Enième commandement clando : tu n'échapperas pas au… coronavirus ! Du moins, et on l'espère, en tant que sujet de chronique… Sûr : pas moyen de faire autrement ! C'est que le fait est sérieux et prégnant. Il domine et de loin, et de haut, l'actualité. La satanée bête flanquée de ce nom bizarroïde de Covid-19, si minuscule qu'on est tenté de ne pas la calculer, met la planète sens dessus dessous. C'est le grand chamboulement. Par sa faute, le monde, qui avait déjà perdu une partie de la sienne, marche désormais sur la tête. L'Italie s'est transformée en un de ces déserts comminatoires qui ressembleraient à une zone d'occupation par les extraterrestres. Les images rapportées par les télévisions de Milan, par exemple, sont effarantes. Tout y est réglementé comme si la ville était en état de guerre. La pauvre Italie qui, au cœur de l'Union européenne, ne peut même pas compter sur les pays potes de l'Europe pour une aide sanitaire basique, fait face seule à la catastrophe. Ça fait cogiter sur l'Europe et ses grandes élégies ! Le Covid-19 fait le vide. Facile, mais vrai ! Il a incité le Président américain Donald Trump, qui n'attendait que ce déclic, à fermer les frontières de son pays aux ressortissants des pays touchés. Dans de nombreux pays, les avions sont cloués au sol. Il a provoqué un choc pétrolier. Il est à l'origine d'un krach boursier. La totale, quoi ! Mais surtout il fait souffler sur le monde hyperconnecté un vent de panique aux relents moyenâgeux. A des degrés divers, on a peur devant ce virus… primo-arrivant ! Il est tout nouveau, inconnu, étranger. On ne sait rien de lui. Ou si peu. Et en plus, il vient de Chine. C'est normal, c'est terrible. En France, par exemple, où le règne du néolibéralisme d'Emmanuel Macron et des banques était justement en train de démanteler le vieux service public hospitalier si caractéristique dans l'histoire sociale de ce pays, on prend conscience que, comme en Chine d'où le virus est parti en catimini, et où il a fini par reculer grâce au miracle chinois, on ne peut faire face à ce type de menace de masse qu'avec un système de santé fort et dédié au service public. Ça donne à réfléchir. Comme cela devrait donner à réfléchir sur des tas de choses. Notamment sur la nécessité de promouvoir les solidarités au lieu d'attiser les haines et les différends. Coronavirus-Hirak : en un combat douteux ? A propos du coronavirus, on en entend des vertes et des pas mûres chez nous où, hormis des petites minorités plus ou moins agissantes paradoxalement acquises au Hirak, on semble ne pas trop se sentir concerné. En guise de prévention, le gouvernement opte pour commencer par la fin, la fermeture des écoles et des universités. Les mosquées ? Aïe… Justement, tu touches là un point nodal. Une sorte d'« exégèse » à la noix circule dans les bas fonds irrationnels de la propagande intégriste pour faire croire aux très nombreux crédules parmi nous que le coronavirus est une malédiction divine infligée aux non-musulmans. Les musulmans, eux, nous dit cette imbécillité, sont protégés par leur religion. Et quand on retoque à cela que le pays qui a le plus de victimes du coronavirus est l'Iran, un pays musulman, on vous répond que la protection divine ne concerne pas les… chiites. Chouf ! Un débat parfois acide s'est engagé depuis le début de la semaine dernière sur les rapports entre le coronavirus et le Hirak. Le 56ème vendredi a connu quand même une grande affluence, en dépit des préventions de nombreux hirakistes de privilégier, en lieu et place du gouvernement dont c'est le rôle et la mission, la sécurité sanitaire nationale. D'autres, et visiblement la grande majorité des hirakistes, ne croient pas que le danger infectieux est suffisant pour stopper ou simplement atténuer le mouvement de protestation citoyenne ancré depuis plus d'une année dans une Algérie revenue de loin. Mieux : certains soupçonnent le gouvernement de ne s'intéresser à la pandémie que dans la mesure où elle permettrait que le Hirak se disperse, ce que rien ni personne n'est parvenu à réaliser depuis une année. Des journalistes qui ont couvert la conférence de presse consacrée par le ministre de la Santé au coronavirus sont sortis de la salle avec non seulement la certitude qu'il ne faut pas compter sur nos responsables dans l'hypothèse d'une aggravation de la situation, mais aussi avec la déprime aiguë. Et la conviction que c'est au Hirak de prendre en charge la prévention, l'éducation citoyenne, les solidarités pour faire face de conserve à cette chose horrible. Un vrai dilemme saisit le mouvement. D'un côté, il y a ceux qui craignent que l'interruption des marches pour des raisons de prévention avec le Ramadhan comme enchaînement finisse par éteindre le Hirak. De l'autre, on entend cette minorité qui voudrait préserver et le Hirak et la santé des Algériens en réfléchissant à des formes d'action nouvelles. A. M.