A partir de cette semaine, ils seront nombreux � bivouaquer � proximit� de ce lieu de la controverse qu�est l��cole. Enseignants, fonctionnaires de tous poils et �videmment la grosse troupe de parents d��l�ves sont appel�s, chacun en ce qui le concerne, � r�ussir une rentr�e sans d�rapages ni bavures. Le contexte, dit-on, exige que l�on observe une tr�ve de la contestation et que cessent les critiques r�currentes, tout au moins jusqu�au lendemain du 29 septembre. On l�aura parfaitement compris, le pouvoir avec majuscule ne souffre gu�re les nuages et les pollutions de la revendication dans le ciel du pl�biscite. Fond�es ou pas, les grognes scolaires doivent demeurer dans les placards, le temps que s�organisent les feux d�artifice des urnes et que l�on sorte b�atement satisfait de la clairvoyance de nos dirigeants. Pour une fois, septembre 2005 sera un mois b�ni pour le ministre de l�instruction publique qui connut une dizaine de rentr�es autrement plus houleuses. Notre Jules Ferry local � qui ne pense pas � r�diger sa �lettre aux instituteurs se contentant de les �instruire� par l�injonction �, notre grand r�formateur, disions-nous, pourra sans crainte faire le tour du propri�taire des �tablissements et s�autod�cerner les titres de l�excellence dans l�indiff�rence g�n�rale. Les syndicats autonomes, contradicteurs traditionnels, ayant choisi la r�serve dict�e par le �contexte", il pourra aller � sa guise d�une �cole � un lyc�e et d�livrer le m�me la�us sur cette refonte qui avancerait � pas de g�ants ! C�est qu�avec lui, l��cole alg�rienne est une contr�e de lilliputiens o� de minuscules r�formettes sont c�l�br�es comme de m�morables avanc�es. Tant pis pour la v�rit� du terrain qui dit le contraire. Car la r�alit� d�crite officiellement n�a que peu de ressemblance avec celle dont se plaignent � la fois les praticiens et les parents. En effet, si cette �cole s��tait, v�ritablement mise � l�heure du changement, o� l�aurait su et per�u bien avant le clairon des pouvoirs publics. H�las, c�est l�inverse qui se d�roule, sous nos yeux, celui des insoutenables repl�trages de t�cherons visant � maquiller honteusement les faibles performances. L�exemple de ce tripatouillage nous est fourni par l�instauration d�une seconde session de l�examen d�entr�e en 6e. Il est r�v�lateur des errements bureaucratiques qui h�rissent tous les p�dagogues s�rieux. Comment, en effet, peut-on souscrire � une aussi grossi�re formule de rattrapage quand ce sont des bambins de 10-12 ans qui sont concern�s ? Autrement dit, comment est-ce possible une remise � niveau hors du cadre de l��cole apr�s trois mois de vacances alors qu�il n�a pas �t� possible de bien les accompagner six longues ann�es scolaires et sous la f�rule de leurs ma�tres ? Les vieux marchands d�alphabet devraient �tre invit�s � t�moigner devant cette h�r�sie p�dagogique qui va s�accomplir bient�t. En la mati�re eux, sauront mieux que quiconque expliquer pourquoi cette �valuation du premier palier scolaire ne doit souffrir d�aucun ersatz. Eux, savent d�exp�rience et de science qu�� cet �ge l�effet solitaire est au-dessus de la volont� d�un enfant et que l�on apprend � �tre studieux que si l�on est guid�. Mais chez nous, les cinglants revers doivent imp�rativement s�occulter m�me au prix de quelques exorcismes p�dagogiques. Cela s�appelle de la d�sinvolture qui se paie toujours en d�g�ts plus grands. Et pour cause, vouloir r�duire le d�ficit d�un syst�me d�enseignement par le rep�chage d�magogique, est la pire des solutions. C�est � cela que se r�duit cette pompeuse-refonte incapable de rompre avec le laxisme du pass� et de promouvoir une s�lectivit� qui depuis longtemps leur fait d�faut. Autant dire que les assourdissants battages politiques qui entravent depuis des ann�es le syst�me scolaire ne sont que de la poudre aux yeux. La volont� des pouvoirs publics bute toujours sur les anciennes discordes de fond. C�est parce que cet h�ritage est difficile � solder que toutes les mesures de r�orientation surfent sur les vagues du compromis au lieu de tourner le dos � celui-ci et d��tre radical. En se contentant d�une r�solution copernicienne, l��cole continue � tourner en rond... L�immobilisme est le qualificatif qui l�accompagne depuis une vingtaine d�ann�es. Malgr� les diagnostics et les mille et une propositions de sp�cialistes sa r�organisation demeure un tabou politique qui fait partie des �quilibres internes du pouvoir lui-m�me. Or, le pire dans cette aptitude � maintenir le statu quo sur la question est justement de faire semblant que l��cole �change� selon des souhaits. Rien, donc n�est plus faux et pernicieux que de se contenter de retouches techniques. Les fili�res et les r�am�nagements du cycle moyen, � en les pr�sentant comme des conqu�tes majeures. Cette d�marche est fonci�rement en d�calage avec ce qu�il est attendu. L�incapacit� de traiter sur le fond un dossier embl�matique, indique la collusion du pouvoir actuel avec certains courants de pens�e. Les engagements sur d�autres fronts � l�amazigh entre autres � ont un prix politique, celui de donner des gages aux alliances avec certaines mouvances islamistes ou conservatrices, dont l��cole est un enjeu. Historiquement, l��cole alg�rienne est fortement marqu�e par la pens�e du parti unique, lequel se rapprocha id�ologiquement des cadres islamistes au cours de la d�cennie 1980. Les choix et le remodelage du cursus �taient essentiellement dict�s par une offensive pr�tendument qualifi�e d�alg�rianit�. En fait, la syst�matisation de la langue arabe et la stupide exclusion des langues �trang�res. Cependant ce n��tait pas tant la vieille querelle linguistique qui fit probl�me mais le d�tournement des contenus p�dagogiques. Manuels et programmes furent enti�rement r��crits pour les premiers et r�adapt�s pour les seconds. Au lendemain d�octobre 1988, la mainmise du courant islamiste sera sans partage. Le contr�le p�dagogique ainsi que les crit�res de recrutement des enseignants ob�issaient pr�cis�ment � un �talibanisme� � la sauce alg�rienne. Progressivement, une chasse gard�e r�veilla l�enseignement public. Une paradoxale privatisation id�ologique fut impos�e qui expurgea les programmes de toutes les r�f�rences r�publicaines. L��tendue des d�g�ts sont aujourd�hui parfaitement mesur�s alors que le toilettage se fait � dose hom�opathique et qu�il y a plus de valses-h�sitations � chaque rentr�e scolaire que d��lans refondateurs. Pour autant que tous les blocages s�alimentent de cette cohabitation au sommet, ne faut-il pas d�ores et d�j� enterrer cette promesse avec les faux-fuyants d�un minist�re ? M�me si les associations des parents d��l�ves continuent d�sesp�r�ment � exiger une �cole du 21e si�cle, il leur faudra se faire une raison par les temps politiques qui courent. Les plus ais�s d�entre eux, ont d�j� trouv� l�alternative dans l��cole priv�e, l� o� l��ducation citoyenne ne se confond pas avec le conditionnement de la spiritualit�. Inconcevable renversement des vacations quand l��cole publique se contente d��tre une annexe �id�ologique� au moment o� les �tablissements du priv� se reconnaissent dans les saines valeurs civiques. En attendant, il n�y a pas d�illusion � se faire � l�or�e d�une nouvelle ann�e scolaire. Elle ressemblera aux pr�c�dentes, sauf pour ceux qui croient en la magie de leur propre discours.