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Macron, les mots de trop et après ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 10 - 2021

Après avoir déclenché une tempête diplomatique, E. Macron souhaite l'apaisement. À l'évidence, l'Algérie manquait au tableau du Président français qui, excepté avec son protégé le Maroc, a tendance à se fâcher avec le monde entier y compris avec ses alliés. Des mots ont été dits, de manière crue, par le chef d'Etat français qui ont suscité les réactions que l'on sait. « C'est mieux de se parler, d'avancer », a-t-il déclaré sur la radio publique France-Inter. Soit. Si c'était cela le but recherché par le Président français, pourquoi cette interrogation extrêmement blessante sur le passé de l'Algérie d'avant 1830, qui le place sur la même ligne qu'un Eric Zemmour pour qui « l'Algérie n'existe pas, c'est une invention de la France » ?
Reconnaissons à Emmanuel Macron d'avoir été le premier Président français à aborder ce sujet tabou de la colonisation qu'il avait qualifiée avant d'être élu chef de l'Etat de « crime contre l'humanité », puis d'avoir confié à l'historien Benjamin Stora un travail sur la réconciliation des mémoires. Avant lui, ni Chirac, ni Sarkozy, ni Hollande n'étaient allés aussi loin. Quant au rapport de B. Stora, il s'agit « d'abord d'un problème franco-français », comme l'a admis E. Macron.
Cela dit, la vraie question maintenant est de savoir comment sortir de cette crise diplomatique qui risque de tourner à l'impasse ? Et si l'Algérie a intérêt à s'aventurer sur un terrain où la passion et l'émotion risquent de primer sur la raison ? Ne vaudrait-il pas mieux que chacun assume son passé et laisse l'Histoire trancher ? D'autant que cette question d'excuses demandée à la France pour les crimes commis durant la colonisation a été formulée pour la première fois en 2005 par l'ex-Président Bouteflika, alors accusé de favoriser les entreprises françaises au détriment d'autres. Et comme par enchantement, tous ceux qui allaient former le noyau dur de la présidence de Bouteflika et qui ont mené le pays à la situation actuelle lui avaient alors emboîté le pas. Certains d'entre eux sont aujourd'hui en prison, d'autres en fuite.
Jamais avant Abdelaziz Bouteflika un Président algérien ou dirigeant historique du FLN n'a demandé que la France s'excuse pour ses crimes. Ni Ahmed Ben Bella, ni Houari Boumediène, ni Mohamed Boudiaf, ni Aït Ahmed, ni M. Khider, ni Krim Belkacem, n'ont exigé de leur vivant que la France s'excuse pour son passé colonial. Ils l'auraient pu mais ils ne l'ont pas fait. Or, on ne fait pas plus nationaliste et patriote que ces hommes-là ! Aussi Rédha Malek avait-il mille fois raison d'affirmer que « l'Algérie n'a pas besoin d'excuses de la part de la France, la plus grande excuse qu'elle puisse exprimer, c'est la reconnaissance de notre indépendance, car les crimes étaient commis depuis 1830 »... « Ce que nous demandons à la France est qu'elle respecte cette indépendance .» « Il faut éviter le langage creux et les diatribes qui ne profitent pas à l'Histoire. Il faut dire les choses importantes à l'opinion publique et les historiens ont la responsabilité de dire la vérité. »(1)
Aujourd'hui, le vrai patriotisme est de relever le défi du développement, de répondre aux attentes sociales et aux attentes de liberté et de démocratie exprimées par une majorité d'Algériens lors du Hirak, de sorte que l'Algérie soit respectée à l'international. Et de faire valoir son image par d'autres moyens qu'une restriction des libertés ! Le fait par exemple que le PAM (Programme alimentaire mondial), institution de l'ONU, ait classé l'Algérie dans sa cartographie de la pauvreté, parmi les pays dont le taux de personnes sous-alimentées est inférieur à 2,5% de la population totale durant la période 2018-2020, mérite d'être noté. Et que l'Algérie soit le seul pays en Afrique à ne pas dépasser ce seuil, et partant à figurer dans la même catégorie que les pays européens, les Etats-Unis, le Canada, la Chine, la Russie, le Brésil et l'Australie, est plus parlant que les propos polémistes d'Emmanuel Macron. D'autant que le Maroc, que d'aucuns chez nous et en France citent en modèle, est classé, quant à lui, dans la deuxième catégorie qui regroupe les pays en Afrique dont le taux de la population touchée par la sous-alimentation varie entre 2,5 et 4,9%.
Qu'est-ce à dire ? Sinon qu'il est possible de faire mieux dans d'autres domaines, que de perdre son temps à parier sur une remontée du prix du baril et à voir derrière chaque opinion divergente un complot.
H. Z.
(1) Horizons du 31 octobre 2015.


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