C'est désormais officiel : il y aura bel et bien des élections législatives et locales anticipées, et qui interviendront même à brève échéance. C'est ce qu'a clairement laissé entendre, en tout cas, le Président Abdelmadjid Tebboune, hier dimanche, à l'occasion de sa rencontre avec les responsables des quotidiens El Khabar et le Soir d'Algérie. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Tebboune, qui installait, la veille, samedi, une nouvelle commission Laraba, chargée cette fois de se pencher sur la révision du code électoral, précisera d'emblée, en effet, que, s'agissant des délais fixés pour les membres de cette commission pour finaliser son travail, «en principe, ils ont un mois et demi de sorte que, dès que les citoyens approuvent comme nous le souhaitons, la nouvelle Constitution via le référendum, nous commencerons immédiatement après à préparer les élections». Pour rappel, les mandats respectifs de l'Assemblée populaire nationale et des Assemblées populaires communales et de wilaya ne devaient prendre initialement fin qu'en juin 2022 pour la première et novembre de la même année, pour les secondes. Dans l'agenda politique de l'actuel locataire d'El-Mouradia, ces élections sont donc la seconde grande étape, qui suivra la révision de la Constitution. Insistant sur la moralisation de la vie publique et politique, Tebboune estime que rien ne pourra se faire avec des institutions qui manquent de crédibilité. «Il faut que la représentation nationale soit réelle, avec des prérogatives élargies (...) l'argent a perverti la morale et vous avez tous suivi les déballages à l'occasion des derniers procès.» Dès lors, il y a nécessité d'en finir avec les assemblées mal élues et Tebboune annoncera même que «peut-être d'ici la fin de l'année, nous allons avoir des institutions crédibles». Le processus pour ce faire est en tout cas lancé, et le seul obstacle qui pourrait se dresser sur son chemin reste l'évolution de la situation sanitaire. Et à ce propos, justement, le chef de l'Etat affirmera, encore une fois, qu'«au risque de me répéter, nous avons été les premiers à prendre certaines mesures (pour circonscrire la pandémie, ndlr). Nous espérons que d'ici les élections sur le référendum, nous serons au moins au même niveau en termes de nombre de cas de contamination». Rentrées scolaire et universitaire : rien n'est encore décidé La situation sanitaire qui rythme tout depuis mars dernier a, bien entendu, été largement évoquée durant cette sortie présidentielle. Tebboune livrera d'abord quelques chiffres, comme le coût de la gestion de cette situation exceptionnelle qui a atteint, jusque-là, les 165 milliards de DA, ou encore le nombre d'Algériens rapatriés de pas moins de 44 pays et qui sont 33 000 environ. Il évoquera surtout la question qui préoccupe le plus, ces derniers temps : les rentrées scolaire et universitaire. Et sur ce point, sans détour, la réponse est très directe : «Concernant la rentrée scolaire et universitaire, la réponse ne peut être que scientifique. Il ne s'agira pas d'une décision autoritaire», dira Tebboune qui plaide pour une extrême prudence. «Il ne faut pas oublier que certains pays, y compris en Europe, ont été contraints de refermer après avoir ouvert les écoles. D'autres ont été contraints de retourner au confinement, ce qu'il nous faut absolument éviter (...) ». L'Algérie a opté pour une politique qui privilégie la santé du citoyen au détriment de l'économie, expliquera-t-il encore, affirmant que, dans tous les cas, il faut absolument éviter un retour au confinement aux conséquences catastrophiques, « non seulement sur l'économie, mais sur la santé du citoyen ». Aussi, est-il possible d'aller, par exemple, vers « une rentrée scolaire et universitaire au cas par cas. Et pas forcément fixer une date nationale pour une reprise générale». Il argumentera en prenant pour exemple la difficulté de gérer des situations précises comme la mise en place d'un protocole sanitaire au niveau des cités universitaires ou pour le transport scolaire. Drareni «pas une affaire de délit de presse» Inévitablement, l'affaire de Khaled Drareni, récemment condamné à deux ans de prison, et la liberté de la presse et d'expression en général, ont été évoquées durant cette rencontre avec la plus haute autorité du pays. Et sans surprise, Tebboune affirmera : « J'ai déjà eu à le déclarer, et le ministre de la Communication également, qu'il ne s'agit pas là d'une affaire de délit de presse .» Il n'en dira pas plus pour autant sur ce cas précis. Par contre, il s'étalera longuement sur la question de la liberté de la presse. « Est-ce qu'il y a un seul pays, de la taille de l'Algérie, où l'on compte 180 quotidiens nationaux ? » commencera par s'interroger Tebboune qui enchaînera aussitôt : « En plus de 180 journaux, nous comptons 8 500 journalistes. Ces journaux sont imprimés avec du papier subventionné par l'Etat. Ils sont imprimés par des imprimeries de l'Etat que beaucoup ne payent pas, ils ont de la publicité de l'Etat, et souvent, ils critiquent. Pour autant, jamais nous n'avons pris des mesures coercitives contre eux, ne serait-ce que commerciales (...) ». Insistant, encore une fois, sur le fait « qu'aucun journaliste n'est en prison pour avoir écrit un article », Tebboune s'en prendra ensuite à certaines ONG internationales. À ce propos, et s'il rend hommage à une ONG comme Amnistie internationale, il affirmera que certaines ONG, « c'est connu, ne sont que des appendices de services», utilisées contre l'Algérie, «car le changement chez nous ne les arrange pas. Pour eux, nous, nous ne méritons pas la démocratie. Et que ce pays doit être déstabilisé ». Il s'en prendra particulièrement à l'ONG française RSF. «Les enquêtes ? J'y tiens personnellement» Depuis quelques semaines, le président de la République multiplie les interventions personnelles dans certains dossiers avec, souvent, des décisions fermes et, notamment, l'ouverture d'enquêtes sur plusieurs sujets. « C'est un passage obligé. Sur 200 ou 300 questions qui relèvent des membres du gouvernement, j'interviens parfois sur cinq ou six questions. Cela, en raison du manque d'expérience de certains cadres ou ministres malgré leurs bonnes intentions », expliquera-t-il. Plus précisément, les problèmes l'ayant incité à ordonner des enquêtes. «Les enquêtes ? Moi j'y tiens personnellement. Ces enquêtes vont nous permettre, déjà, de savoir ce qui se passe réellement dans le pays .» À titre d'exemple, Tebboune avait ordonné l'ouverture d'une enquête sur les coupures fréquentes d'internet. Et à ce propos, justement, il s'engagera, encore une fois, à ce que « d'ici la fin de l'année, la situation va nettement s'améliorer sur l'ensemble du territoire national (...) Cette situation ne nous honore franchement pas. Surtout pour un pays qui veut aller vers une économie basée sur les start-up, l'e-payment ( ...) Ces coupures, moi je ne vais plus les tolérer et, d'ici la fin de l'année, le citoyen sentira vraiment le changement ». Sur cette même « histoire » de coupures d'internet, récurrentes ces dernières années à l'occasion de chaque session des examens du bac, Tebboune promettra également de régler définitivement le problème. « Les solutions techniques et technologiques existent et je promets qu'à partir de l'année prochaine, il n'y aura plus de coupures d'internet à l'occasion des examens du bac. Il y a des moyens technologiques pour cela et nous allons nous en équiper.» Réformes profondes du système bancaire Au plan économique, le chef de l'Etat tenait d'abord à réitérer la position de l'Algérie vis-à-vis de l'accord d'association avec l'Union européenne. «Nous nous dirigeons vers une économie ouverte sur le monde » et, à ce titre, « l'Union européenne est un partenaire et l'accord en question, nous-mêmes nous y tenons .» Cela étant, cet accord doit être révisé « et eux-mêmes (les Européens, ndlr) sont d'accord sur cette question ». Notamment dans son volet portant démantèlement tarifaire. Mais pour que l'Algérie puisse y faire face, il est également question d'une réforme profonde du système financier et bancaire. « Il faut que la loi sur la monnaie et le crédit soit révisée », affirmera le chef de l'Etat qui plaidera, avec force, pour « une réforme bancaire absolue ». Mais aussi, pour une nouvelle approche économique à même d'encourager et de rassurer les investisseurs. En particulier « la stabilité juridique. Quand on met en place un cahier des charges pour l'automobile, par exemple, il faut qu'il soit stable pour au moins dix ans». Libye et Mali : les positions fermes d'Alger Outre les questions nationales, le Président Tebboune a longuement évoqué, au cours de cette rencontre avec les médias, la situation dans la région et dans le monde. Surtout la situation en Libye et au Mali. Et sur ces deux situations en particulier, Tebboune a exprimé des positions claires et fermes de l'Algérie. « Rien ne se fera en Libye sans nous», tranchera le chef de l'Etat qui rappellera, encore une fois, que la seule solution valable pour la Libye reste la légitimité populaire, dans le cadre de l'ONU». Or, il fera remarquer que certaines parties font en sorte que l'on se retrouve dans une situation où « il y a désormais un conflit international en Libye (...) Nous suivons de près ce qui se passe et nous avons notre mot à dire ». Idem pour la situation au Mali. « Nous suivons la situation de très près et nous savions que quelque chose se préparait au Mali depuis trois mois environ.» Tebboune expliquera, ensuite, la position de l'Algérie sur cette question. « Nous avons clairement dit aux membre de ce comité (les militaires actuellement au pouvoir, ndlr) que nous souhaitons que la transition soit la plus courte possible. Et ils ont opté pour 18 mois. Nous leur avons également signifié que notre condition est qu'un civil soit à la tête du pays .» Dénonçant l'attitude de la communauté des pays de l'Afrique de l'Ouest dans cette affaire, « ils ne nous ont ni informés ni consultés, et nous n'allons ni les consulter ni les informer, nous aussi », Tebboune lancera comme une mise en garde : «S'agissant du Nord-Mali, la solution ne pourra qu'être à 90% algérienne, dans le cadre des accords d'Alger.» K. A. «La question palestinienne est sacrée» L'Algérie reste inflexible s'agissant de la question palestinienne. Hier dimanche, le Président Tebboune a exprimé officiellement la position de l'Algérie concernant le processus de normalisation que certains pays arabes ont entamé depuis quelques jours avec Israël. «Nous regrettons d'abord cette espèce de bousculade à la normalisation à laquelle nous ne participerons pas, évidemment. Et dont nous ne nous réjouissons pas non plus», répondra d'emblée le chef de l'Etat. «La question palestinienne reste, pour nous et pour l'ensemble du peuple algérien, une question fondamentale, sacrée. Une position que je vais d'ailleurs réitérer mardi, à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Pour nous, il s'agit là de la mère de toutes les causes et qui ne trouvera de solution que dans le cadre de la reconnaissance d'un Etat palestinien, ayant pour capitale El Qods.» K. A.