Après plusieurs mois d'interruption involontaire, à cause des difficultés vécues par l'association dont la majorité de son encadrement était incarcérée, l'association Rassemblement, action, jeunesse (RAJ) a repris ses forums à la veille de la célébration du premier anniversaire du déclenchement du mouvement populaire. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le siège de l'association RAJ à Alger a renoué, hier mercredi, avec les activités, en recevant à la 42e édition de son forum, intitulé «le Hirak, un an après, quelles perspectives ?» le sociologue Nacer Djabi, le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, et le responsable de RAJ à l'Université de Béjaïa, Yazid Kelou. Le grand absent à ces débats est le président de l'association, Abdelouahab Fersaoui, qui a entamé son cinquième mois d'emprisonnement à la prison d'El-Harrach, sans que son procès soit programmé. Au siège de RAJ, le maintien de Fersaoui en prison est incompréhensible, surtout que les autres membres de l'association incarcérés ont été tous libérés. Ils ont réclamé sa libération, ainsi que celle de tous les autres détenus du mouvement populaire. «Il n'y a aucune raison pour que Fersaoui ne soit pas là. Il a joué un rôle fondamental dans le travail fait pour la société civile. Malheureusement, le pouvoir ne veut ni le dialogue, ni la satisfaction des revendications populaires. Il veut casser le mouvement. L'incarcération de Fersaoui relève de l'arbitraire», a lancé Saïd Salhi, en dénonçant «l'acharnement contre l'association». Abordant la révolution citoyenne en cours, l'orateur a soutenu que «le 22 février, c'est l'œuvre des jeunes. Après une année de mobilisation, nous avons réussi l'essentiel : nous avons retrouvé notre dignité au moment où le projet du cinquième mandat était vécu comme une humiliation. Les jeunes du 22 février nous ont libérés. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait depuis un an. Nous avons repris confiance en nous», a-t-il dit. Le vice-président de la Laddh estime que le moment est venu pour passer à une autre étape d'organisation. Il a expliqué que le rapport de force est toujours dans la rue, ajoutant que la mobilisation dans la rue ne suffit pas pour faire aboutir les revendications. «Il faut passer à autre chose. Il faut une action politique et dégager les outils afin de traduire le mouvement dans un projet politique à même d'imposer une transition pacifique et négociée avec le système à travers une feuille de route consensuelle», a-t-il plaidé. «C'est le cap pour la nouvelle année», a-t-il affirmé. Le sociologue Nacer Djabi a dressé le bilan d'un an de mobilisation populaire. Il estime que sur le volet politique, peu de choses ont été réalisées. Sur les autres volets, beaucoup d'acquis ont été obtenus par le mouvement, à l'exemple de l'unité populaire face aux tentatives de division, la rupture avec l'image faite de l'Algérien avant le 22 février, la politisation collective de la société…, selon lui. Pour le reste, M. Djabi soutient que le pouvoir n'a aucune volonté de répondre aux revendications populaires. «Si le pouvoir continue à ignorer le mouvement, il aura affaire à un peuple ingouvernable qui pourrait adopter d'autres formes de protestation», a averti le sociologue qui accuse le système de ne pas prendre en compte les mutations qui se sont opérées dans la société depuis le 22 février 2019. A ses yeux, il y a un déphasage «dangereux» entre le système politique de plus en plus isolé et le peuple de plus en plus éveillé et politisé. «Il y a une seule solution à la crise : le dialogue avec le Hirak qui a des revendications claires et réalisables», a-t-il fulminé. Pour sa part, le responsable de RAJ à l'Université de Béjaïa, Yazid Kelou, a affirmé que le peuple algérien, à travers son pacifisme, a donné une leçon au pouvoir, d'abord, et au monde, ensuite. Pour lui, la nouvelle Algérie doit se bâtir sur deux moteurs essentiels : la connaissance et le travail. Il a appelé les étudiants à poursuivre la mobilisation et à se structurer dans une coordination nationale. K. A.