Les libéraux de Justin Trudeau ont remporté les législatives canadiennes, une demi-victoire toutefois pour le Premier ministre sortant qui n'est pas parvenu à redevenir majoritaire à l'issue d'une campagne durant laquelle il a été malmené. D'après les résultats préliminaires publiés mardi par Elections Canada, qui organise le scrutin, le parti libéral obtiendrait 158 sièges, sous le seuil fatidique des 170 sièges pour constituer une majorité. Justin Trudeau sera donc contraint de former un gouvernement minoritaire, comme en 2019. Or c'est précisément pour sortir de cette situation qu'il avait déclenché des élections anticipées à la mi-août. «Les Canadiens nous renvoient au pouvoir avec un mandat clair pour parvenir à sortir de cette pandémie et aller vers un avenir meilleur», s'est toutefois félicité M. Trudeau, affirmant qu'il était «prêt» pour ce nouveau mandat et heureux que les Canadiens aient choisi un «programme progressiste». Après des débuts plutôt favorables et des sondages encourageants, Justin Trudeau a connu une campagne particulièrement compliquée, qui a failli tourner au désaveu personnel. L'usure du pouvoir s'est fait sentir et la «Trudeaumanie» de 2015 semblait bien loin... Sur le terrain, il a dû faire face à chaque déplacement à une foule de manifestants en colère contre les mesures sanitaires. L'un d'entre eux lui a même lancé des graviers. Jusqu'au bout, l'issue des élections semblait incertaine : les intentions de vote donnaient encore à quelques heures du scrutin les deux grands partis au coude-à-coude, autour de 31% d'intentions de vote. Lors des derniers jours de campagne, Justin Trudeau a appelé au vote stratégique, expliquant qu'une victoire des conservateurs serait synonyme de retour en arrière, notamment sur la question climatique. «Ce soir, les Canadiens n'ont pas donné à M. Trudeau le mandat majoritaire qu'il voulait», a souligné le chef des conservateurs Erin O'Toole lundi soir, regrettant que cette élection ait encore «aggravé les divisions» dans le pays. M. O'Toole, dont le parti devrait remporter 119 sièges selon Elections Canada, a fait une campagne résolument au centre et promis aux Canadiens d'incarner le renouveau. La réorganisation des bureaux de vote liée à la pandémie a provoqué exceptionnellement une longue attente en fin de journée pour les électeurs des grandes villes. Liliane Laverdière, Montréalaise de 67 ans, a tenté quatre fois d'aller voter et a expliqué avoir été surprise par l'affluence. «D'après moi, les gens veulent du changement», a-t-elle déclaré, ajoutant «n'avoir jamais vu ça» en 10 ans. D'autres électeurs affirmaient au contraire s'être déplacés pour remercier le Premier ministre sortant de sa gestion de la crise sanitaire — le pays affiche l'un des taux de vaccination les plus élevés au monde. «Pour moi, la gestion de la pandémie est l'enjeu le plus important de cette élection. Et je pense que le Premier ministre l'a bien gérée», estime Kai Anderson, 25 ans, électrice à Ottawa, la capitale fédérale. Même sentiment pour Liz Maier, 72 ans, qui habite de l'autre côté du pays, sur la côte pacifique à Vancouver, et qui souhaite de «la constance» au pouvoir, particulièrement avec la pandémie. «Au final, on peut vraiment se dire que c'est une campagne pour rien», souligne Félix Mathieu, de l'université de Winnipeg, qui note que dans beaucoup de provinces, «les sortants ont été systématiquement réélus». Les quelque 27 millions de Canadiens étaient appelés à élire les 338 députés que compte la Chambre des communes. Quand aucun des deux grands partis qui alternent au pouvoir depuis 1867 n'est en mesure d'obtenir une majorité de sièges au Parlement, le vainqueur doit composer un gouvernement minoritaire. Et pour cela, il a besoin de composer avec les plus petits partis pour gouverner à Ottawa comme le Nouveau parti démocratique (NPD) de Jagmeet Singh ou le Bloc québécois, formation indépendantiste. Depuis Vancouver, Jagmeet Singh, dont le parti devrait obtenir 25 sièges, a félicité M. Trudeau et promis de poursuivre le combat contre le changement climatique et sur une série de sujets sociaux. Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet s'est lui interrogé dans la soirée: «Tout ça pour ça ? Pas de gagnant, pas de perdant, mais sûrement un jugement sévère des gens qui se diront ''mais qu'est-ce que c'était que cette histoire ?''».