De Tunis, Mohamed Kettou Des hommes politiques et des activistes de la société civile manifestent contre les décisions du Président Kaïs Saïed sur l'avenue Bourguiba, au centre de Tunis, la capitale. Le perron du théâtre municipal situé sur la principale avenue de la capitale tunisienne (avenue Bourguiba) est, depuis 2011, le lieu de rendez-vous de tous les contestataires du régime en place. Ce fut le cas ce dimanche quand il a été pris d'assaut par les adversaires de Kaïs Saïed qui protestent contre ses récentes décisions. Les manifestants — parmi eux des hommes politiques et des activistes de la société civile — étaient plus nombreux que la semaine dernière. Ils brandissaient des slogans hostiles au chef de l'Etat et donnaient de la voix pour rejeter les mesures transitoires prises les 25 juillet et 22 septembre qui gèlent les travaux du Parlement, privent les députés de l'immunité, de leurs salaires et ne retiennent de la Constitution que le préambule et les deux premiers articles. En effet, depuis la fin du mois de juillet, la Tunisie vit au rythme des manifestations, souvent pacifiques, expression du ras-le-bol que supporte, stoïquement, un peuple qui ne sait plus comment et quoi faire pour faire face aux exigences de la vie quotidienne. En sortant du mutisme que lui imposait la Constitution, Kaïs Saïed a donné beaucoup d'espoir au peuple qui s'est senti déchargé du poids du parti islamiste. Celui-ci, bien qu'il ne détienne pas le pouvoir, a utilisé toutes les manœuvres pour infiltrer la majorité des départements ministériels régaliens en particulier. Voilà pourquoi le peuple a lancé un « ouf » de soulagement le jour où, il y a deux mois, le chef de l'Etat a décidé de prendre tous les pouvoirs réduisant Ennahdha et ses satellites à des partis sans influence sur la vie politique du pays. Dimanche dernier, deux grands clans se sont rencontrés sur l'avenue Bourguiba. Trois mille manifestants, selon des sources sécuritaires, ont occupé cette artère principale de la ville dont toutes les issues ont été rapidement bouclées par les forces de sécurité qui ont eu du mal à canaliser une foule partagée entre fans du Président et ses adversaires. Bien entendu, les appréciations et les déclarations sont partagées selon qu'on soit pro ou contre le Président. De nombreux nahdhaouis ont appelé au retour à la situation antérieure au 25 juillet. Parmi eux figurent certains qui viennent de démissionner du parti. Ils ont trouvé soutien auprès de la gauche comme du temps où ils luttaient contre Ben Ali. Pire encore, parmi ces manifestants de la gauche figuraient certains soutiens, il y a quelques mois seulement, à Kaïs Saïed. Sachant que les décisions présidentielles leur barrent tous les chemins des privilèges, ils ont, vite fait, de s'allier aux islamistes. Pressions locales et internationales En face, de nombreux citoyens ont apporté leur soutien à Kaïs Saïed. C'est, estiment-ils, une nécessité. D'autant plus, disent-ils, que l'attente a été longue sans espoir de voir le pays s'engager dans la voie souhaitée par le peuple un certain 14 janvier de l'année 2011. Cependant, il n'y a pas que les réactions locales qui seraient sources d'inquiétudes pour Kaïs Saïed. Malgré sa résistance, la question est de savoir comment il se comportera pour ne pas perdre la face devant les Américains, les Français ou les Allemands. Ces derniers, avec l'Union européenne, ne font que multiplier les appels à un rétablissement du processus démocratique. Il n'empêche que malgré l'opposition d'une frange de la population, Kaïs Saïed jouit, encore, de la confiance de 72% des voix des éventuels votants, selon un récent sondage. M. K.