Partis en vacances de printemps plus tôt que prévu, nos potaches ne reprendront pas le chemin de l'école demain. Propagation effrénée du Covid-19 oblige, les parents d'élèves, les enseignants et même les syndicats se plient aussi devant ce cas de force majeure. Cependant, il est étonnant que le ministère de tutelle ne dise mot sur ce qu'il compte faire pour sauver une année scolaire qui risque de finir en eau de boudin : c'est-à-dire par la sanction de l'année blanche. Faute donc de s'exprimer et de rendre publiques les hypothétiques solutions qu'il envisage d'appliquer, ce ministère-là n'est-il pas en train d'inspirer de nouveaux griefs à ses dépens, les corporations syndicales toujours promptes à instruire des procès ? Certes, l'on est loin des chiffons rouges que ces derniers avaient l'habitude d'agiter au moindre impair, sauf que ce ministre a réellement manqué de réactivité face à la crise sanitaire ayant tout chamboulé dans l'habituel déroulement des cycles scolaires. Affirmer avec légèreté que l'année scolaire sera ratée par la seule faute d'un nouveau ministre semble tout à fait excessif pour peu que l'on replace dans leur contexte les conditions qui prévalent actuellement. Il est d'ailleurs significatif de s'intéresser exclusivement aux avatars de l'école algérienne lorsqu'il lui avait fallu attendre quinze années avant que le déni de réalité soit battu en brèche pour la première fois. En effet, de valses hésitations en concessions, tous les responsables de cette époque avaient joué aux apprentis sorciers. Dire par conséquent que le contrôle de l'école a longtemps été un enjeu politique primordial n'est sûrement pas abusif. A ce propos, il faut citer les nuisances idéologiques des deux dernières décennies qui ont contribué à saper les fondements d'une réforme décrétée seulement sur papier et mal conduite sur le terrain par un ministre médiocre et de surcroît souvent favorable aux thèses de l'enseignement religieux qu'il labellisa comme matière principale. Avec le lamentable bilan qui lui a été laissé en héritage, la ministre Benghabrit fut à son tour contrainte d'exécuter des tours d'équilibriste avant de pouvoir modifier le contenu de certaines disciplines pédagogiques. Après quatre années d'acrobaties politiciennes, elle ne put imposer que de modestes remarques concernant certains manuels. Un maigre inventaire qu'elle laissera après son inexplicable renvoi à la suite de la destitution du précédent chef de l'Etat. C'est dire que l'accession à la prestigieuse fonction de ministre de l'Education est, à l'évidence, émaillée bien plus de chausse-trappes qu'elle ne promet de grands satisfécits. C'est pourquoi dans cet exercice, périlleux en soi, les responsabilités concernant l'instruction publique auraient dû être sanctuarisées afin de les soustraire à la manipulation du lobbysme et notamment celui qui agit dans le pré carré du pouvoir d'Etat. En effet, sans cette immunité par rapport à tous les débats politiques, fussent-ils légitimés pour faire la loi, la refondation de l'école algérienne aura toujours du mal à aboutir. A ce propos, il suffit de rappeler les vaines tentatives dont les initiateurs étaient pourtant de brillants pédagogues. Toutes les résolutions dorment toujours dans les tiroirs poussiéreux de ce ministère rongé par la bureaucratie. Justement, de conférences en états généraux et de conclaves entre praticiens en symposiums pour les administrateurs, deux décennies s'étaient écoulées sans que le système éducatif ait pu se bonifier. Parfois même l'amorce de certaines réformes bénéficia de la médiatisation positive orchestrée par le pouvoir. Seulement, ce genre de promotion d'une «nouvelle école algérienne» fut impossible à mettre en œuvre à cause des chocs idéologiques qui opèrent en permanence au cœur du pouvoir. C'est de la sorte que les rentrées scolaires et les saisons d'examens se sont succédé et conclues sur les mêmes constats : un consensus qui est parvenu à faire du ministère de l'école un département terne dont la direction ne valait guère mieux qu'un sympathique ministère des jeux de boules. Mais alors que faire puisqu'il est temps de changer d'époque et de mœurs ? Certainement en appréhendant différemment son devenir en n'étant plus tributaire des pesanteurs de la bureaucratie qui ont fini par reléguer au second plan le volet pédagogique et la fonction cardinale de l'enseignant. Comme quoi, il est préférable de négocier avec «les marchands d'alphabet» plutôt que de chercher à satisfaire «les marchands de tapis de la politique». B. H.