Le guerrier Parthe avait une technique de combat particulière. Il faisait semblant de battre en retraite mais, au moment où on le croyait fuyant la bataille, il décochait une flèche. Coup en traître ? Intelligence tactique ? Cela s'appelle « la flèche du Parthe ». C'est ce que vient de faire Donald Trump. Avant de quitter la Maison-Blanche remportée par Joe Biden, le Président sortant détient encore pour quelques petites semaines le pouvoir d'ajouter au marasme du monde. C'est exactement le sens que recèle sa dernière œuvre en date qui consiste en un troc – désigné par le terme de « diplomatie transactionnelle » — à effet triangulaire entre le Maroc, Israël et les Etats-Unis. Une transaction entre colons supervisée par un Président américain qui se place du côté de l'occupant. Les Etats-Unis reconnaissent la « marocanité » du Sahara Occidental contre la reconnaissance par le Maroc de l'Etat d'Israël. Sous l'influence de son beau fils Jared Kushner, fervent défenseur de l'Etat d'Israël dans son mépris récurrent du droit international, Donald Trump a multiplié, avant de quitter la Maison-Blanche, ce type de transactions pour débaucher les soutiens à la cause anticoloniale palestinienne au profit d'Israël et de son appétit territorial hégémonique. À chacun des pays qui ont accepté de tourner le dos au droit international en préférant marcher avec les puissants, surtout si ce sont des pays dits arabes, donc censés être naturellement aux côtés des Palestiniens, Trump donne un cadeau. En acceptant la paix avec Israël, le Soudan a obtenu de l'administration dirigée par Trump d'être retiré de la liste des pays accusés de soutenir le terrorisme. Les Emiratis ont reçu en cadeau la vente du F-35, le dernier-né des avions de combat américains. Quant au Maroc, en reconnaissant Israël, il reçoit en guise de présent le ralliement des Etats-Unis d'Amérique, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, à la « marocanité » du Sahara Occidental. Ce troc renseigne sur l'état du monde d'aujourd'hui où la loi du plus fort prime sur le droit international. On prétend régler les deux derniers conflits coloniaux du siècle en appuyant les colonisateurs. Qu'il s'agisse d'Israël et son ardeur à torpiller toute tentative de solution pour deux Etats en multipliant l'ingestion de territoires palestiniens ou bien du Sahara Occidental pour lequel le Maroc a toujours louvoyé avec l'arbitrage de l'ONU, en tergiversant notamment sur l'organisation d'un référendum sur l'autodétermination qu'il craint défavorable, on est dans la même problématique. Israël et le Maroc, dont les prétentions sur des territoires sont contestées par le droit international et de l'autre, des peuples, palestinien et sahraoui, qui, pour l'un depuis plus de 70 ans et plus de 45 ans pour l'autre, attendent des instances internationales qu'elles appliquent les résolutions de l'ONU. Au lieu de quoi, les grandes puissances comme les Etats-Unis choisissent de bafouer ces résolutions en procédant à des marchandages indignes. Mais ce type de troc n'est pas anodin. Il répond aux exigences de calendrier géostratégique de la nouvelle configuration internationale. Dans la carte des lignes de fractures qui lézardent la région, le Maroc n'a jamais dissimulé son rapprochement avec les pétromonarchies du Golfe. Celles-ci se sont ralliées à Israël pour faire face à l'Iran, considéré comme l'ennemi commun. Mais cette annonce ne fait que donner une apparence officielle à des relations entre le Maroc et Israël qui ont toujours existé. La présence d'une très forte communauté de juifs marocains en Israël, qui ont gardé le contact avec le pays d'origine, a maintenu un lien entre les deux pays. En 1994, l'un et l'autre disposaient de bureaux de liaison qui n'ont fermé qu'à l'explosion de la seconde Intifada palestinienne, au début des années 2000. L'annonce par le locataire de la Maison-Blanche de ce marchandage a eu les effets attendus. D'abord, il a fait parler de Donald Trump qui n'avait pas obtenu un tel buzz depuis belle lurette. Ensuite, elle a provoqué d'un côté une satisfaction honteuse des partisans de ce rapprochement, et de l'autre, un tollé d'indignation notamment chez les internautes algériens, du fait que le Maroc rejoigne la liste des pays « traîtres ». Ceux qui applaudissent à l'accord ont un argument qu'ils croient imparable. Les Palestiniens eux-mêmes faisant dans le réalisme, ont des relations avec Israël et ne désapprouvent pas les pays arabes qui en ont tissées. Même si, contraints par la situation internationale en défaveur des colonisés, les Palestiniens sont tenus de composer avec ceux qui les privent de leurs droits nationaux, cela n'enlève rien à l'injustice qui frappe un peuple. Et cela n'en demeure pas moins une occupation coloniale qu'il faut dénoncer. Ce qui ne signifie pas que l'on soit plus palestinien que les Palestiniens eux-mêmes mais, plus simplement, que l'on reste un anticolonialiste conséquent. Anti-colonialiste aussi à l'égard du Sahara Occidental. Car c'est bien une question coloniale dont il s'agit. A ce titre, il faut dénoncer l'occupation intrinsèquement, pas seulement parce que l'Algérie est impliquée. L'affaiblissement de l'Algérie a autorisé Trump à commettre une telle forfaiture. Deux obstacles auraient pu l'empêcher : le refus de l'ONU et la réaction dynamique de l'Algérie. L'ONU est rétamée. Et l'Algérie est occupée à se dépêtrer de ses crises internes. A. M.