Le 15 octobre 1987, un commando dirigé par Hyacinthe Kafando pénètre dans la salle où s'étaient réunis Sankara et des membres de son secrétariat, et tire sur le Président burkinabé et ses collaborateurs. Thomas Sankara et 12 de ses camarades sont assassinés. Le coup d'Etat porte au pouvoir l'ami intime du Président, Blaise Compaoré. La politique progressiste et anti-impérialiste de Sankara ne pouvait que déplaire aux puissances extérieures hostiles à une Afrique affranchie du joug néocolonialiste, dont l'implication dans l'assassinat semble plus que probable. Trente-quatre ans plus tard, le procès de ses assassins prévu le 11 octobre et repoussé au 25, se tient à Ouagadougo, grâce à la courageuse persévérance du juge François Yaméogo. Quel rôle jouèrent la France en la personne de Mitterrand à qui il tenait tête, les Etats-Unis et certains pays d'Afrique dont la Côte d'Ivoire et le Liberia ? On peut parier que les commanditaires extérieurs ne seront pas inquiétés. En 2017, Emmanuel Macron avait annoncé la levée du secret-défense sur des documents relatifs à cet assassinat. Le tribunal entendra notamment le général Diendéré déjà incarcéré et condamné pour avoir tenté de renverser le tombeur de Compaoré lui-même évincé en octobre 2014 à la suite d'un soulèvement populaire. Ce dernier, réfugié en Côte d'Ivoire grâce à la France, ne sera pas présent au procès. Sankara était comme un caillou dans la chaussure des puissances occidentales gênées dans leurs ambitions africaines. Son projet révolutionnaire basé sur l'émancipation de la société de tous les conservatismes avait de quoi inquiéter les tenants de l'exploitation de l'Afrique. Il clamait haut et fort l'égalité entre les sexes et œuvrait à la libération de la femme, interdisant l'excision par décret, ce qui était très novateur pour l'époque. Il avait pris conscience de l'impérialisme culturel et médiatique qui entraînait la domination des plus démunis. Il avait noué des alliances avec les régimes les plus progressistes d'Afrique et au-delà dont Cuba, ce qui contrariait les stratégies des USA et de leurs alliés. Ce n'est pas uniquement pour prendre le pouvoir que Compaoré et les siens ont assassiné Sankara mais aussi pour annihiler sa fougue révolutionnaire, cette vertu qui coûta la vie quelques décennies plus tôt à cette autre figure charismatique du panafricanisme, Patrice Lumumba. A. T.