La tendance haussière des cours du pétrole entamée en novembre dernier, dans des proportions beaucoup plus surprenantes qu'il était attendu au sortir de la fin décembre, est en train de susciter moult spéculations, analyses et perspectives. Dont nombreuses portées par un optimisme de la part de ceux-là mêmes qui, il y a à peine quelques mois, voyaient d'un œil extrêmement sceptique l'évolution du marché, notamment durant le premier semestre en cours. Depuis plusieurs semaines plus particulièrement, des facteurs «exogènes» sont en train de donner aux prix des deux barils de pétrole de référence une allure qui met à mal les fondamentaux. Même si ceux-ci, l'offre et la demande, se remettent progressivement en place, l'effort de l'Opep et de ses alliés pour limiter la production et les campagnes de vaccination contre la Covid-19 étant, bien entendu, pour beaucoup dans la stabilisation qui s'est fait tellement désirer. Une évolution qui, comme on pouvait s'y attendre, suscite bien des analyses et des perspectives, dont les deux qui se sont succédé en une semaine. Des perspectives qui ont eu de l'écho, à commencer par celle rapportée la semaine dernière dans une des éditions du Financial Times. En effet, si l'on doit se fier à deux banques parmi les plus influentes de Wall Street, JP Morgan Chase et Goldman Sachs en l'occurrence, les prix du brut reviendront à leur niveau d'avant la crise de 2014, aux alentours de 100 dollars le baril, suivant ce qui est défini comme étant le «super cycle» du pétrole. «Nous allons manquer de pétrole avant d'en avoir besoin dans les années à venir», a affirmé Christyan Malek, responsable du pétrole et du gaz de JP Morgan, avant d'assurer que «nous pourrions voir le pétrole dépasser, voire plus, 100 dollars le baril». Ceci, alors que Jeffrey Currie, le chevronné analyste de Goldman Sachs, a affirmé au Financial Times que l'hypothèse selon laquelle le pétrole se négocie dans la fourchette de 80 dollars ou même plus cette année est réelle. La consommation de pétrole sera stimulée par les dépenses de relance des gouvernements du monde entier, comme le 1,9 milliard de dollars proposé aux Etats-Unis par l'administration Biden - y compris pour les infrastructures «vertes», selon Jeffrey Currie pour qui «ce type de stimulus visant les revenus des classes moyennes et inférieures, c'est-à-dire les ménages, crée une consommation importante et intensive en produits pétroliers de base, car ils ont une propension beaucoup plus élevée à consommer. Ces gens ne conduisent pas des Tesla (voitures électriques). Ils conduisent des SUV». Moins euphorique mais tout aussi optimiste, l'analyse de la banque Goldman Sachs a statué, lundi, que le pétrole atteindrait 70 dollars le baril en avril-juin, et grimperait à 75 dollars entre juillet et octobre, grâce à un rééquilibrage plus rapide du marché. Optimistes à souhait, du point de vue des producteurs s'entend, les analystes de Goldman Sachs affirment que même une décision de l'Opep + d'augmenter la production ne calmerait pas les prix, car l'offre sera toujours en retard sur la demande. Pas plus tard que le lendemain, soit ce dernier mardi, les financiers de Morgan Stanley et Bank of America ont relayé ce point de vue en augmentant même de 10 dollars les prévisions antérieures, en affirmant que les prix du pétrole seraient en moyenne de 60 dollars le baril cette année et atteindraient 70 dollars. De quoi redonner des couleurs aux stratèges économiques de nombreux pays qui n'ont pas fini d'endurer les affres de la crise née en 2014, avant que la pandémie de coronavirus ne vienne enfoncer le clou, avec un tas de conséquences sur l'économie des pays dépendant de l'industrie pétrolière. Azedine Maktour