de sombrer dans le chaos. Tel était tout simplement l'enjeu majeur de ce rendez-vous si attendu, si redouté aussi, du 12 décembre. Il fallait absolument, en effet, faire renouer le pays avec la voie constitutionnelle et lui éviter les risques certains de l'option opposée, une transition qui l'aurait entraîné dans une spirale infernale et sans doute fatale. L'armée avait pesé de tout son poids pour permettre ce retour à la normalité institutionnelle, avec l'élection d'un nouveau président de la République, garant de la stabilité et de la continuité des institutions de l'Etat, à plus forte raison dans un contexte de crise politique sans précédent qui frappe le pays depuis bientôt une année. Au bout d'un long et laborieux processus engagé dans un contexte extrêmement tendu, cette élection présidentielle du 12 décembre a donc eu lieu, sans incidents majeurs graves, et c'en est là en soi une réussite indéniable de ce scrutin. Avec un taux de participation de 39,33% à l'échelle nationale, l'élection confère au nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, la légitimité nécessaire pour entamer sa lourde mission, celle d'abord d'affronter une crise multidimensionnelle et avec bien des urgences nationales immédiates. Prioritairement, le nouveau locataire du palais d'El-Mouradia ne doit pas perdre de vue que toute une région, la Kabylie, n'a pas participé à son élection ni même pris d'ailleurs part au scrutin dans son ensemble. Abdelmadjid Tebboune devrait entamer son mandat par des messages forts et des mesures concrètes pour circonscrire ce fossé de confiance entre cette région et l'Etat, qu'avait aggravé son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika qui, faut-il le rappeler, ne s'était jamais rendu dans les deux wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa, lui qui avait pourtant sillonné le pays des dizaines de fois, en vingt ans de règne ! Ce règne justement et sa fin chaotique devraient inspirer le nouveau Président dans l'entame de sa prise de pouvoir pour prendre les décisions justes et rapides que réclame un pays malmené par une sévère crise politique et guetté par une crise économique tout autant menaçante pour la stabilité sociale et la pérennité de l'Etat. Dans une première sortie publique en sa qualité de nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune annonçait, hier vendredi, son intention de procéder à une profonde révision de la Constitution mais aussi, auparavant, la nomination d'un gouvernement «de jeunes compétences». Il va de soi que les Algériens vont juger sur pièce car il y a lieu de prendre connaissance d'abord de la nature de cette réforme constitutionnelle, ensuite un gouvernement de «jeunes» n'est pas nécessairement un exécutif compétent et efficace, l'opinion publique en Algérie étant désormais un acteur politique majeur. C'est dire que cette fin d'année 2019 est décisive pour tout le mandat de Tebboune et pour l'avenir immédiat de l'Algérie. Kamel Amarni