De Tunis, Mohamed Kettou Où va-t-on ? Une question qui revient, tous les jours, dans la bouche des Tunisiens, toutes catégories confondues. Et pour cause. Face à un gouvernement qui tarde à trouver les solutions idoines, les protestataires ne reculent pas. Les juges sont en grève et les journalistes portant le brassard rouge n'entendent pas arrêter leur mouvement avant le 10 décembre, journée choisie pour une grève générale. Voilà pour le niveau national. Dans les régions, la situation est souvent pire. Car, si les juges et les journalistes protestent dans la discipline, les débordements aboutissent, parfois, à la casse. C'est que leurs revendications sont insatisfaites depuis plusieurs années bien qu'elles soient consignées, tout comme les promesses des gouvernements précédents. Il s'agit de l'amélioration des conditions matérielles, de l'emploi et du développement régional. À l'origine, l'accord conclu entre le gouvernement et les contestataires « d'El Kamour » à Tataouine qui avaient arrêté la production des hydrocarbures durant une longue période causant d'énormes pertes pour l'Etat. L'aboutissement à cet accord a incité les citoyens d'autres régions à imiter ceux de Tataouine dans l'espoir de contraindre le gouvernement à répondre à leurs attentes, difficiles, d'ailleurs, à satisfaire. D'autant plus que ces revendications viennent de régions marginalisées et prioritaires en matière de développement. Aussi, assiste-t-on à la fermeture de l'unité de traitement de gaz à Gabès engendrant une pénurie de ce produit dans plusieurs gouvernorats du Sud, à une grève générale et une suspension du trafic des trains à Béja, au blocage de la vanne de pétrole à Douleb (Kasserine), outre les contestations nocturnes en plein couvre-feu à Jelma (Sidi Bouzid) et l'arrêt de la production du phosphate à Gafsa. Le pire serait à attendre si les Kairouanais venaient à mettre à exécution leur menace de fermer la vanne du gaz algérien acheminé vers l'Italie. Autant de protestations qui rendent invivable le climat politique et social sans compter leur effet négatif direct sur une économie agonisante. Parmi les citoyens qui se demandent où va le pays, certains donnent des explications qui ne manquent pas de crédibilité. Les citoyens du sud du pays, habitués au commerce légal ou illégal avec la Libye, crient leur désarroi après avoir perdu leur source de vie. Aujourd'hui, la région est fragilisée sans que les gouvernements successifs en soient responsables. Cela n'empêche pas certaines personnes de considérer que le gouvernement a fait le mauvais choix en prenant des décisions inadéquates dans l'affaire d'El Kamour. « Mechichi, estime-t-on, aurait dû exiger la réouverture de la vanne de pétrole, avant même le démarrage des négociations avec les demandeurs d'emploi. Maintenant, toutes les régions ont compris que le gouvernement va se plier à leurs demandes, s'ils optent pour le chantage ». Les commentaires foisonnent à ce sujet pour mettre en relief les disparités régionales avec cette nuance qui laisse place au bon sens. Cela, indique-t-on, ne représente, en aucun cas, un argument suffisant pour bloquer la production pétrolière, de gaz ou de phosphate. Face à cette situation cauchemardesque, les autorités, notamment le chef du gouvernement, agissent avec timidité sans recourir à la force pour rétablir la sécurité dans le pays. Les décisions prises au profit de certaines catégories telles que les magistrats n'étaient pas du goût de ces derniers qui continuent à déserter les tribunaux au grand dam des justiciables. Mais que prévoit-il pour les protestataires dans les régions ? Rien que moins que des décisions semblables prises en faveur de la région de Tataouine. Autrement, le pays s'enflammera de nouveau. Cela sans compter l'impact du coronavirus sur l'économie du pays, sachant qu'à ce jour, le virus a atteint 12% de la population sans que le pic soit encore atteint. Ainsi, la question qui reste posée : où va-t-on aux niveaux politique, économique, social et sanitaire ? M. K.